Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler un ordre de versement de la direction générale des finances publiques du 9 septembre 2019 par lequel il lui est enjoint de verser personnellement la somme de 147 364,64 euros (17 585 317 francs CFP) dans les caisses de l'Office des postes et télécommunications de la Nouvelle-Calédonie.
Par un jugement n° 1900432 du 28 mai 2020, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la demande de Mme C....
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 juillet 2020 et 19 octobre 2020, Mme C..., représentée par Me E..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1900432 du 28 mai 2020 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;
2°) d'annuler l'ordre de versement émis à son encontre par la direction générale des finances publiques le 9 septembre 2019.
Elle soutient que :
- le contentieux engagé devant le tribunal est un contentieux de l'excès de pouvoir et la remise gracieuse accordée par le directeur général des finances publiques n'a pas fait disparaître l'ordre de versement ; elle reste sous la menace permanente d'ordres de versement ultérieurs ; en tout état de cause, si le recours est un recours de plein contentieux, elle n'a pas obtenu satisfaction dans la mesure où les effets de l'acte contesté persistent malgré la remise gracieuse ;
- l'ordre de versement contesté est dépourvu de base légale ;
- en refusant de procéder aux poursuites et en se déchargeant de sa responsabilité personnelle sur le comptable secondaire, l'agent comptable principal méconnaît les dispositions du décret du 2 mai 2002 ; il a également méconnu le plan comptable en inscrivant les " déficits constatés " sur le compte des comptables secondaires ;
- l'ordre de versement est entaché d'illégalité dès lors qu'il concerne des sommes qui ne pouvaient être légalement regardées comme des " déficits " en application de la délibération du 27 février 1986 de l'Office des Postes et Télécommunications de Nouvelle-Calédonie.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 13 août et 18 décembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête et laisse à l'appréciation de la Cour le prononcé d'une amende au titre de l'article R. 741-12 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la contestation d'un ordre de versement s'inscrit dans le cadre d'un contentieux de pleine juridiction comme cela ressort de la jurisprudence du Conseil d'Etat depuis 1988 ;
- il ressort des dispositions de l'article 1er du décret du 5 mars 2008 relatif à la constatation et à l'apurement des débets des comptables publics et assimilés que l'ordre de versement constitue la phase amiable de la mise en jeu par l'autorité administrative de la responsabilité personnelle et pécuniaire en constatant la créance détenue par l'organisme public à l'encontre de son comptable et en la liquidant ; il n'a pas valeur de titre exécutoire et ne peut fonder une action en recouvrement forcé ;
- le recours juridictionnel de la requérante a perdu de son utilité ; même si la décision contestée n'a pas juridiquement disparu de l'ordonnancement juridique, il a été répondu favorablement à la demande de remise gracieuse de la requérante qui a ainsi obtenu satisfaction ; la remise gracieuse a eu pour effet de supprimer tout caractère exigible de la créance ;
- la requête pourra être considérée comme la manifestation d'un recours abusif.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 63-156 du 23 février 1963 ;
- le décret n° 2008-228 du 5 mars 2008 ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- le code de justice administrative ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- et les observations de Mme Guilloteau, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., cheffe du centre financier de Nouméa et comptable secondaire de l'Office des Postes et Télécommunications de Nouvelle-Calédonie (OPT-NC) a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler l'ordre de versement de la direction générale des finances publiques du 9 septembre 2019 par lequel il lui était enjoint de verser personnellement la somme de 147 364,64 euros (17 585 317 francs CFP) dans les caisses de l'Office des postes et télécommunications de la Nouvelle-Calédonie. Par un jugement du 28 mai 2020, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la demande de Mme C.... Cette dernière relève appel de ce jugement.
2. Il résulte de l'instruction que le courrier en date du 9 septembre 2019 par lequel le ministre de l'action et des comptes publics a notifié à Mme C... l'ordre de versement en cause invitait la requérante à adresser auprès des services du ministère une demande de remise gracieuse dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'ordre de versement, et lui précisait également qu'elle pouvait introduire un recours contentieux contre cet ordre de versement dans un délai de deux mois. Mme C... a ainsi sollicité du directeur général des finances publiques, par courrier du 19 septembre 2019, la décharge de responsabilité pour le déficit mis à sa charge par l'ordre de versement de la direction générale des finances publiques du 9 septembre 2019, en faisant valoir les divergences qu'elle constatait depuis plusieurs semaines entre les interprétations faites respectivement, par l'agent comptable et la direction générale de l'OPT-NC, des règles à appliquer en cas de clôture d'un compte à découvert et de la mission dévolue par le service contentieux dans ce cas. En outre, le 7 novembre 2019, Mme C... a saisi le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'un recours dirigé contre cet ordre de versement qui a par nature le caractère d'un recours de plein contentieux. Postérieurement à l'introduction de ce recours, le directeur général des finances publiques a, par une décision du 8 novembre 2019 notifiée le 13 décembre 2019, procédé à la remise gracieuse, en principal et en intérêts, à Mme C... du débet prononcé à son encontre.
3. Dès lors que le directeur général des finances publiques a entièrement accédé à la demande de remise gracieuse de la requérante, l'ordre de versement en cause n'est plus susceptible de donner lieu à exécution. Dans ces conditions, et dans les circonstances de l'espèce, les premiers juges ont pu à bon droit estimer que les conclusions présentées par Mme C... à l'encontre de l'ordre de versement du 9 septembre 2019 étaient devenues sans objet et prononcer, ainsi, un non-lieu à statuer sur ces conclusions. A cet égard, si Mme C... soutient que de nouveaux ordres de versement seraient susceptibles d'être à nouveau émis à son encontre pour des clôtures de compte survenant au cours de périodes postérieures, eu égard aux divergences entre le directeur général de l'OPT-NC et l'agent comptable principal quant aux poursuites à exercer contre les titulaires de comptes chèques postaux dont les comptes sont clôturés débiteurs du centre financier de Nouméa, une telle supputation n'apparaît en tout état de cause pas étayée par les pièces du dossier dès lors que, comme il vient d'être dit, Mme C... a obtenu la remise gracieuse de l'intégralité de la somme mise à sa charge par l'ordre de versement en cause précisément après qu'elle a porté cette divergence à la connaissance du directeur général des finances publiques.
4. Ainsi, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité. Par suite, sa requête ne peut qu'être rejetée.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article R. 741-12 du code de justice administrative :
5. Aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 10 000 euros ".
6. La faculté ouverte par ces dispositions constitue un pouvoir propre du juge. Par suite, les conclusions du ministre de l'économie, des finances et de la relance tendant à ce que Mme C... soit condamnée au paiement d'une amende en application de ces dispositions sont, en tout état de cause, irrecevables.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du ministre de l'économie, des finances et de la relance tendant à l'application de l'article R. 741-12 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée au directeur des finances publiques de la Nouvelle-Calédonie et au Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.
Délibéré après l'audience du 7 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme B..., président de chambre,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme D..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 janvier 2021.
La présidente de la 8ème chambre,
H. B...
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA01827