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26/01/2021 | FRANCE | N°19PA04017

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 26 janvier 2021, 19PA04017


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... et Mme A... D... ont demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012, 2013 et 2014.

Par un jugement n° 1804855/2-2 du 14 octobre 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 décembre 2019 et le 23 septembre 2020, M. et Mme D...,

représentés par la SELARL Bruno Gelix Conseil, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugeme...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... et Mme A... D... ont demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012, 2013 et 2014.

Par un jugement n° 1804855/2-2 du 14 octobre 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 décembre 2019 et le 23 septembre 2020, M. et Mme D..., représentés par la SELARL Bruno Gelix Conseil, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1804855/2-2 du 14 octobre 2019 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement du Tribunal ne répond pas au moyen selon lequel les impositions sont disproportionnées ;

- les sommes qui ont été regardées comme des revenus d'origine indéterminée correspondent à des chèques émanant de parents d'élèves ;

- l'administration n'a pas apporté la preuve de l'existence et du montant des revenus distribués ;

- la présomption d'appréhension des revenus distribués est contestable ;

- elle méconnaît l'article 12 du code général des impôts ;

- ils n'ont pas personnellement encaissé les revenus distribués qui leur sont imputés ;

- les sommes étaient reversées aux enseignants ;

- la majeure partie du chiffre d'affaires de la société a été perçue au cours des quatre premiers mois de chaque exercice, à savoir entre septembre et décembre 2012 et entre septembre et décembre 2013 ;

- l'administration a méconnu la doctrine référencée BOI-RPPM-RCM-10-20-10 ;

- les impositions mises à leur charge à raison des revenus réputés distribués sont confiscatoires et disproportionnées ;

- elles méconnaissent l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 juillet 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. et Mme D... n'est fondé.

Les parties ont été informées le 9 décembre 2020, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt de la Cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce que les bénéfices reconstitués d'une société ne peuvent être regardés comme des rémunérations et avantages occultes, au sens du c de l'article 111 du code général des impôts.

Par un mémoire, enregistré le 10 décembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la Cour de ne pas retenir le moyen d'ordre public dont il a été informé.

Par un mémoire, enregistré le 16 décembre 2020, M. et Mme D... demandent à la Cour de retenir ce moyen d'ordre public.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public.

1. M. et Mme D... étaient gérants de la société à responsabilité limitée (SARL) Ecole secondaire privée Sophia, établissement d'enseignement secondaire sans contrat avec l'Etat, qui a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à la suite de laquelle l'administration fiscale a mis à sa charge, notamment, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés. Parallèlement, M. et Mme D... ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle portant sur les revenus perçus en 2012, 2013 et 2014. Le service a imposé entre leurs mains, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers et selon la procédure de rectification contradictoire, le bénéfice imposable reconstitué de la société Ecole secondaire privée Sophia, qu'il a regardé comme appréhendé en totalité par M. D.... Par ailleurs, des encaissements bancaires constatés au cours des trois années d'imposition en litige ont été qualifiés de revenus d'origine indéterminée et mis à leur charge selon la procédure de taxation d'office. M. et Mme D... relèvent appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales restant à leur charge au titre des années 2012, 2013 et 2014.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". A cet égard, si le juge est tenu de répondre aux moyens des parties, il n'est pas dans l'obligation de répondre à l'ensemble des arguments soulevés à l'appui de ces moyens. En l'espèce, les premiers juges doivent être regardés comme ayant suffisamment répondu, aux points 9 et 10 de leur jugement, au moyen par lequel les requérants soutenaient que les impositions mises à leur charge étaient disproportionnées. Par suite, le moyen doit être écarté.

Sur les revenus d'origine indéterminée :

3 Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ". Aux termes de l'article R. 193-1 de ce livre : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré ".

4. Dès lors que les sommes regardées comme des revenus d'origine indéterminée ont été imposées, au titre des années 2012 à 2014, par voie non contestée de taxation d'office en application des dispositions de l'article L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales, il appartient à M. et Mme D... d'apporter la preuve de l'exagération des bases imposables retenues par l'administration.

5. M. et Mme D... soutiennent que les sommes, versées par chèques, s'élevant, au total, à 12 315 euros en 2012, 24 525 euros en 2013 et à 13 454 euros en 2014, que l'administration fiscale a regardées comme des revenus d'origine indéterminée, émaneraient de parents d'élèves et auraient déjà été incluses dans le chiffre d'affaires de la société Ecole secondaire privée Sophia, tel qu'il a été, après que la comptabilité de la société a été rejetée, reconstitué par le service, de sorte que ces sommes auraient fait l'objet d'une double imposition entre leurs mains, d'une part comme revenus distribués et d'autre part comme revenus d'origine indéterminés. A cet égard, M. et Mme D..., qui produisent des fiches d'inscription d'élèves, font valoir que les parents de ces élèves figurent dans la liste des émetteurs des chèques en cause. Toutefois, ces fiches d'inscription ne mentionnent ni l'année scolaire concernée ni le montant des frais dus au titre des droits de scolarité ou de la demi-pension, alors que les listes d'élèves par ailleurs produites - à savoir, deux listes d'élèves différentes au titre de l'année scolaire 2012-2013, ainsi qu'une liste d'élèves au titre de l'année scolaire 2013-2014 - ne comportent que certains des élèves dont les fiches d'inscription sont produites. Ainsi, et dès lors que M. et Mme D... n'apportent ni précision ni élément de preuve quant au motif du versement des sommes en cause, qui ont été encaissées sur leurs comptes bancaires personnels, ces sommes ne sauraient être regardées comme des recettes de la société, qui auraient été déjà imposées entre leurs mains en tant que revenus distribués. Par suite, le moyen doit être écarté.

Sur les revenus réputés distribués :

6. L'administration a estimé que M. D... avait bénéficié de revenus réputés distribués par la société Ecole secondaire privée Sophia et les a imposés sur le fondement du 2° du 1. de l'article 109 du code général des impôts et du c de l'article 111 du même code.

7. En premier lieu, aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : [...] / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices [...]. Pour soumettre des sommes résultant du rehaussement des résultats d'une société à l'impôt sur le revenu sur le fondement du 2° du 1. de l'article 109 du code général des impôts, il incombe à l'administration d'établir qu'elles ont été mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts. La circonstance que le contribuable soit le maître de l'affaire est à cet égard sans incidence.

8. Il résulte des mentions de la proposition de rectification adressée à la société Ecole secondaire privée Sophia que le vérificateur a, après avoir rejeté sa comptabilité, chiffré les sommes perçues au titre des droits de scolarité et de la demi-pension, en s'appuyant notamment sur les informations obtenues, dans le cadre de son droit de communication, auprès du procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Créteil et d'établissements scolaires présentant des caractéristiques similaires. L'administration fiscale a ensuite regardé M. D... comme ayant bénéficié des sommes distribuées par l'Ecole secondaire privée Sophia en s'appuyant sur la circonstance qu'il était seul maître de l'affaire. Or, la qualité de maître de l'affaire est inopérante en matière de revenus distribués sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. L'administration fiscale n'apporte aucun autre élément permettant d'établir que M. D... aurait appréhendé les bénéfices réputés distribués par la société Ecole secondaire privée Sophia. Ainsi, les dispositions du 2° du 1. de l'article 109 du code général des impôts ne pouvaient en l'espèce fonder l'imposition des revenus réputés distribués par la société Ecole secondaire privée Sophia.

9. En second lieu, aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués / : c) Les rémunérations et avantages occultes [...] ".

10. Les bénéfices reconstitués à raison de l'activité d'une société ne peuvent, de ce seul fait, être regardés comme distribués au maître de l'affaire sur le fondement du c) de l'article 111 du code général des impôts. Ainsi, l'administration fiscale ne pouvait se fonder sur ces dispositions pour imposer entre les mains de M. et Mme D... les revenus réputés distribués par la société Ecole secondaire privée Sophia à raison de la reconstitution des bénéfices de cette société.

11. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés quant à ce chef de redressement, il y a lieu de réduire la base d'imposition à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales de M. et Mme D... à concurrence des montants des revenus regardés par le service comme distribués entre les mains de M. D..., à savoir 62 045 euros au titre de l'année 2013 et 147 806 euros au titre de l'année 2014.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D... sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leurs conclusions tendant à la décharge des impositions contestées, en droits et pénalités, à concurrence de la réduction de base mentionnée au point 11 ci-dessus.

Sur les frais liés à l'instance :

13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme demandée par M. et Mme D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La base d'imposition à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales de M. et Mme D... est réduite de 62 045 euros au titre de l'année 2013 et de 147 806 euros au titre de l'année 2014.

Article 2 : M. et Mme D... sont déchargés des droits et pénalités correspondant à la réduction de base d'imposition définie à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Le jugement n° 1804855/2-2 du 14 octobre 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme D... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et à Mme A... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Île-de-France et du département de Paris (pôle contrôle fiscal et affaires juridiques).

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- M. Segretain, premier conseiller,

- M. B..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 janvier 2021.

Le rapporteur,

K. B...

Le président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19PA04017 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA04017
Date de la décision : 26/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-03-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. Revenus distribués.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. Khalil AGGIOURI
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : GELIX BRUNO CONSEIL

Origine de la décision
Date de l'import : 06/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-01-26;19pa04017 ?
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