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19/01/2021 | FRANCE | N°20PA00029

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 19 janvier 2021, 20PA00029


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... E... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 7 août 2019 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1919358 du 5 décembre 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 7 janvier 2020, M. E..., représenté

par

Me G..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... E... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 7 août 2019 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1919358 du 5 décembre 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 7 janvier 2020, M. E..., représenté par

Me G..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 7 août 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de police, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et sous astreinte de cinquante euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, dans le même délai et sous la même astreinte, de procéder au réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. E... soutient que :

- l'arrêté a été signé par une autorité incompétente ;

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'irrégularité dès lors que l'avis du collège des médecins de OFII ne comporte pas l'intégralité des mentions prévues par l'arrêté du 27 décembre 2016, notamment celles relatives à la disponibilité d'un traitement dans son pays d'origine ;

- le préfet de police n'a pas tenu compte de l'avis médical du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) indiquant que son état de santé ne lui permettait pas de voyager sans risque vers son pays d'origine et a considéré à tort qu'il pouvait être éloigné à destination du Mali ;

- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les dispositions du 11°de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il est, en outre, entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- à tout le moins, l'avis du collège des médecins tenant à l'impossibilité de voyager sans risque entache d'illégalité la décision distincte portant obligation de quitter le territoire.

Par un mémoire enregistré le 3 juillet 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., de nationalité malienne, entré en France le 9 juin 2013 selon ses déclarations, a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 7 août 2019, le préfet de police a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. E... relève appel du jugement

du 5 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, par un arrêté n° 2019-00581 du 1er juillet 2019, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de Paris du 4 juillet 2019, le préfet de police a donné à Mme D... A..., attachée d'administration de l'Etat au 9ème bureau à la sous-direction de l'administration des étrangers de la direction de la police générale à la préfecture de police, signataire de l'arrêté contesté, délégation à l'effet de signer les décisions en matière de police des étrangers. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision manque en fait.

3. En deuxième lieu, l'arrêté, qui comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivé.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ". Selon l'article R. 313-22 de ce code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". L'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du CESEDA dispose que : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays (...) ".

5. Il ressort de l'avis émis le 25 avril 2019 que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que, si l'état de santé de M. E... nécessitait une prise en charge médicale, son défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dans ces conditions, le collège n'était pas tenu de se prononcer sur la possibilité pour M. E... de bénéficier d'un accès effectif à un traitement approprié dans son pays d'origine.

6. Pour refuser de délivrer à M. E... un titre de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet de police s'est fondé sur l'avis de ce collège de médecins. Pour contester cet avis, le requérant, qui est atteint d'un glaucome sévère chronique aux deux yeux, produit des ordonnances prescrivant des collyres ainsi que trois certificats médicaux dont deux rédigés en des termes identiques en 2016 et en 2017 et le troisième qui, postérieur à l'arrêté, ne se prononce pas de manière circonstanciée sur les risques auxquels l'intéressé s'expose en l'absence de prise en charge et se borne à prescrire un suivi ophtalmologique régulier. Dès lors, ces certificats ne permettent pas d'infirmer l'appréciation portée par le collège de médecins. Si le préfet de police, qui s'est affranchi sur ce point de l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, a estimé que l'état de santé de l'intéressé lui permettait de voyager sans risque vers le Mali, l'erreur susceptible d'avoir été commise sur ce point ne saurait être utilement invoquée à l'encontre de l'arrêté en tant qu'il lui refuse un titre de séjour. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit donc être écarté.

7. En dernier lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein ° droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ".

8. Il ressort des pièces du dossier que M. E... est célibataire et sans charge de famille. S'il se prévaut de sa durée de résidence en France depuis 2013 et de son activité professionnelle en tant qu'agent de service, l'intéressé, dont il ressort des pièces du dossier qu'il maîtrise difficilement l'usage de la langue française, ne justifie pas d'une insertion sociale particulière sur le territoire. Par ailleurs, il n'établit pas, ni même allègue, être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 37 ans. Dans ces conditions, l'arrêté contesté n'a en l'espèce pas porté au droit de M. E... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que le préfet se serait manifestement mépris sur la gravité des conséquences de sa décision sur la situation personnelle du requérant doit l'être également.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

9. L'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".

10. Ainsi qu'il a été dit au point 5 du présent arrêt, le défaut de prise en charge médicale de M. E... ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Si le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a émis l'avis que l'état de santé de l'intéressé ne lui permettait pas de voyager sans risque vers le Mali, cette circonstance n'entre pas au nombre de celles qui font en elles-mêmes obstacle, aux termes des dispositions précitées, à ce que l'autorité administrative fasse obligation de quitter le territoire à l'étranger qui ne saurait prétendre à la délivrance d'un titre de séjour, ce qui est le cas en l'espèce. Cependant, le préfet de police n'apporte aucun élément dont il ressortirait que le glaucome dont souffre M. E... ne l'expose pas à un risque en cas de voyage, qui ne pourrait avoir lieu qu'en avion, vers le Mali. L'avis émis par le collège des médecins sur ce point n'étant pas utilement contredit par l'administration, la décision distincte faisant au requérant obligation de quitter le territoire français est entachée d'illégalité.

11. Il résulte de ce qui précède que M. E... est fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de police du 7 aout 2019 en tant qu'elle lui fait obligation de quitter le territoire.

12. Le présent arrêt n'implique pas que le préfet de police délivre à M. E... un titre de séjour ni qu'il procède à un réexamen de sa situation. Les conclusions aux fins d'injonction doivent dès lors être écartées.

13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à M. E... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La décision du 7 août 2019 est annulée en tant qu'elle fait obligation à M. E... de quitter le territoire. Le jugement du tribunal administratif de Paris du 5 décembre 2019 est annulé en ce qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : L'Etat versera à M. E... la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... E... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera transmise au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 5 janvier 2021, à laquelle siégeaient :

- M. C..., premier vice-président,

- M. B..., président assesseur,

- Mme Jayer, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 janvier 2021.

Le rapporteur,

Ch. B...Le président,

M. C...

Le greffier,

A. DUCHER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 10PA03855

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N°20PA00029


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA00029
Date de la décision : 19/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: M. Christian BERNIER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : PATUREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 29/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-01-19;20pa00029 ?
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