Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 14 juin 2019 par lequel le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'issue de ce délai.
Par un jugement n° 1913666/6-3 du 27 février 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 juin et 18 décembre 2020, M. E..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1913666/6-3 du 27 février 2020 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 14 juin 2019 par lequel le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat au versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté est insuffisamment motivé ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur de fait, car il réside habituellement en France depuis près de dix ans ;
- l'arrêté méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du même code ;
- il méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet de police a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 novembre 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F...,
- et les observations de Me B..., avocat de M. E....
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., ressortissant tunisien, né le 8 juin 1980 et entré en France en 2012 selon ses déclarations, a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 14 juin 2019, le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'issue de ce délai. M. E... relève appel du jugement du 27 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. M. E... a saisi le bureau d'aide juridictionnel du tribunal judiciaire de Paris d'une demande d'aide juridictionnelle le 5 janvier 2021. En application de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article 61 du décret du 28 décembre 2020, et eu égard aux circonstances de l'espèce, il y a lieu, de prononcer l'admission provisoire de M. E... au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
4. L'arrêté contesté vise notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En particulier, le préfet de police a mentionné les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur le fondement desquelles M. E..., ressortissant tunisien, a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Il s'est référé à l'avis émis le 17 avril 2019 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dont il s'est approprié les motifs, et qui indique que le défaut de prise en charge de la pathologie de l'intéressé ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Il indique également que l'intéressé a déclaré être entré en France en 2012 et être célibataire et sans charge de famille en France et qu'il ne justifie pas être démuni d'attaches familiales à l'étranger et porte l'appréciation selon laquelle, compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Dans ces conditions, et alors que le préfet de police n'était pas tenu de reprendre l'ensemble des éléments relatifs à la situation personnelle de l'intéressé, l'arrêté comporte l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait telles qu'exigées par les dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté contesté doit être en tout état de cause écarté.
5. En deuxième lieu, il ne ressort pas des motifs de l'arrêté contesté que le préfet de police ait retenu que M. E... ne justifiait pas d'une ancienneté de vie commune suffisante pour refuser de lui délivrer un titre de séjour. Si M. E... entend soutenir que l'arrêté est entaché d'une erreur de fait sur ce point, ce moyen manque en fait.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat ".
7. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser de renouveler sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le titre de séjour de M. E..., qui est pris en charge depuis 2013 pour des problèmes d'irritabilité, de troubles du sommeil, une hyperthymie douloureuse et un état d'angoisse du fait notamment du décès de sa mère, le préfet de police s'est notamment fondé sur l'avis du 17 avril 2019 du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui précisait que le défaut de prise en charge médicale de l'intéressé ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'au vu des pièces du dossier, l'état de santé de M. E... lui permettait de voyager sans risque. Il ressort des pièces médicales versées au dossier, notamment des certificats médicaux établis par le psychiatre de la polyclinique Baudelaire à l'hôpital St Antoine où est pris en charge M. E... depuis 2013 que l'état de santé du requérant nécessite l'administration d'un traitement médicamenteux à base d'antidépresseur et de neuroleptique sédatif ainsi qu'un suivi psychologique à raison de huit séances annuelles en 2018 et 2019. Toutefois, ces certificats médicaux, notamment celui établi le 17 mars 2020 produit pour la première fois en appel, ne sont pas rédigés en des termes suffisamment précis pour remettre en cause l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 17 avril 2019. Si le requérant se prévaut des avis des 8 avril 2014 et 2 novembre 2016 par lesquels le médecin, chef du service médical de la préfecture de police a estimé que le défaut de prise en charge médicale de l'intéressé pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et de la circonstance qu'il a obtenu un premier titre de séjour en sa qualité d'étranger malade et que le même traitement médicamenteux lui est prescrit depuis 2014, il ressort du certificat du 17 mars 2020 que certains aspects de la pathologie de l'intéressé se sont atténués depuis un an. Dans ces conditions, et dès lors que les éléments produits par le requérant ne permettent pas d'établir que le défaut de prise en charge médicale entraînerait pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il ne peut utilement se prévaloir de ce que les soins médicaux adaptés à son état de santé ne seraient pas disponibles en Tunisie. Par suite, M. E... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police, en refusant de renouveler son titre de séjour, aurait méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. En quatrième lieu, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé. Il ressort des pièces du dossier que M. E... n'a pas saisi le préfet de police d'une demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que celui-ci n'a pas examiné la demande de titre de séjour du requérant au regard de ces dispositions. Dans ces conditions, M. E... ne peut utilement soutenir que le préfet de police aurait méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
10. Il ressort des pièces du dossier, en particulier des certificats médicaux du psychiatre de la polyclinique Baudelaire à l'hôpital St Antoine, du rapport de l'éducateur spécialisé du CHU Mouzaïa où est hébergé le requérant et d'un courriel du 9 juin 2020 relatif à son licenciement par la société exploitant la boulangerie dans laquelle il a travaillé, que le requérant réside sur le territoire français depuis janvier 2012, soit seulement un peu plus de sept ans à la date de l'arrêté contesté. M. E... a travaillé en tant que boulanger du 5 janvier au 26 juin 2012 ainsi que du 6 juillet 2018 au 30 avril 2019. Il a également exercé l'activité de coursier à compter du 1er août 2018. M. E..., qui est célibataire et sans charge de famille en France, n'établit pas être démuni de toutes attaches dans son pays d'origine où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 30 ans. Ainsi qu'il a été dit au point 7 du présent arrêt, il ne ressort pas des pièces du dossier que le défaut de prise en charge médicale de l'intéressé aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé. Au vu de l'ensemble de ces éléments, et notamment de la durée et des conditions de son séjour en France, M. E... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté porterait une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, par suite, être écarté.
11. En sixième et dernier lieu, le requérant soutient que le préfet de police aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son arrêté sur sa situation personnelle dès lors que l'indisponibilité de son traitement médical dans son pays d'origine aura des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé et qu'il justifie d'une présence sur le territoire français depuis près de dix années ainsi que d'une intégration dans la société française, notamment professionnelle. Toutefois, pour les mêmes motifs que ceux énoncés précédemment, ce moyen doit être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : M. E... est admis provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : La requête de M. E... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 7 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme C..., président de chambre,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme F..., premier conseiller.
Rendu public part mise à disposition au greffe le 12 janvier 2021.
La présidente de la 8ème Chambre,
H. C...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA01429