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24/12/2020 | FRANCE | N°20PA00102

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 24 décembre 2020, 20PA00102


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... I... épouse H..., Mme A... C... et Mme B... H... ont demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à leur verser la somme totale de 124 191, 86 euros en réparation des préjudices subis du fait du décès de Mme J... C..., somme assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 mai 2018 et de leur capitalisation à chaque échéance annuelle, ou à titre subsidiaire, de procéder avant dire droit à la désignation d'un expert.

Par un jugement n° 1815855/6-2 du 3 mai 2019

, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... I... épouse H..., Mme A... C... et Mme B... H... ont demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à leur verser la somme totale de 124 191, 86 euros en réparation des préjudices subis du fait du décès de Mme J... C..., somme assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 mai 2018 et de leur capitalisation à chaque échéance annuelle, ou à titre subsidiaire, de procéder avant dire droit à la désignation d'un expert.

Par un jugement n° 1815855/6-2 du 3 mai 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 juillet 2019, Mmes I..., C... et H..., représentées par Me Delarue, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de faire droit à leurs demandes de première instance ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une mesure d'expertise ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- les premiers juges ne pouvaient rejeter comme irrecevables leurs conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de leur demande indemnitaire sans les informer préalablement de cette irrecevabilité, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;

- en ne proposant aucun logement à Mme C..., reconnue prioritaire et devant être relogée en urgence par la commission de médiation le 4 octobre 2013, l'Etat a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;

- l'absence de relogement de Mme C... est la cause directe et certaine de la crise d'épilepsie qui a entraîné son décès ;

- Mme I... épouse H..., sa mère, a subi du fait du décès de Mme C... une perte de revenus qui doit être indemnisée à hauteur de 9 191,86 euros, ainsi que des troubles dans ses conditions d'existence évalués à 15 000 euros ; son préjudice moral doit être réparé par la somme de 30 000 euros ;

- Mmes A... C... et B... H..., ses soeurs, ont subi des troubles dans leurs conditions d'existence et un préjudice moral qui doivent être réparés par la somme de 35 000 euros chacune.

Par une ordonnance du 17 juillet 2019, la requête de Mmes I..., C... et H... a été transmise au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative.

Par une décision n° 432867 du 31 décembre 2019, le Conseil d'Etat a annulé l'ordonnance du 17 juillet 2019 et renvoyé l'affaire à la cour.

La requête a été communiquée au préfet de la région d'Île-de-France, préfet de Paris, qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

La clôture de l'instruction a été fixée au 14 août 2020.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mornet,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteur public.

- et les observations de Me Delarue, représentant Mmes I..., C... et H....

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 4 octobre 2013, Mme J... C... a été reconnue comme prioritaire et devant être relogée en urgence par la commission de médiation du département de Paris, en application du II de l'article L. 441-2-3 du code de la construction et de l'habitation. Par un jugement du 4 juillet 2016, le tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser 2 250 euros à Mme C... et à son conjoint, et 1 125 euros à leur enfant, en réparation des préjudices résultant de l'inexécution de la décision de la commission de médiation. Le 4 janvier 2017, Mme C... est décédée des suites d'une crise d'épilepsie, sans avoir bénéficié d'une offre de relogement correspondant à ses besoins. Estimant que l'absence de proposition de relogement a contribué au décès de leur fille, soeur et demi-soeur, Mmes I..., C... et H... ont vainement demandé l'indemnisation de leurs préjudices propres au préfet de la région d'Île-de-France, préfet de Paris, par courrier du 16 mai 2018. Par un jugement du 3 mai 2019 dont elles relèvent appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à leur verser la somme de 124 191,86 euros en réparation des préjudices qu'elles estiment avoir subis du fait du décès de Mme J... C....

Sur la régularité du jugement :

2. Si les requérantes ont demandé, en première instance, l'annulation de la décision implicite de rejet née le 17 juillet 2018 du silence gardé par le préfet pendant plus de deux mois sur leur demande indemnitaire préalable du 16 mai 2018, cette décision n'a eu pour objet que de lier le contentieux indemnitaire qu'elles ont ensuite engagé contre l'Etat, ses vices propres étant au demeurant sans influence sur l'issue du litige. Par suite, les premiers juges, qui n'étaient d'ailleurs pas tenus de viser ces conclusions à fin d'annulation et d'y répondre, n'ont pas entaché leur jugement d'irrégularité en les rejetant comme irrecevables sans en avoir préalablement informé les parties en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes de l'article L. 300-1 du code de la construction et de l'habitation : " Le droit à un logement décent et indépendant (...) est garanti par l'Etat à toute personne qui (...) n'est pas en mesure d'y accéder par ses propres moyens ou de s'y maintenir. / Ce droit s'exerce par un recours amiable puis, le cas échéant, par un recours contentieux dans les conditions et selon les modalités fixées par le présent article et les articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1. ". Aux termes du II de l'article L. 441-2-3 de ce code : " (...) Dans un délai fixé par décret, la commission de médiation désigne les demandeurs qu'elle reconnaît prioritaires et auxquels un logement doit être attribué en urgence. Elle détermine pour chaque demandeur, en tenant compte de ses besoins et de ses capacités, les caractéristiques de ce logement (...) / La commission de médiation transmet au représentant de l'Etat dans le département la liste des demandeurs auxquels doit être attribué en urgence un logement / (...) Le représentant de l'Etat dans le département désigne chaque demandeur à un organisme bailleur disposant de logements correspondant à la demande. En Ile-de-France, il peut aussi demander au représentant de l'Etat d'un autre département de procéder à une telle désignation. (...) / En cas de refus de l'organisme de loger le demandeur, le représentant de l'Etat dans le département qui l'a désigné procède à l'attribution d'un logement correspondant aux besoins et aux capacités du demandeur sur ses droits de réservation. (...) ".

4. Les dispositions précitées fixent, pour l'Etat, une obligation de résultat, dont peuvent se prévaloir les demandeurs ayant exercé les recours amiable ou contentieux prévus aux articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation. Or, il est constant que la décision de la commission de médiation du département de Paris du 4 octobre 2013 n'a pas été exécutée, Mme J... C..., dont la demande de logement a été reconnue prioritaire, n'ayant reçu aucune offre de relogement dans le parc social et aucun des préfets des départements de la région Ile-de-France n'ayant procédé à l'attribution d'un logement correspondant à ses besoins sur ses droits de réservation. Par suite, cette carence est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat, comme l'a déjà reconnu le tribunal administratif de Paris dans un jugement du 4 juillet 2016 condamnant l'Etat à réparer les préjudices qui en ont résulté pour l'intéressée.

5. Il résulte cependant de l'instruction que Mme C... est décédée, le 4 janvier 2017, des suites d'un oedème pulmonaire déclenché par une crise d'épilepsie, pathologie dont elle était atteinte depuis plusieurs mois et contre laquelle un traitement lui avait été prescrit. Or, le rapport d'analyse toxicologique post mortem fait état d'une concentration infrathérapeutique de l'antiépileptique lamotrigine, de telle sorte que la victime n'était pas protégée contre la survenue d'une crise. Si des certificats médicaux produits au dossier indiquent que les mauvaises conditions de logement de l'intéressée, marquées par l'insalubrité et la promiscuité avec son conjoint et deux jeunes enfants, n'étaient pas favorables à l'amélioration de son état de santé, ces circonstances ne plaçaient pas Mme C... dans l'impossibilité de prendre régulièrement son traitement. La carence fautive de l'Etat ne saurait ainsi être regardée comme étant la cause directe et certaine du décès de Mme C....

6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit utile d'ordonner une mesure d'expertise, que les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté leurs demandes indemnitaires.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme au titre des frais exposés par Mmes I..., C... et H... et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mmes I..., C... et H... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... I... épouse H..., à Mme A... C..., à Mme B... H... et au préfet de la région d'Île-de-France, préfet de Paris.

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- Mme Jayer, premier conseiller,

- Mme Mornet, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 décembre 2020.

Le rapporteur,

G. MornetLe président,

M. Bouleau

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA00102


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA00102
Date de la décision : 24/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

38-07-01 Logement.


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : DELARUE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-12-24;20pa00102 ?
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