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24/12/2020 | FRANCE | N°19PA01902

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 24 décembre 2020, 19PA01902


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) YB a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice 2010, des amendes qui lui ont été infligées au titre des années 2011 et 2012 et des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1610960

du 16 avril 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) YB a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice 2010, des amendes qui lui ont été infligées au titre des années 2011 et 2012 et des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1610960 du 16 avril 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 12 juin 2019 et le 26 décembre 2019, la société civile professionnelle (SCP) Canet, liquidateur judiciaire de la société YB, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1610960 du 16 avril 2019 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société soutient que :

- le service n'a pas motivé les rehaussements de taxe sur la valeur ajoutée mensuellement et a insuffisamment motivé le refus d'exonération de taxe sur la valeur ajoutée ;

- elle apporte les justificatifs de sortie du territoire des véhicules ;

- la majoration pour manquement délibéré n'est pas applicable en l'absence de déclaration ;

- étant créancière de la personne ayant payé les sommes en espèces, l'amende prévue à l'article 1840 J du code général des impôts ne lui était pas applicable ;

- elle reprend les moyens de sa demande et de sa réclamation préalable.

Par des mémoires enregistrés le 7 août 2019, le 26 février 2020 et le 19 octobre 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer à concurrence des dégrèvements prononcés et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Le ministre soutient que :

- les intérêts de retard et l'amende pour paiement en espèces sont dégrevés ;

- les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 ;

- les décrets n° 2020-1404 et n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de Mme Lescaut, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société YB, qui exerce une activité d'achat et de revente de véhicules d'occasion, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle ont été mis à sa charge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012 sur le fondement de l'article L. 66-3 du livre des procédures fiscales, une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice 2010, assortis d'intérêts de retard et de pénalités, ainsi que des amendes au titre de paiements en espèces au titre des années 2011 et 2012. Elle fait appel du jugement du 16 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et majorations, l'instance ayant été reprise par la société civile professionnelle Canet, liquidateur judiciaire.

Sur l'étendue du litige :

2. En application des dispositions de l'article 1756 du code général des impôts, l'administration a prononcé le dégrèvement des intérêts de retard pour un montant de 68 153 euros et de l'amende de 5 % pour paiement en espèces prévues à l'article L. 112-7 du code monétaire et financier pour un montant de 77 127 euros, comme en atteste le bordereau de situation fiscale produit. Les conclusions de la requête sont, dans cette mesure, devenues sans objet.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. Aux termes de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions (...) ".

4. D'une part, si les déclarations et les paiements spontanés de la taxe sur la valeur ajoutée sont soumis à une périodicité mensuelle, la période d'imposition en matière de taxe sur la valeur ajoutée correspond à celle qui a été contrôlée et qui figure sur l'avis de mis en recouvrement. Ainsi, l'obligation résultant des dispositions de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales porte sur l'ensemble de la période des rappels et non sur les périodes qui auraient correspondu aux déclarations mensuelles que la société aurait dû souscrire. D'autre part, la proposition de rectification du 13 décembre 2013 relative à l'année 2010, notamment dans ses pages 8 à 26 pour les ventes intra-communautaires et 26 à 39 pour les ventes hors Union européenne, et la proposition de rectification du 22 décembre 2014, en particulier en pages 24 à 55 et en annexe III pour les ventes hors Union européenne et en pages 58 à 67 pour les livraisons intra-communautaires, détaillent de manière précise les anomalies ayant affecté les ventes réalisées au cours de la période en litige par la société YB. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales doit être écarté.

Sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée collectée :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

5. Aux termes de l'article aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office : / (...) 3° aux taxes sur le chiffre d'affaires, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables des taxes (...) ". Aux termes de l'article L. 193 du même livre : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ".

6. Il résulte de l'instruction que la société YB n'a pas respecté ses obligations de déclaration de la taxe sur la valeur ajoutée relative à l'ensemble de la période litigieuse selon le régime réel normal dont il est constant qu'elle relevait. Ayant été régulièrement taxée d'office en matière de taxe sur la valeur ajoutée sur le fondement de l'article L. 66-3 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve lui incombe.

En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée relatifs aux exportations hors de l'Union européenne :

7. Aux termes de l'article 262 du code général des impôts : " I. Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : 1° les livraisons de biens expédiés ou transportés par le vendeur ou pour son compte, en dehors de la Communauté européenne ainsi que les prestations de services directement liées à l'exportation (...) ". Aux termes de l'article 74 de l'annexe III à ce code : " 1. Les livraisons réalisées par les assujettis et portant sur des objets ou marchandises exportés sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée à condition : a. que l'assujetti exportateur, lorsqu'il ne tient pas habituellement une comptabilité permettant de déterminer son chiffre d'affaires, inscrive les envois sur le registre prévu au 3° du I de l'article 286 du code général des impôts ; (...) c. que l'assujetti exportateur établisse pour chaque envoi une déclaration d'exportation, conforme au modèle donné par l'administration et détienne à l'appui de sa comptabilité ou du registre prévu au a l'exemplaire numéro 3 de la déclaration d'exportation visé par l'autorité douanière compétente, conformément au code des douanes communautaires et ses dispositions d'application. (...). d. que, dans les cas où l'assujetti exportateur ne produit pas les justificatifs prévus au c et, à l'exclusion des opérations mentionnées aux quatrième à huitième alinéas du I de l'article 262 du code général des impôts, il mette à l'appui de sa comptabilité ou du registre mentionné au a l'un des éléments de preuve alternatifs ci-après, pour justifier de la sortie des biens expédiés vers un pays n'appartenant pas à la Communauté européenne (...) : 1° La déclaration en douane authentifiée par l'administration des douanes du pays de destination finale des biens ou une attestation de cette administration accompagnée, le cas échéant, d'une traduction officielle ; 2° Tout document de transport des biens vers un pays n'appartenant pas à la Communauté européenne (...) 3° Tout document douanier visé par le service des douanes compétent et utilisé pour la surveillance de l'acheminement des biens vers leur destination finale hors de la Communauté, lorsqu'il s'agit de biens soumis à des contrôles particuliers (...) ".

8. Il résulte de l'instruction que le service a remis en cause le bénéfice de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée pratiquée au titre d'exportations de véhicules hors de l'Union européenne, au motif que la société n'avait pas apporté la preuve que les véhicules cédés avaient quitté le territoire français pour être livrés dans le pays de l'acquéreur. Or, les pièces versées aux débats par la requérante n'établissent pas que les biens pour lesquels l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée est demandée auraient effectivement quitté le territoire national. En particulier, la majorité des documents produits ne comporte aucun document douanier de l'État de sortie des véhicules ni signature. Si certains documents comportent un tampon des douanes françaises, les indications figurant sur le système " ECS " pour ces mêmes véhicules mentionne une sortie de territoire depuis un autre État membre de l'Union européenne. Ainsi, et compte tenu des incohérences relevées par le service au sujet desquelles aucune explication n'est apportée, la requérante n'apporte pas la preuve qui lui incombe de la réalisation d'exportations exonérées de véhicules hors de l'Union européenne.

En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée relatifs aux livraisons intra-communautaire :

9. Aux termes du I de l'article 262 ter du code général des impôts : " Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : 1° Les livraisons de biens expédiés ou transportés sur le territoire d'un autre État membre de la Communauté européenne à destination d'un autre assujetti ou d'une personne morale non assujettie (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée des livraisons intracommunautaires de biens est notamment subordonnée à la condition, d'une part, que l'acquéreur desdits biens soit assujetti à cette taxe ou ait la qualité de personne morale non assujettie et ne bénéficiant pas dans l'État membre dans lequel elle est établie d'un régime dérogatoire l'autorisant à ne pas soumettre à la taxe sur la valeur ajoutée ses acquisitions intracommunautaires et, d'autre part, que le bien ait été expédié ou transporté hors de France par le vendeur, par l'acquéreur ou par un tiers pour leur compte, à destination d'un autre État membre. S'agissant de la réalité de la livraison d'une marchandise sur le territoire d'un autre État membre de la Communauté européenne, pour l'application des dispositions précitées de l'article 262 ter du code général des impôts, seul le redevable de la taxe sur la valeur ajoutée est en mesure de produire les documents afférents au transport de la marchandise, lorsqu'il l'a lui-même assuré, ou tout document de nature à justifier la livraison effective de la marchandise, lorsque le transport a été assuré par l'acquéreur.

10. Il résulte de l'instruction que pour justifier de la réalité des livraisons intracommunautaires dont elle se prévaut, la requérante a transmis des copies de bordereaux de ventes qui ne font toutefois pas apparaître distinctement le cachet des douanes françaises ou dont les mentions sont, pour la plupart, illisibles, et ne permettent pas de connaître la localisation du destinataire. Par suite, la requérante, qui n'a produit devant la Cour pas plus qu'elle ne l'a fait devant le tribunal administratif de document probant de nature à invalider le constat d'absence de réalité de l'expédition ou du transport des véhicules vers un autre pays membre de l'Union européenne, n'apporte pas la preuve que ces opérations relevaient du régime d'exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévu par les dispositions de l'article 262 du code général des impôts.

11. Enfin, si la requérante indique qu'elle entend se prévaloir des moyens " exposés dans ses requêtes et réclamations préalables ", elle n'a joint à l'appui de sa requête ni ses écritures de première instance ni ses réclamations préalables. Ce moyen doit ainsi être écarté comme dépourvu des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

Sur les pénalités :

12. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

13. Contrairement à ce que soutient la requérante, la circonstance qu'elle n'a pas souscrit de déclarations mensuelles de taxe sur la valeur ajoutée et était en situation de taxation d'office pour défaut de souscription de ces déclarations ne fait pas obstacle à ce que soit appliquée la pénalité pour manquement délibéré prévue au a) de l'article 1729 du code général des impôts. Par ailleurs, pour justifier l'application de cette pénalité, le service s'est fondé sur le fait que la société, professionnelle de l'automobile, ne pouvait ignorer l'obligation de fournir les éléments établissant la réalité de la livraison des véhicules pour pouvoir bénéficier des exonérations prévues pour les exportations et les livraisons intra-communautaires. Ces éléments sont de nature à établir l'intention délibérée d'éluder l'impôt et, par suite, le bien-fondé de l'application des pénalités pour manquement délibéré.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la société civile professionnelle Canet, liquidateur judiciaire de la société YB n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Le surplus des conclusions de sa requête, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'État n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, doit dès lors être rejeté.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les dégrèvements accordés en cours d'instance.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile professionnelle Canet, liquidateur judiciaire de la société YB et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au directeur général des finances publiques, directeur du contrôle fiscal

ÎIe-de-France (division juridique).

Délibéré après l'audience du 10 décembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Platillero, président de la formation de jugement,

- Mme Marion, premier conseiller,

- M. B..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 décembre 2020.

Le rapporteur,

B. B...Le président,

F. PLATILLERO

La greffière,

F. DUBUY-THIAM

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N° 19PA01902


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: M. Bruno SIBILLI
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : SELARL ZAMOUR et ASSOCIES

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Date de la décision : 24/12/2020
Date de l'import : 16/01/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19PA01902
Numéro NOR : CETATEXT000042737271 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-12-24;19pa01902 ?
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