Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Atlantique a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 25 octobre 2018 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a refusé d'annuler les titres de perception exécutoires émis le 20 août 2018 pour le recouvrement de la contribution spéciale, d'un montant de 7 080 euros, et de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement, d'un montant de 2 124 euros, et de la décharger de ces sanctions financières ; à défaut, d'en réduire le montant et de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1823725/3-2 du 27 mai 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 juillet 2020, la SARL Atlantique, représentée par
Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 27 mai 2020 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du
25 octobre 2018 ;
3°) d'annuler les titres de perception du 20 août 2018 ou, à défaut, de réduire le montant de la contribution forfaitaire et de la contribution spéciale à de plus justes proportions ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges n'ont pas répondu aux moyens soulevés ;
- le salarié concerné a bénéficié du 25 août 2015 au 25 août 2016, d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " l'autorisant à travailler ; il a ensuite fait des démarches pour en obtenir le renouvellement et était en possession, depuis le 23 mai 2017, d'un récépissé de demande de titre valable jusqu'au 22 août suivant ; à la date de son embauche, le
19 juin 2017, il était ainsi en situation régulière et son recrutement a été déclaré à l'Urssaf ; le jour du contrôle, il avait conservé l'intégralité de ses droits sociaux et bénéficiait du droit d'exercer une activité professionnelle, conformément aux dispositions de l'article L. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne pouvait être licencié ; sa demande de renouvellement n'a pas été rejetée, par décision expresse ou implicite avant la date du contrôle et c'est à tort que les premiers juges ont considéré qu'il avait fait l'objet d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire français, le 18 août 2017 ; en tout état de cause, un tel arrêté pouvait faire l'objet d'un recours suspensif et l'intéressé devait disposer d'un délai de départ de trente jours francs à compter de la notification de cette décision pour quitter volontairement le territoire français ; il en résulte qu'à la date du contrôle, le salarié était encore en droit de se trouver sur le sol français ;
- en raison de ces circonstances, la procédure a été classée sans suite par le juge pénal ;
- à titre subsidiaire, eu égard à sa bonne foi et en application du principe interdisant le cumul de sanctions, la contribution spéciale ne doit pas lui être réclamée ; à défaut, son montant doit être réduit à de plus justes proportions ; en l'état, il est en effet manifestement excessif et de nature à mettre en péril l'existence même de la société ; elle remplit les conditions pour bénéficier d'un taux de 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti, conformément aux dispositions de l'article R. 8253-2 du code du travail.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 octobre 2020, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SARL Atlantique sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
La clôture de l'instruction est intervenue le 23 novembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail,
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B... ;
- et les conclusions de Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Lors d'un contrôle effectué le 18 septembre 2017 à l'Isle d'Adam sur un chantier de ravalement, les services de police, de l'Urssaf et de l'inspection du travail y ont constaté la présence d'un ressortissant égyptien employé et déclaré comme peintre par la SARL Atlantique, seulement en mesure de produire un titre de séjour périmé. Par une décision du 18 juin 2018, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à la charge de la société Atlantique la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, d'un montant de 7 080 euros, ainsi que la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'un montant de 2 124 euros. Le 20 août 2018, deux titres de perception ont ensuite été émis pour le recouvrement de ces sommes. Le recours administratif formé par la société Atlantique a été rejeté par l'OFII le 25 octobre 2018. La société requérante relève appel du jugement du 27 mai 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision et à la décharge des sommes réclamées.
Sur la régularité du jugement :
2. Il résulte de l'examen du jugement attaqué que les premiers juges ont expressément répondu à l'intégralité des moyens opérants soulevés par la société requérante, tirés de l'absence de matérialité et de bien-fondé de la sanction infligée, du montant excessif de la contribution spéciale infligée eu égard à sa situation financière, à sa bonne foi et pour méconnaissance des dispositions de l'article R. 8253-2 du code du travail. Par suite, la SARL Atlantique n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité pour avoir omis de répondre à un moyen qu'elle avait invoqué.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France ". L'article L. 5221-8 du même code dispose que : " L'employeur s'assure auprès des administrations territorialement compétentes de l'existence du titre autorisant l'étranger à exercer une activité salariée en France, sauf si cet étranger est inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi tenue par l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1 ". Aux termes de l'article L. 8253-1 de ce code : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger non autorisé à travailler mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. (...) L'Etat est ordonnateur de la contribution spéciale. A ce titre, il liquide et émet le titre de perception. Le comptable public compétent assure le recouvrement de cette contribution comme en matière de créances étrangères à l'impôt et aux domaines ". Aux termes de l'article R. 8253-2 du même code : " I.- Le montant de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 est égal à 5 000 fois le taux horaire, à la date de la constatation de l'infraction, du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. / II.- Ce montant est réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti dans l'un ou l'autre des cas suivants : / 1° Lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne pas d'autre infraction commise à l'occasion de l'emploi du salarié étranger en cause que la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 ; / 2° Lorsque l'employeur s'est acquitté des salaires et indemnités mentionnés à l'article L. 8252-2 dans les conditions prévues par les articles R. 8252-6 et R. 8252-7. / III.- Dans l'hypothèse mentionnée au 2° du II, le montant de la contribution spéciale est réduit à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne l'emploi que d'un seul étranger sans titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France (...) ". Enfin, aux termes du premier alinéa de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine ".
4. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 8253-1 du code du travail et de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que les contributions qu'ils prévoient ont pour objet de sanctionner les faits d'emploi d'un travailleur étranger séjournant irrégulièrement sur le territoire français ou démuni de titre l'autorisant à exercer une activité salariée, sans qu'un élément intentionnel soit nécessaire à la caractérisation du manquement. Toutefois, un employeur ne saurait être sanctionné sur le fondement de ces dispositions, qui assurent la transposition des articles 3, 4 et 5 de la directive 2009/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 prévoyant des normes minimales concernant les sanctions et les mesures à l'encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, lorsque tout à la fois, d'une part, il s'est acquitté des obligations qui lui incombent en vertu de l'article L. 5221-8 du code du travail et, d'autre part, il n'était pas en mesure de savoir que les documents qui lui étaient présentés revêtaient un caractère frauduleux ou procédaient d'une usurpation d'identité. En outre, lorsqu'un salarié s'est prévalu lors de son embauche de la nationalité française ou de sa qualité de ressortissant d'un Etat pour lequel une autorisation de travail n'est pas exigée, l'employeur ne peut être sanctionné s'il s'est assuré que ce salarié disposait d'un document d'identité de nature à en justifier et s'il n'était pas en mesure de savoir que ce document revêtait un caractère frauduleux ou procédait d'une usurpation d'identité.
5. Il résulte de l'instruction que, lors du contrôle effectué le 18 septembre 2017, un étranger de nationalité égyptienne recruté par la société requérante était démuni de titre de séjour l'autorisant à travailler, le récépissé de demande de titre de séjour qui lui avait été délivré étant arrivé à expiration le 22 août 2017. Si, pour contester la matérialité des faits, la société requérante soutient qu'à la date de son embauche, le 19 juin 2017, ce salarié était en situation régulière, cet argument est sans incidence sur la caractérisation de l'infraction reprochée au sens des dispositions précitées de l'article L. 8251-1 du code du travail ; il en va de même de l'argumentation inopérante, tenant à la déclaration de l'intéressé auprès de l'Urssaf, à son droit au maintien du bénéficie de l'intégralité des droits sociaux conformément à l'article L. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable aux seuls titres de séjour et non aux récépissés, à l'impossibilité pour un employeur de licencier un étranger dont le titre de séjour est en cours de renouvellement, et enfin, à le supposer établi, à son droit au maintien sur le territoire national à la date des faits. Par ailleurs, il résulte des déclarations du gérant de la société lors de son audition par les services de police que ce dernier a reconnu avoir été " négligent " et " avoir oublié " de vérifier que l'autorisation de travail était toujours en cours de validité, alors que, conformément aux dispositions précitées des articles L. 8251-1 et L. 5221-8 du code du travail, il lui incombait de vérifier que le titre autorisant son salarié à travailler n'était pas parvenu au terme de sa validité en cours d'exécution du contrat de travail. Par suite, la SARL Atlantique ne peut utilement se prévaloir de l'absence de matérialité des faits et de sa bonne foi alors que, tenue d'une obligation de moyens sur le fondement des dispositions précitées du code du travail, elle n'a pas entrepris toutes les démarches nécessaires et utiles afin de s'assurer de la régularité de la situation de son salarié.
6. La circonstance que le dossier de la société Atlantique aurait été classé sans suite par le procureur de la République n'est pas de nature à remettre en cause le caractère irrégulier de l'emploi du salarié, le prononcé d'une sanction administrative étant indépendante de l'issue des poursuites pénales.
7. Enfin, la société Atlantique reprend en appel les moyens invoqués en première instance, tirés de ce qu'elle remplirait les conditions pour se voir octroyer une réduction à 1 000 fois le taux horaire du minimum garantis, de sa bonne foi et de la précarité de sa situation financière. Pour autant, par un jugement précisément motivé, le tribunal a écarté l'argumentation développée par la requérante à l'appui de chacun de ces moyens. Il y a ainsi lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter les moyens ainsi renouvelés devant la cour par la société requérante, qui ne présente aucun élément de fait ou de droit nouveau, par rapport à l'argumentation qu'elle avait développée devant le tribunal.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Atlantique n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes d'annulation de la décision du 25 octobre 2018 du directeur général de l'OFII, de décharge ou de minoration de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire représentative de frais de réacheminement mises à sa charge.
Sur les frais liés à l'instance :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'OFII, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la société Atlantique au titre des frais liés à l'instance. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Atlantique le versement de la somme que demande l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur le fondement des mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL Atlantique est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Atlantique et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 1er décembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. C..., premier vice-président,
Mme B..., premier conseiller,
Mme Mornet, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2020.
Le rapporteur,
M-D. B...Le président,
M. C...
Le greffier,
E. MOULIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
1
N° 08PA04258
2
N° 20PA01635