Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 11 juin 2020 par lequel le préfet de police a décidé de son transfert vers les autorités suédoises, responsables de sa demande d'asile.
Par un jugement n° 2008794/8 du 9 juillet 2020, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 11 juin 2020 portant transfert de M. B... aux autorités suédoises, a enjoint au préfet de police de délivrer à l'intéressé une attestation de demande d'asile en procédure normale dans le délai de quinze jours à compter de la date de notification du jugement, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve de l'admission définitive de M. B... à l'aide juridictionnelle et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. B....
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête enregistrée le 6 août 2020 sous le n° 20PA02131, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2008794/8 du 9 juillet 2020 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Paris ;
Il soutient que :
- c'est à tort que le premier juge s'est fondé sur une méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que son arrêté prononce la remise aux autorités suédoises de M. B... et non son renvoi en Afghanistan et qu'en conséquence le moyen tiré des risques de persécutions dans le pays d'origine est inopérant ;
- les autres moyens soulevés par M. B... en première instance ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 octobre 2020, M. B..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que le versement à
Me C..., qui s'engage à renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle conformément à l'article 108 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, de la somme de
1 800 euros soit mis à la charge de l'Etat (ministère de l'intérieur) sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37, alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que les moyens présentés par le préfet de police ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 16 novembre 2020.
II. Par une requête, enregistrée le 20 août 2020 sous le n° 20PA02356, le préfet de police demande à la Cour d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement n° 2008794/8 du 9 juillet 2020 du tribunal administratif de Paris.
Il soutient que les conditions fixées par l'article R. 811-15 du code de justice administrative sont en l'espèce remplies.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 octobre 2020, M. D... B..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête à fin de sursis à l'exécution du jugement et à ce que le versement à Me C..., qui s'engage à renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle conformément à l'article 108 du décret n° 91-1266 du
19 décembre 1991, de la somme de 1 000 euros soit mis à la charge de l'Etat (ministère de l'intérieur) sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37, alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 16 novembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention des Nations Unies du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements inhumains cruels, inhumains ou dégradants ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant afghan, a été reçu en préfecture le 20 mars 2020 afin de solliciter son admission au séjour au titre de l'asile. La consultation du système " Eurodac " ayant fait apparaitre que ses empreintes avaient été relevées par les autorités suédoises le
31 octobre 2015, le préfet de police a saisi le 12 mai 2020 les autorités suédoises d'une demande de reprise en charge à laquelle elles ont répondu favorablement par une décision du 13 mai 2020. Par un arrêté du 11 juin 2020, le préfet de police a décidé le transfert de M. B... aux autorités suédoises, responsables de sa demande d'asile. Le préfet de police relève appel du jugement du 9 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé, à la demande de M. B..., l'arrêté du 11 juin 2020 et demande, en outre, à la Cour qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.
2. Les requêtes susvisées n° 20PA02131 et n° 20PA02356, présentées par le préfet de police tendent respectivement à l'annulation et au sursis à exécution du même jugement du
9 juillet 2020 du tribunal administratif de Paris et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.
Sur la requête n° 20PA02131 :
- Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Paris :
3. Aux termes de l'article 18 du règlement n° 604/2013 susvisé du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : (...) / d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre Etat membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre Etat membre... ". Aux termes de l'article 3 du même règlement : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. Lorsque aucun État membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen. ". Aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". De même, aux termes de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Enfin, aux termes de l'article 3.1 de la Convention des Nations Unies du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements inhumains cruels, inhumains ou dégradants prévoit que : " Aucun Etat partie n'expulsera, ne refoulera, ni n'extradera une personne vers un autre Etat où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture ".
4. Pour annuler l'arrêté portant transfert de M. B... aux autorités suédoises en tant qu'il méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, le premier juge s'est fondé sur la circonstance que la demande d'asile de M. B... a été définitivement rejetée par une décision de la Cour supérieure d'immigration de Stockholm du 18 juillet 2019 et que sa remise aux autorités suédoises, compte tenu des renvois effectués par ces autorités depuis 2017 des demandeurs d'asile de nationalité afghane vers leur pays d'origine, aurait pour conséquence un réacheminement vers l'Afghanistan, où M. B... serait exposé à un risque de traitements inhumains ou dégradants dès lors que ce renvoi impliquerait nécessairement un transit par Kaboul où règne une situation de violence généralisée. Toutefois, l'arrêté en litige a seulement pour objet de renvoyer l'intéressé en Suède et non dans son pays d'origine. Par ailleurs, la Suède, Etat membre de l'Union européenne, est partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Les articles de presse produits par l'intéressé et la circonstance que la Suède a conclu avec l'Afghanistan un accord de réadmission ne sont pas de nature à établir qu'il existerait des raisons sérieuses de croire à l'existence de défaillances systémiques en Suède dans la procédure d'asile ou que la demande d'asile de l'intéressé ne sera pas traitée dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que les autorités suédoises, alors même que la demande d'asile de M. B... aurait été définitivement rejetée, n'évalueront pas, avant de procéder à un éventuel éloignement de l'intéressé, les risques auxquels il serait exposé en cas de retour en Afghanistan. Dans ces conditions, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé l'arrêté du 11 juin 2020 au motif qu'il méconnaissait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
5. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Paris.
- Sur les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Paris :
6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Enfin, aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. (...) ".
7. Il résulte de ces dispositions que, s'agissant d'un étranger ayant, dans les conditions posées par le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, présenté une demande d'asile dans un autre Etat membre et devant, en conséquence, faire l'objet d'une reprise en charge par cet Etat, doit être regardée comme suffisamment motivée la décision de transfert à fin de reprise en charge qui, après avoir visé le règlement, relève que le demandeur a antérieurement présenté une demande dans l'Etat en cause, une telle motivation faisant apparaître qu'il est fait application du b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 ou du paragraphe 5 de l'article 20 du règlement précité.
8. L'arrêté en litige vise notamment la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la Convention de Genève du 28 juillet 1951, le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, le règlement CE n° 1560-2003 de la commission du 2 septembre 2003 et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il mentionne que M. B... a demandé l'asile en France le 20 mars 2020 et que ses empreintes, comparées aux bases de données européennes, ont révélé qu'il avait précédemment déposé une demande d'asile en Suède le 31 octobre 2015. L'arrêté mentionne que le préfet de police a saisi le 12 mai 2020 les autorités suédoises d'une demande de reprise en charge de l'intéressé en application de l'article 18-1-b du règlement (UE) n° 604/2013 et qu'elles ont accepté leur responsabilité par un accord du 13 mai 2020 en application des dispositions de l'article 18-1-d de ce même règlement. Il indique également qu'au vu des éléments de fait et de droit caractérisant la situation de M. B..., sa situation ne relève pas des dérogations prévues par les articles 3-2 ou 17 du règlement (UE) n° 604/2013, qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au respect de son droit à la vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'intéressé ne pouvant se prévaloir d'une vie privée et familiale stable en France et n'établissant pas être dans l'impossibilité de retourner en Suède et enfin qu'il n'établit pas de risque personnel constituant une atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités de l'Etat responsable de sa demande d'asile. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté, qui satisfait à l'exigence de motivation qu'imposent les dispositions précitées, ne permet pas d'identifier les motifs pour lesquels le préfet de police a décidé de son transfert aux autorités suédoises. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation sera écarté.
9. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du
26 juin 2013 : " Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...). L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. /4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. /5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. "
10. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a bénéficié d'un tel entretien le
20 mars 2020 dans les locaux de la préfecture de police, que cet entretien a été réalisé en présence d'un interprète en langue dari, langue comprise par l'intéressé, et qu'il a ainsi eu la possibilité de faire part de toute information pertinente relative à la détermination de l'Etat responsable. En outre, l'intéressé ne fait état devant la Cour d'aucun élément laissant supposer que cet entretien ne se serait pas déroulé dans les conditions de confidentialité prévues par les dispositions précitées de l'article 5 du règlement n° 604-2013 du 26 juin 2013. De même, il n'est pas démontré que la personne ayant mené l'entretien individuel de M. B..., qui est un agent de la préfecture, ne serait pas qualifiée en vertu du droit national. Enfin, M. B... s'est vu remettre le 20 mars 2020, contre signature, le compte-rendu de l'entretien individuel. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.
11. En troisième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. (...). ".
12. Par ailleurs, il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre, en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations, l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature de ces informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 citées au point précédent constitue pour le demandeur d'asile une garantie.
13. Il ressort des pièces du dossier que M. B... s'est vu remettre contre signature, le 20 mars 2020, jour de son entretien individuel, quatre documents, le premier intitulé " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " (brochure A), le deuxième intitulé " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' " (brochure B), la brochure relative au relevé de ses empreintes et au fonctionnement d'Eurodac et le guide du demandeur d'asile. Il ressort également des pièces du dossier que ces documents ont été délivrés en langue dari, langue que M. B... a déclaré comprendre. Il ne ressort d'aucune pièce que M. B... n'aurait pas compris les informations comprises dans ces documents, l'intéressé ayant, au surplus, déclaré lors de son entretien individuel mené le 20 mars 2020, en présence d'un interprète en langue dari, avoir compris la procédure engagée à son encontre. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit à l'information du demandeur d'asile énoncé à l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.
14. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Par ailleurs, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés par le présent règlement (...) ".
15. Il ressort des pièces du dossier, comme il a déjà été dit, que les autorités suédoises ont accepté de reprendre en charge M. B.... Ce dernier soutient qu'il sera renvoyé en Afghanistan en cas de transfert vers la Suède dès lors que les autorités de ce pays ont définitivement rejeté sa demande d'asile et qu'il encourt un risque sérieux et avéré de traitements inhumains et dégradants. Toutefois, l'arrêté en litige a seulement pour objet de renvoyer l'intéressé en Suède et non dans son pays d'origine. Par ailleurs, la Suède, Etat membre de l'Union européenne, est partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Les rapports d'organisations internationales et les articles de presse produits par M. B... ne sont pas de nature à établir qu'il existerait des raisons sérieuses de croire à l'existence de défaillances systémiques en Suède dans la procédure d'asile ou que sa demande d'asile ne sera pas traitée dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que les autorités suédoises, alors même que la demande d'asile de M. B... aurait été définitivement rejetée, n'évalueront pas, avant de procéder à un éventuel éloignement de l'intéressé, les risques auxquels il serait exposé en cas de retour en Afghanistan. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant de faire application des dispositions de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 et celui tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
16. En cinquième lieu, compte tenu des éléments exposés au point 4 du présent arrêt et alors que M. B... ne produit aucun élément tendant à démontrer qu'il aurait été personnellement exposé à des traitements inhumains et dégradants lors de son passage en Suède, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision de transfert sur sa situation personnelle en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire prévue par l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013. Par suite, le moyen doit être écarté.
17. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal de Paris a annulé l'arrêté du 11 juin 2020 décidant de la remise aux autorités suédoises de M. B....
Sur la requête n° 20PA02356 :
18. La Cour se prononçant, par le présent arrêt, sur la requête n° 20PA02131 du préfet de police tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Paris du
9 juillet 2020, il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 20PA02356 par laquelle le préfet de police sollicitait de la Cour le sursis à exécution du jugement.
Sur les frais liés à l'instance :
19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande au titre des frais liés à l'instance et exposés par lui.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2008794/8 du 9 juillet 2020 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 20PA02356.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 3 décembre 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, président de chambre,
- M. A..., président assesseur,
- Mme Larsonnier, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 décembre 2020.
La présidente de la 8ème Chambre,
H. VINOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°s 20PA02131, 20PA02356