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11/12/2020 | FRANCE | N°20PA01765

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 11 décembre 2020, 20PA01765


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler les arrêtés du 26 mai 2020 par lesquels le préfet de police a décidé son transfert aux autorités belges responsables de l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2007596/8 du 17 juin 2020, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 17 juillet 2020, M. E..., représe

nté par Me Dupourqué, demande à la Cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler les arrêtés du 26 mai 2020 par lesquels le préfet de police a décidé son transfert aux autorités belges responsables de l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2007596/8 du 17 juin 2020, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 17 juillet 2020, M. E..., représenté par Me Dupourqué, demande à la Cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;

2°) d'annuler le jugement n° 2007596/8 du 17 juin 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

3°) d'annuler les arrêtés du 26 mai 2020 par lesquels le préfet de police a décidé son transfert aux autorités belges responsables de l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence ;

4°) d'enjoindre au préfet de police de procéder à l'enregistrement de sa demande d'asile dans un délai de trois jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Me Dupourqué sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 dès lors que l'entretien n'a pas été mené par une personne dûment habilitée par le droit national et dont l'identité n'est pas connue ;

- il méconnaît les dispositions de l'article 3 et de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 ;

- la Bulgarie est l'Etat membre responsable de sa demande d'asile dès lors qu'il y a déposé sa première demande d'asile le 30 janvier 2015 ;

- il a quitté le territoire européen depuis plus de trois mois après son arrivée en 2015 ;

- l'arrêté est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle et d'une erreur de droit dès lors que sa demande d'asile en France est antérieure à sa prise d'empreintes par les autorités belges en application de l'article 20 du règlement (UE) n° 604/2013 ; il a procédé à l'introduction de sa demande auprès de la plateforme d'accueil des demandeurs d'asile le 6 mars 2020.

Les parties ont été informées, par lettre du 19 octobre 2020, en application de l'article

R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt est susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce que l'annulation de l'arrêté du 26 mai 2020 décidant le transfert aux autorités belges responsables de l'examen de sa demande d'asile entraîne par voie de conséquence l'annulation de l'arrêté du 26 mai 2020 portant assignation à résidence.

Un mémoire, présenté par le préfet de police, a été enregistré le 24 novembre 2020.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris du 7 octobre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1404 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mach, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... E..., ressortissant afghan né le 19 août 1990, est entré irrégulièrement en France. Il a fait l'objet de deux arrêtés du 26 mai 2020 par lesquels le préfet de police a décidé son transfert aux autorités belges responsables de l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence. M. E... relève appel du jugement du 17 juin 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 26 mai 2020.

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Par décision du 7 octobre 2020, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris a accordé à M. E... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, il n'y a pas lieu d'admettre l'intéressé à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article 20 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etat membres par un ressortissant de pays tiers ou apatride : " Début de la procédure / 1. Le processus de détermination de l'Etat membre responsable commence dès qu'une demande de protection internationale est introduite pour la première fois auprès d'un Etat membre. / 2. Une demande de protection internationale est réputée introduite à partir du moment où un formulaire présenté par le demandeur ou un procès-verbal dressé par les autorités est parvenu aux autorités compétentes de l'Etat membre concerné. Dans le cas d'une demande non écrite, le délai entre la déclaration d'intention et l'établissement d'un procès-verbal doit être aussi court que possible. ". Aux termes de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l'Etat responsable en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ou en application d'engagements identiques à ceux prévus par le même règlement, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. / L'enregistrement a lieu au plus tard trois jours ouvrés après la présentation de la demande à l'autorité administrative compétente, sans condition préalable de domiciliation. Toutefois, ce délai peut être porté à dix jours ouvrés lorsqu'un nombre élevé d'étrangers demandent l'asile simultanément (...) ". Aux termes de l'article R. 741-2 du même code : " Pour l'application du deuxième alinéa de l'article L. 741-1, l'autorité administrative compétente peut prévoir que la demande est présentée auprès de la personne morale prévue au deuxième alinéa de l'article

L. 744-1. ". Le deuxième alinéa de l'article L. 744-1 auquel il est ainsi renvoyé permet à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) de déléguer à des personnes morales, par convention, la possibilité d'assurer certaines prestations d'accueil, d'information et d'accompagnement social et administratif des demandeurs d'asile pendant la période d'instruction de leur demande.

4. La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit, dans l'arrêt C-670/16 du 26 juillet 2017, Mengesteab, que le paragraphe 2 de l'article 20 du règlement (UE) n° 604/2013 devait être interprété en ce sens qu'une demande de protection internationale est réputée introduite lorsqu'un document écrit, établi par une autorité publique et attestant qu'un ressortissant de pays tiers a sollicité la protection internationale, est parvenu à l'autorité chargée de l'exécution des obligations découlant de ce règlement et, le cas échéant, lorsque seules les principales informations figurant dans un tel document, mais non celui-ci ou sa copie, sont parvenues à cette autorité. La cour a également précisé, dans cet arrêt, que, pour pouvoir engager efficacement le processus de détermination de l'Etat responsable, l'autorité compétente a besoin d'être informée, de manière certaine, du fait qu'un ressortissant de pays tiers a sollicité une protection internationale, sans qu'il soit nécessaire que le document écrit dressé à cette fin revête une forme précisément déterminée ou qu'il comporte des éléments supplémentaires pertinents pour l'application des critères fixés par le règlement Dublin III ou, a fortiori, pour l'examen au fond de la demande, et sans qu'il soit nécessaire à ce stade de la procédure qu'un entretien individuel ait déjà été organisé. Lorsque l'autorité compétente pour assurer au nom de l'Etat français l'exécution des obligations découlant du règlement Dublin III a, ainsi que le permet l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, prévu que les demandes de protection internationale doivent être présentées auprès de l'une des personnes morales qui ont passé avec l'OFII la convention prévue à l'article L. 744-1 de ce code, la date à laquelle cette personne morale, auprès de laquelle le demandeur doit se présenter en personne, établit le document écrit matérialisant l'intention de ce dernier de solliciter la protection internationale doit être regardée comme celle à laquelle est introduite cette demande de protection internationale.

5. M. E... soutient avoir contacté la plateforme d'accueil téléphonique de l'OFII en vue de solliciter l'asile le 4 mars 2020. Il ressort des pièces du dossier, et notamment d'une capture d'écran d'un message mentionnant son nom et indiquant un " rendez-vous asile " le 6 mars 2020 et d'une convocation nominative datée du 6 mars 2020, que M. E... s'est présenté à cette date au guichet unique de Paris de la préfecture de police où lui a été remise une convocation pour l'enregistrement de sa demande d'asile auprès du " guichet unique asile " de la préfecture de police le 11 mars suivant. Le préfet de police, chargé de l'exécution du règlement (UE) n° 604/2013, disposait ainsi d'un document écrit attestant de l'intention de M. E... de solliciter l'asile en France dès le 6 mars 2020. L'intéressé est ainsi réputé avoir introduit à cette date sa demande de protection internationale en France, en vertu des dispositions de l'article 20 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 citées au point 3. La circonstance que l'entretien individuel et l'enregistrement effectif de la demande d'asile de l'intéressé ont eu lieu le 12 mars 2020 sont à cet égard sans incidence sur la date d'introduction de cette demande. Par suite, et alors même que les autorités belges ont ultérieurement donné leur accord à la reprise en charge de l'intéressé, le préfet de police ne pouvait se fonder sur le relevé des empreintes de M. E... le 9 mars 2020 par les autorités belges au titre de l'asile, postérieurement à la date d'introduction de la demande d'asile en France, pour en déduire qu'une demande d'asile y était déjà en cours d'examen lorsque M. E... a présenté sa demande en France et que la Belgique était l'Etat membre responsable de sa demande d'asile en application des articles 3 et 18 du règlement (UE) n° 604/2013.

En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :

6. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) / 1° bis Fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ou d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013 (...) ".

7. Il résulte du point 5 que l'arrêté de transfert aux autorités belges du 26 mai 2020 est illégal et doit être annulé. Son annulation entraîne l'annulation par voie de conséquence de l'arrêté du préfet de police du 26 mai 2020 assignant M. E... à résidence.

8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. E... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Aux termes de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision de transfert est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au livre V. L'autorité administrative statue à nouveau sur le cas de l'intéressé. ".

10. Eu égard au motif d'annulation, le présent arrêt implique seulement qu'il soit enjoint au préfet de police de procéder au réexamen de la situation de M. E.... Il est enjoint au préfet de police de procéder à ce réexamen dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

11. M. E... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Dupourqué, avocat de M. E..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Dupourqué de la somme de 1 500 euros.

DECIDE :

Article 1er : M. E... n'est pas admis, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : Le jugement n° 2007596/8 du 17 juin 2020 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 3 : Les arrêtés du 26 mai 2020 sont annulés.

Article 4 : Il est enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de M. E... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 5 : L'Etat versera à Me Dupourqué, avocat de M. E..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve que Me Dupourqué renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E..., au ministre de l'intérieur et à Me Dupourqué.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 27 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, président de chambre,

- Mme Julliard, présidente assesseure,

- Mme Mach, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 décembre 2020.

Le rapporteur,

A-S MACHLe président,

M. HeersLe greffier,

S. GASPAR La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA01765


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA01765
Date de la décision : 11/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Anne-Sophie MACH
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : DUPOURQUE

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-12-11;20pa01765 ?
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