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11/12/2020 | FRANCE | N°18PA02902

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 11 décembre 2020, 18PA02902


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association pour la sauvegarde de l'enfance de l'adolescence et de l'adulte (ASEA NC) a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'une part, de condamner la Nouvelle-Calédonie à lui verser une somme correspondant au montant des intérêts au taux légal pour la période du 1er novembre 2016 au 6 octobre 2017 à valoir sur la dernière fraction de la subvention qui lui a été allouée par la Nouvelle-Calédonie au titre de l'année 2016, soit la somme de 7 500 000 francs CFP, d'autre part, de c

ondamner la Nouvelle-Calédonie à lui verser la somme de 4 208 906 francs CFP ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association pour la sauvegarde de l'enfance de l'adolescence et de l'adulte (ASEA NC) a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'une part, de condamner la Nouvelle-Calédonie à lui verser une somme correspondant au montant des intérêts au taux légal pour la période du 1er novembre 2016 au 6 octobre 2017 à valoir sur la dernière fraction de la subvention qui lui a été allouée par la Nouvelle-Calédonie au titre de l'année 2016, soit la somme de 7 500 000 francs CFP, d'autre part, de condamner la Nouvelle-Calédonie à lui verser la somme de 4 208 906 francs CFP correspondant aux dépenses qu'elle a exposées en janvier et février 2017, somme assortie des intérêts au taux légal à compter du 16 juin 2016 et la capitalisation des intérêts. Par un jugement n° 1700360 du 13 juillet 2018, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour

Par une requête enregistrée le 25 août 2018 et un mémoire en réplique enregistré le 16 octobre 2020, l'association pour la sauvegarde de l'enfance de l'adolescence et de l'adulte (ASEA NC), représentée par Me C..., demande la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 13 juillet 2018 du Tribunal administratif de

Nouvelle- Calédonie ;

2°) de condamner la Nouvelle-Calédonie à lui verser une somme de 4 208 906 francs CFP correspondant aux dépenses exposées en janvier et février 2017, assortie des intérêts à taux légal à compter du 16 juin 2017 avec capitalisation des intérêts ;

3°) de condamner la Nouvelle-Calédonie à lui verser le montant des intérêts de retard au titre du paiement en octobre 2017 des 7 500 000 francs CFP correspondant au solde de subvention de 2016 devant contractuellement être versé en octobre 2016 ;

4°) de condamner la Nouvelle-Calédonie à lui verser la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la présidente de l'association a qualité pour agir ;

- le jugement est entaché d'une omission à statuer sur le moyen tiré du défaut de qualité pour agir du Président du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ;

- le jugement est irrégulier en ce qu'il a tenu compte des écritures produites en défense après la clôture de l'instruction et non communiquées ;

- la Nouvelle-Calédonie n'a jamais informé l'association ASEA NC du non-renouvellement de la convention, à compter de l'année scolaire 2017 avant le courrier du 21 février 2017 ; cette convention conclue le 11 mai 2016 pour un an était adossée au calendrier scolaire ce qui justifiait l'engagement des dépenses de recrutement d'un agent pour la rentrée scolaire du 13 février 2017 ; depuis 2013, la Nouvelle-Calédonie avait pris l'habitude de signer la convention avec plusieurs mois de retard, de sorte que l'association n'a pas commis d'imprudence en poursuivant ses actions en janvier 2017 ; les dépenses composées des dépenses de personnel, des indemnités de licenciement et des frais fixes de gestion, dont le remboursement est sollicité pour janvier et jusqu'au 22 février 2017 ont été incontestablement utiles à la Nouvelle-Calédonie comme en témoignent les réactions à la suite de la cessation brutale de ses actions de lutte contre la déscolarisation ; elle est fondée à en demander le remboursement sur le fondement de la responsabilité contractuelle et, à titre subsidiaire, sur le fondement de l'enrichissement sans cause de ses dépenses qui s'élèvent à 4 208 906 francs CFP ;

- elle est fondée à en demander le paiement des intérêts de retard sur la somme de 7 500 000 francs CFP dont le versement était prévu, aux termes de la convention, en octobre 2016 et qui n'a été effectué que le 6 octobre 2017 ; les considérations relatives à la date de la réclamation sont sans incidence sur le caractère exigible de ces intérêts ;

Par un mémoire en défense enregistré le 17 janvier 2019, la Nouvelle-Calédonie représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l'appelante à lui verser la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens de l'instance ;

Elle soutient que le jugement attaqué est exempt d'irrégularités et que les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 modifiée relative à la Nouvelle-Calédonie ;

- le code civil ;

-le décret n° 2020-1404 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., avocat de l'association pour la sauvegarde de l'enfance de l'adolescence et de l'adulte (ASEA NC).

Considérant ce qui suit :

1. L'association pour la sauvegarde de l'enfance de l'adolescence et de l'adulte (ASEA NC) a signé le 11 mai 2016 avec la Nouvelle-Calédonie une convention relative aux interventions de personnels socio-éducatifs de l'association au sein de trois lycées, pour lesquelles lui était accordée une subvention de 21 500 000 francs CFP au titre de l'année 2016. Elle relève appel du jugement du 13 juillet 2018 par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa requête tendant d'une part, à la condamnation de la Nouvelle-Calédonie à lui verser une somme correspondant au montant des intérêts au taux légal pour la période du 1er novembre 2016 au 6 octobre 2017 sur la somme de 7 500 000 francs CFP correspondant au solde de la subvention qu'elle estimait lui être due au titre de l'année 2016, d'autre part à la condamnation de la Nouvelle-Calédonie à lui verser la somme de 4 208 906 francs CFP correspondant aux dépenses qu'elle a exposées en janvier et février 2017, assortie des intérêts au taux légal à compter du16 juin 2016 et la capitalisation de ces intérêts.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. D'une part, lorsqu'une partie est une personne morale, il appartient à la juridiction administrative saisie, qui en a toujours la faculté, de s'assurer, le cas échéant, que le représentant de cette personne morale justifie de sa qualité pour agir au nom de cette partie. Tel est le cas lorsque cette qualité est sérieusement contestée par l'autre partie ou qu'au premier examen, l'absence de qualité du représentant de la personne morale semble ressortir des pièces du dossier.

3. D'autre part, lorsqu'il est saisi, postérieurement à la clôture de l'instruction, d'un mémoire émanant d'une des parties à l'instance, le juge n'est tenu de soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans le mémoire que si celui-ci contient soit l'exposé d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office. Par suite, dans l'hypothèse où le juge administratif, saisi d'un moyen tiré du défaut de qualité pour agir de la personne morale requérante, décide de tenir compte de la délibération habilitant son représentant à agir en justice lorsque celle-ci est produite postérieurement à la clôture de l'instruction, il lui incombe de soumettre cette pièce à un débat contradictoire en rouvrant l'instruction.

4. L'association requérante a soutenu devant le Tribunal administratif que la Nouvelle-Calédonie ne justifiait pas d'une autorisation d'ester en justice. Cette dernière a transmis, le 26 juin 2018, soit postérieurement à la clôture d'instruction, intervenue trois jours francs avant l'audience du 28 juin 2018, un mémoire comportant la copie de la délibération du 29 mai 2018 publiée au Journal Officiel de Nouvelle-Calédonie du 31 mai 2018 par laquelle le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie autorisait son président à défendre devant le tribunal administratif dans l'affaire l'opposant à l'ASEA NC. Le tribunal a écarté la fin de non-recevoir en se fondant sur cette délibération. En statuant ainsi, sans avoir, au préalable, rouvert l'instruction et communiqué cet acte à l'association en lui laissant un délai suffisant pour présenter d'éventuelles observations, le tribunal a méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué, il y a lieu d'annuler celui-ci et de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation sur la demande présentée par l'ASEA NC devant le Tribunal administratif de la Nouvelle-Calédonie.

Sur la demande présentée par l'ASEA NC devant le Tribunal administratif :

En ce qui concerne les conclusions tendant au paiement des intérêts moratoires à raison du versement tardif de la troisième tranche de la subvention au titre de l'année 2016 :

5. La créance détenue sur l'administration existe, en principe, à la date à laquelle se produit le fait qui en est la cause, sans qu'il soit besoin que le juge se livre au préalable à une appréciation des faits de l'espèce et en liquide le montant. Saisie d'une demande tendant au paiement de cette créance, l'administration est tenue d'y faire droit dès lors que celle-ci est fondée. Les intérêts moratoires dus en application de l'article 1231-6 du code civil, lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, courent à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue à l'administration ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine.

6. Il est constant que la convention signée le 11 mai 2016 entre l'association ASEA NC et la Nouvelle-Calédonie prévoyait en son article 5 le paiement par cette dernière du solde de la subvention allouée à l'association au titre de l'exercice 2016 au mois d'octobre 2016 et que ce paiement n'est intervenu que le 4 octobre 2017 selon le justificatif de mandatement produit par l'administration. Par suite, l'association a droit aux intérêts au taux légal afférents à la somme de 7 500 000 francs CFP à compter de la date à laquelle le vice-rectorat de Nouvelle-Calédonie a reçu cette demande, nécessairement antérieure au 26 janvier 2017, date du courrier de ce dernier, et jusqu'à la veille de la date du versement effectif de la créance, soit le 3 octobre 2017.

En ce qui concerne les conclusions tendant au remboursement des dépenses exposées en janvier et février 2017 :

7. En premier lieu, l'attribution d'une subvention étant un acte unilatéral quand bien même elle se présente comme une convention, le moyen tiré de la force obligatoire du contrat attributif de l'aide est inopérant à l'appui des conclusions indemnitaires. L'association requérante ne peut donc utilement se prévaloir d'une méconnaissance de ses obligations contractuelles par la Province Nord. En tout état de cause, il résulte de l'instruction que la convention signée le 11 mai 2016 pour la durée de l'année 2016 n'a pas été renouvelée en 2017. Or, en l'absence de renouvellement, l'ASEA NC ne saurait se prévaloir d'une continuité des relations contractuelles jusqu'au 21 février 2017, date d'un courrier de l'administration formalisant l'abandon total de cette action.

8. En deuxième lieu, si l'association fait valoir que la Nouvelle-Calédonie ne l'a jamais informée de son intention de ne pas renouveler la convention avant son courrier du 21 février 2017, alors que cette convention était renouvelée annuellement depuis 2013 et signée chaque année avec plusieurs mois de retard, cette absence d'information ne saurait, dans les circonstances de l'espèce, notamment en l'absence de tout droit au renouvellement d'une subvention, être regardée comme fautive. Au contraire, dès lors que la Nouvelle-Calédonie n'avait donné aucune assurance à l'association quant au versement d'une subvention pour 2017, celle-ci a, eu égard au caractère annuel des engagements de la collectivité publique, commis une imprudence en s'abstenant de solliciter de l'administration, au plus tard à la fin de l'année scolaire précédente, des éclaircissements et d'en obtenir des garanties suffisantes, avant d'engager des actions pour la nouvelle année scolaire. Il en résulte que les préjudices dont l'ASEA NC demande réparation pour l'année 2017 trouvent leur origine, non pas dans une faute qu'aurait commise la Nouvelle-Calédonie, mais dans sa seule imprudence.

9. Enfin, si l'ASEA NC présente à titre subsidiaire sa demande sur le fondement de l'enrichissement sans cause, elle n'établit pas, en se bornant à produire des extraits d'écritures comptables et des témoignages regrettant l'arrêt de ses activités, sans justifier de la réalisation effective de prestations, le caractère utile des dépenses en personnel, indemnités de licenciement et frais fixes de gestion qu'elle allègue avoir exposées au profit de la Nouvelle-Calédonie entre le 1er janvier et le 22 février 2017.

10. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la demande de l'association ASEA NC ne peut qu'être rejetée.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'ASEA NC, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse à la Nouvelle-Calédonie la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de cette dernière une somme de 1 500 euros à verser à l'ASEA NC sur le fondement de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 13 juillet 2018 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie est annulé.

Article 2 : La Nouvelle-Calédonie est condamnée à verser à l'ASEA NC les intérêts au taux légal de la somme de 7 500 000 francs CFP pour la période courant à compter de la réception, par la Nouvelle-Calédonie, de sa demande, jusqu'au 3 octobre 2017.

Article 3 : La Nouvelle-Calédonie est condamnée à verser l'ASEA NC la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande et de la requête ainsi que les conclusions présentées par la Nouvelle-Calédonie sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'association pour la sauvegarde de l'enfance de l'adolescence et de l'adulte (ASEA NC) et au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

Délibéré après l'audience du 27 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme A..., président de chambre,

- Mme D..., présidente assesseure,

- Mme Mach, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 décembre 2020.

La rapporteure,

M. D...Le président,

M. A...La rapporteure,

M. D...Le président,

Le greffier,

S. GASPARLe greffier,

La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

N° 18PA02902


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA02902
Date de la décision : 11/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Associations et fondations - Questions communes - Dissolution - Associations et groupements de fait - loi du 10 janvier 1936.

Associations et fondations - Régime juridique des différentes associations - Associations reconnues d'utilité publique - Ressources - Origine - Subventions publiques.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : CABINET OVEREED AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 07/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-12-11;18pa02902 ?
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