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10/12/2020 | FRANCE | N°20PA00934

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 10 décembre 2020, 20PA00934


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... A... et Mme E... A... ont demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté n° 54/2017 du 27 septembre 2017 par lequel le maire de la commune de Jablines (Seine-et-Marne) a refusé de leur délivrer un permis de construire en vue de la réhabilitation et l'extension de constructions existantes sur la parcelle cadastrée Section AE n°169 et située, 3 place du Pâtis, pour la création de trois logements, et de lui enjoindre de leur délivrer le permis de construire sollicité dans un délai

d'un mois à compter de la notification du jugement, sous une astreinte de 50...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... A... et Mme E... A... ont demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté n° 54/2017 du 27 septembre 2017 par lequel le maire de la commune de Jablines (Seine-et-Marne) a refusé de leur délivrer un permis de construire en vue de la réhabilitation et l'extension de constructions existantes sur la parcelle cadastrée Section AE n°169 et située, 3 place du Pâtis, pour la création de trois logements, et de lui enjoindre de leur délivrer le permis de construire sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous une astreinte de 500 euros par jour de retard, ou, subsidiairement, de réexaminer leur demande, dans le même délai et sous la même astreinte.

Par un jugement n° 1708377 du 31 décembre 2019, le tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté contesté et a enjoint au maire de la commune de Jablines de réexaminer la demande de permis de construire de M. et Mme A... et de prendre une nouvelle décision dans un délai de trois mois.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 11 mars 2020 et un mémoire enregistré le 9 novembre 2020, la commune de Jablines, représentée par Me F... (H... et associés), demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1708377 du 31 décembre 2019 du tribunal administratif de Melun ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme A... devant le tribunal administratif de Melun ;

3°) de mettre à la charge de M. et Mme A... le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier faute de viser précisément les dispositions législatives sur lesquelles les premiers juges se sont fondés pour déclarer illégales, par voie d'exception, les dispositions du règlement du plan local d'urbanisme fixant la surface des places de stationnement des véhicules ;

- en l'absence de dispositions fixant une superficie particulière pour la réalisation de places de stationnement, et alors que la surface de 28 m2 imposée en l'espèce inclut l'espace de dégagement du véhicule, les premiers juges ont commis une erreur de droit en regardant les dispositions de l'article UA 12 du règlement du plan local d'urbanisme comme illégales car entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- dans l'hypothèse de constructions réalisées irrégulièrement dès l'origine, la délivrance d'un permis de construire n'est possible qu'afin de régulariser l'ensemble de la construction ; en l'espèce, les constructions existant sur la parcelle AE 28 ont été illégalement modifiées, et les premiers juges ne pouvaient donc censurer la décision litigieuse au motif qu'elle s'opposait à ce qu'elles deviennent, partiellement, davantage conformes à la réglementation ;

- les autres moyens de la demande de première instance ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense enregistré le 29 septembre 2020 et le 13 novembre 2020, M. et Mme A..., représentés par Me B... et Me D..., concluent au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis la somme de 3 000 euros à la charge de la commune requérante en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 et le décret n° 2020-1406 du même jour portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, notamment son article 5.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteur public,

- les observations de Me F..., avocat de la commune de Jablines et de Me Ehrenfeld, avocat de M. et Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A... sont propriétaires d'une parcelle cadastrée Section AE n° 28 et située au 2 chemin de la Louvière à Jablines (Seine-et-Marne) sur laquelle est implanté leur pavillon d'habitation, ainsi que deux autres logements qu'ils mettent en location. Ils ont fait l'acquisition d'une parcelle cadastrée Section AE n° 169, située à proximité immédiate, 3 place du Pâtis, pour laquelle ils disposent d'un certificat d'urbanisme délivré le 11 février 2016. Le 3 juillet 2017, ils ont déposé une demande de permis de construire en vue de la réhabilitation et l'extension des constructions existantes sur la parcelle et créer ainsi trois nouveaux logements individuels groupés destinés à la location, pour une surface de plancher totale de 294,55 m², dont 165,05 m² de surface de plancher créée. Par un arrêté du 27 septembre 2017, le maire de la commune de Jablines a opposé un refus à leur demande. Le tribunal administratif de Melun ayant, par un jugement du 31 décembre 2019, prononcé l'annulation de cet arrêté et enjoint au maire de réexaminer la demande de permis de construire dans les trois mois, la commune de Jablines relève appel de ce jugement devant la Cour.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, la décision contient " les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application ". Le jugement attaqué vise le code de l'urbanisme et le code de justice administrative. Par suite, contrairement à ce que soutient la commune de Jablines, il satisfait aux exigences des dispositions précitées de l'article R. 741-2 du code de justice administrative et n'est entaché d'aucune irrégularité sur ce point.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, la commune soutient que les premiers juges ont commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation en déclarant illégales, comme entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, les dispositions de l'article UA.12 du règlement du plan local d'urbanisme de la comme fixant la surface minimale par emplacement de stationnement extérieur sur une propriété.

4. Aux termes de l'article UA.12 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune, dans sa rédaction résultant de la modification approuvée le 19 novembre 2014 et applicable au cas d'espèce par l'effet du certificat d'urbanisme délivré à M. et Mme A... le 11 février 2016 : " " Obligations imposées aux constructeurs en matière de réalisation d'aires de stationnement / 1. - Principes / Le stationnement des véhicules de toutes natures correspondant aux besoins des constructions et installations doit être assuré en dehors de la voie publique. / A cet effet, il devra être réalisé, à l'occasion de toute construction ou installation nouvelle, des aires de stationnement sur le terrain propre à l'opération et selon les normes fixées au paragraphe 2 ci-après du présent article. / Cette obligation est applicable pour les constructions nouvelles, pour les aménagements ou extensions des constructions existantes et pour les divisions de propriétés qui aboutissent à la création de nouvelles unités d'habitation (chambre d'étudiants, logement supplémentaire...), et pour les changements de destination des constructions existantes. Cette obligation s'applique sans préjudice de l'obligation ou non d'une quelconque autorisation préalable. / Lorsque le bénéficiaire du permis de construire ou de la décision de non-opposition à une déclaration préalable ne peut pas satisfaire aux obligations sur le terrain propre à l'opération des aires de stationnement requises, il peut être tenu quitte de ces obligations en justifiant, pour les places qu'il ne peut réaliser lui-même, soit de l'obtention d'une concession à long terme dans un parc public de stationnement existant ou en cours de réalisation et situé à proximité immédiate de l'opération, soit de l'acquisition de places dans un parc privé de stationnement répondant aux mêmes conditions, soit au versement de la participation destinée à la réalisation de parcs publics de stationnement prévue à l'article L. 332-7-1. / Chaque emplacement extérieur doit présenter une accessibilité satisfaisante et individualisée. / Une surface minimale de 28 m² (4 m de largeur par 7 m de longueur) par emplacement de stationnement extérieur sur la propriété, dégagement compris, sera prévue, de façon à pouvoir faire aisément demi-tour. / 2. - Nombre d'emplacements / A. - Constructions à destination d'habitation / Il sera aménagé : / - deux places de stationnement par logement. / - en cas d'extension de construction existante visant à la création d'un nouveau logement, une place de stationnement par tranche comprise entre 0 et 30 m2 de surface hors oeuvre nette. / Places visiteurs : dans le cas d'opérations de constructions groupées ou de logements collectifs, il sera aménagé une place visiteur, aisément accessible depuis l'espace public, pour trois logements. / (...) ".

5. D'une part, l'absence de fixation par une quelconque norme applicable en l'espèce de la surface maximale d'un emplacement de stationnement extérieur des véhicules n'a pas pour effet d'interdire au juge administratif d'exercer sur ce point, comme à l'égard de toute disposition à portée réglementaire, un contrôle restreint, qui comporte celui de l'éventuelle erreur manifeste d'appréciation commise par l'auteur du règlement critiqué.

6. D'autre part, et comme l'a jugé le tribunal administratif, en imposant que toute place de stationnement et son espace de dégagement présentent une largeur de quatre mètres et une longueur de sept mètres, les dispositions critiquées du règlement du plan local d'urbanisme communal ont pour effet d'imposer une surface d'immobilisation par véhicule de 28 mètres carrés. Une telle exigence, ainsi uniformément exigée pour tout espace de stationnement et quelle que soit la configuration des lieux, caractérise une erreur manifeste des auteurs du règlement querellé, dès lors qu'elle est manifestement excessive pour le stationnement de simples voitures particulières, et que la commune n'apporte aucun élément tenant à justifier cette exigence au regard de circonstances locale, tandis que la nécessité de " pouvoir faire aisément demi-tour ", qui ne résulte d'ailleurs d'aucune règle en vigueur applicable aux propriétés privées non destinées à accueillir du public, ressortit en tout état de cause à des considérations étrangères à l'application du code de l'urbanisme.

7. Il s'ensuit que la commune de Jablines n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont regardé le moyen comme susceptible de fonder l'annulation de la décision litigieuse.

8. En second lieu, la commune de Jablines critique le jugement attaqué en tant que, pour censurer le motif de refus, retenu par la décision litigieuse, fondé sur l'insuffisance de places de stationnement prévues sur la parcelle cadastrée Section AE n° 28, il n'a pas tenu compte de l'irrégularité des constructions édifiées sur cette parcelle, qui imposait aux pétitionnaires de présenter une demande portant sur l'ensemble des éléments de construction qui ont eu ou qui auront pour effet de transformer le bâtiment tel qu'il avait été autorisé par le permis primitif.

9. En l'espèce, les premiers juges ont fait application du principe selon lequel la circonstance qu'une construction existante n'est pas conforme à une ou plusieurs dispositions d'un plan d'occupation des sols régulièrement approuvé ne s'oppose pas, en l'absence de dispositions de ce plan spécialement applicables à la modification des immeubles existants, à la délivrance ultérieure d'un permis de construire s'il s'agit de travaux qui, ou bien doivent rendre l'immeuble plus conforme aux dispositions réglementaires méconnues, ou bien sont étrangers à ces dispositions.

10. D'une part, si la commune allègue de l'irrégularité des constructions implantées sur la parcelle susmentionnée, elle ne l'établit pas, et aucun élément du dossier ne vient par ailleurs étayer cette allégation, alors même qu'il ne résulte d'aucune disposition du code de l'urbanisme en vigueur le 23 février 2005, date à laquelle les intimés ont déposé une déclaration préalable relativement à des travaux à effectuer en façade du bâtiment existant, que l'obtention d'un permis de construire eût alors été nécessaire pour la division dudit bâtiment en plusieurs logements.

11. D'autre part, la parcelle cadastrée Section AE n° 28 ne constitue pas le terrain d'assiette du projet objet de la demande de permis de construire objet du litige, mais seulement un terrain où seront réalisées pour partie les places de stationnement nécessaires au projet, conformément à l'article L. 151-33 du Code de l'urbanisme, qui dispose que : " Lorsque le règlement impose la réalisation d'aires de stationnement pour les véhicules motorisés, celles-ci peuvent être réalisées sur le terrain d'assiette ou dans son environnement immédiat. " Le projet de M. et Mme A... ne prend pas appui sur les constructions déjà implantées, et ces constructions n'entretiennent aucun lien physique ou fonctionnel de nature à caractériser un ensemble immobilier unique avec celles de la parcelle AE 169, qui font l'objet des travaux en vue desquels le permis de construire a été sollicité.

12. Il s'ensuit que la commune de Jablines n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont également regardé le moyen comme susceptible de fonder l'annulation de la décision litigieuse.

13. Il résulte de tout ce qui précède de que les conclusions d'appel de la requête de la commune de Jablines doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

14. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la commune de Jablines, qui succombe dans la présente instance, le versement de la somme globale de 1 500 euros à M. et Mme A.... Les mêmes dispositions font obstacle à ce que la commune, partie perdante dans la présente instance, en puisse invoquer le bénéfice.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Jablines est rejetée.

Article 2 : La commune de Jablines versera à M. G... A... et à Mme E... A... la somme globale de 1 500 euros en application de l'article 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Jablines et à M. G... A... et à Mme E... A....

Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.

Délibéré après l'audience du 19 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. C..., président-assesseur,

- M. Doré, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 décembre 2020.

Le président,

J. LAPOUZADE

La République mande et ordonne au préfet de Seine-et-Marne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA00934


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20PA00934
Date de la décision : 10/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Stéphane DIEMERT
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : SELARL LANDOT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-12-10;20pa00934 ?
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