La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/12/2020 | FRANCE | N°20PA00466

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 10 décembre 2020, 20PA00466


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler les arrêtés du 22 octobre 2019 par lesquels le préfet de police l'a, d'une part, obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination et, d'autre part, lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de douze mois.

Par un jugement n° 1922966 du 8 novembre 2019, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé les décisions de refus de d

lai de départ volontaire et d'interdiction de retour sur le territoire français penda...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler les arrêtés du 22 octobre 2019 par lesquels le préfet de police l'a, d'une part, obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination et, d'autre part, lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de douze mois.

Par un jugement n° 1922966 du 8 novembre 2019, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé les décisions de refus de délai de départ volontaire et d'interdiction de retour sur le territoire français pendant douze mois et rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire et un mémoire ampliatif, enregistrés les 7 et 18 février 2020, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement du 8 novembre 2019 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter complètement la demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

La décision de refus de délai de départ volontaire :

- a été prise conformément aux a), f) et h) du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'est, par conséquent, pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- en l'absence d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français, la décision n'est pas illégale ;

- la signataire de la décision était bien titulaire d'une délégation de signature régulière ;

- la décision n'est pas entachée d'un défaut de motivation ou d'un défaut d'examen particulier de la situation de M. B....

La décision d'interdiction de retour sur le territoire français :

- n'est pas entachée d'illégalité par la voie de l'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- la signataire de la décision était bien titulaire d'une délégation de signature régulière ;

- la décision n'est pas entachée d'un défaut de motivation ;

- la décision n'est pas entachée d'un vice de procédure le privant d'une garantie.

La requête et le mémoire ampliatif du préfet de police ont été communiqués à M. B... le 12 mai 2020 et ce dernier n'a pas présenté d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 ;

- les décrets n° 2020-1404 et n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant tunisien, né le 28 octobre 1996, a déclaré être entré en France en octobre 2016 et y résider irrégulièrement depuis cette date. Le 21 octobre 2019, il a fait l'objet d'une interpellation à la suite d'un contrôle d'identité, puis a été placé en retenue aux fins de vérification de son droit de circulation et de séjour. Le lendemain, il a été placé en rétention administrative. Par un arrêté du 22 octobre 2019, le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de destination. Par un deuxième arrêté daté du même jour, le préfet de police lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de douze mois. Par un jugement du 8 novembre 2019, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé les décisions de refus de délai de départ volontaire et d'interdiction de retour sur le territoire français pendant douze mois, mais rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. B... dirigée contre les décisions d'obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination. Le préfet de police demande à la Cour d'annuler l'article 1er du jugement du 8 novembre 2019 qui annule les décisions de refus de délai de départ volontaire et d'interdiction de retour sur le territoire français pendant douze mois.

Sur la décision de refus de délai de départ volontaire :

2. En premier lieu, l'arrêté du 22 octobre 2019 a été signé par Mme D... A... qui détient une délégation à l'effet de signer, notamment, les décisions relatives à la police des étrangers par un arrêté n° 2019-00794 en date du 27 septembre 2019, régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris du 4 octobre 2019. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision de refus de délai de départ volontaire ne peut qu'être écarté.

3. En deuxième lieu, la décision de refus de délai de départ volontaire vise notamment l'article L. 511-1, II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et fait mention de ce que " M. B... C..., qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour " et qu'" il a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ". La décision comporte donc l'ensemble des considérations de droit et de fait qui en sont le fondement. Le moyen tiré du défaut de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ne peut qu'être écartée.

4. En troisième lieu, aux termes des dispositions du II de 1'article L. 511-1 du code de 1'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, " (...), l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce, (...) qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...) h) Si l'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français. (...) ; ".

5. Il résulte des pièces du dossier que M. B... ne justifie pas de la date réelle de son entrée en France et qu'il a reconnu n'avoir entamé aucune démarche en vue d'obtenir un titre de séjour. Par ce seul motif, le préfet de police était fondé à refuser de lui accorder un délai de départ volontaire. S'il est vrai que M. B... est en possession d'un passeport et ne s'est jamais soustrait à une mesure d'éloignement et qu'il a, par ailleurs, été en mesure, pendant sa rétention administrative, de produire une attestation d'hébergement et de réserver, le 7 novembre 2019, un billet d'avion à destination de Tunis pour un départ prévu le 15 novembre 2019, ces différentes circonstances ne sont pas de nature à démontrer que le préfet de police aurait commis une erreur dans l'appréciation de la situation de M. B... en ne lui accordant pas un délai de départ volontaire.

6. En quatrième lieu, M. B... soutient que la décision de refus de départ volontaire est illégale par la voie de l'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français. Toutefois, la décision d'obligation de quitter le territoire français est signée par Mme D... A... qui disposait d'une délégation de signature pour signer les décisions en matière d'étrangers par un arrêté du 21 mars 2019, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de Paris le 22 mars 2019. La décision d'obligation de quitter le territoire français comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Enfin, les seules pièces versées par M. B... au dossier consistant en une seule attestation d'hébergement par un proche ne sont pas de nature à établir que l'obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de M. B.... Par suite, l'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français doit être écartée.

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :

7. En premier lieu, la décision d'interdiction de retour sur le territoire français signée par Mme D... A... n'a pas été prise par une autorité incompétente pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 2 du présent arrêt.

8. En deuxième lieu, la décision d'interdiction de retour sur le territoire français vise notamment l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et fait mention de ce que M. B... " allègue être entré sur le territoire français en octobre 2016 ", fait l'objet " d'une obligation de quitter le territoire français en date du 22/10/19 ", et " ne peut être regardé comme se prévalant de liens suffisamment anciens, forts et caractérisés avec la France, étant constaté qu'il est célibataire et sans enfants ". En conséquence, la décision comporte l'ensemble des considérations de droit et de fait qui en sont le fondement. Le moyen tiré d'un défaut de motivation doit être écarté.

9. En troisième lieu, M. B..., qui est célibataire et sans enfants, ne fait état d'aucun lien particulier avec la France. Par conséquence, la décision ne méconnaît pas son droit au respect de sa vie privée et familiale qu'il tient des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. En quatrième lieu, M. B... soutient qu'il n'a pas été informé des modalités d'exécution de l'interdiction de retour lors de la notification de cette décision. Toutefois, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français. En tout état de cause, et contrairement à ses allégations, M. B... a bien été destinataire du formulaire portant justificatif de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire. Ce formulaire cite les dispositions des articles R. 511-4 et R. 511-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et est signé par l'intéressé. Ce moyen ne peut dès lors qu'être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé les décisions de refus de délai de départ volontaire et d'interdiction de retour sur le territoire français pendant douze mois prises à l'encontre de M. B....

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1922966 du 8 novembre 2019 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : Les conclusions devant le Tribunal administratif de Paris de M. B... tendant à l'annulation des décisions de refus de délai de départ volontaire et d'interdiction de retour sur le territoire français pendant douze mois sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C... B....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 26 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- Mme E..., premier conseiller,

- M. Sibilli, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 décembre 2020.

Le rapporteur,

I. E...Le président,

S.-L. FORMERYLa greffière,

C. DABERTLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20PA00466 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA00466
Date de la décision : 10/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: Mme Isabelle MARION
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-12-10;20pa00466 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award