Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile immobilière Les deux terres fleuries a demandé au tribunal administratif de Melun, d'une part, d'annuler l'arrêté du 2 juin 2017 du maire de la commune de Saint-Sauveur-sur-École (Seine-et-Marne) annulant et remplaçant son précédent arrêté du 22 mars 2017, par lequel il avait refusé de lui délivrer un permis de construire un bâtiment à usage d'entrepôt et atelier de réparation sur un terrain situé 8 et 10 rue de la mare aux trois saules, d'autre part, d'annuler, le cas échéant, ledit arrêté, en outre, d'enjoindre à la commune de procéder au réexamen de sa demande de permis de construire dans le délai et sous l'astreinte qu'il lui plaira, en précisant qu'il lui appartiendra de statuer sur le fondement des dispositions applicables à la date de l'arrêté du 2 juin 2017 et enfin, de condamner la commune de Saint-Sauveur-sur-Ecole à lui verser une somme de 24 000 euros en réparation des préjudices subis du fait des arrêtés en cause.
Par un jugement n° 1705545 du 5 juillet 2019, le tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté du 22 mars 2017 du maire de la commune de Saint-Sauveur-sur-École, et a enjoint à la commune de réexaminer la demande de permis de construire de la société civile immobilière Les deux terres fleuries et de prendre une nouvelle décision sur le fondement du document d'urbanisme applicable à la date de l'arrêté du 22 mars 2017 dans un délai de trois mois suivant la notification du jugement.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 1er octobre 2019 et un mémoire enregistré le 10 novembre 2020, la société civile immobilière Les deux terres fleuries, représentée par Me C... (E... C... et Associés), demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1905545 du 5 juillet 2019 du tribunal administratif de Melun, en tant seulement qu'il a rejeté ses conclusions à fin indemnitaire ;
2°) de condamner la commune de Saint-Sauveur-sur-École à lui verser la somme de 48 000 euros ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Sauveur-sur-École le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier, dès lors que les premiers juges ont commis une erreur d'appréciation et une erreur de droit relativement à la date de la réalisation du toit de l'immeuble et à l'applicabilité de la réglementation thermique ;
- le règlement du plan local d'urbanisme n'interdit ni les puits de lumière ni la pose de bandeaux périphériques ;
- le bâtiment faisant l'objet de la demande de permis de construire n'étant pas un neuf, car construit il y a plus de dix ans, et n'étant pas chauffé, n'est pas soumis à la réglementation prévue aux articles R. 111-20 et R. 111-20-6 du code de la construction et de l'habitation ;
- la commune ne lui a jamais demandé la production de quelconques pièces supplémentaires pour compléter l'instruction de la demande de permis de construire ;
- ses conclusions indemnitaires étaient recevables devant le tribunal administratif, eu égard à la naissance en cours d'instance d'une décision implicite de rejet sur sa demande préalable ;
- le refus illégal d'un permis de construire est constitutif d'un préjudice indemnisable ;
- le maire de la commune n'aurait pas pris la même décision s'il ne s'était pas fondé sur l'aspect de la toiture et l'applicabilité de la réglementation thermique ;
- elle justifie d'un préjudice résultant du manque à gagner consécutif à l'impossibilité de conclure un bail commercial, ayant fait l'objet d'une promesse qui n'était pas de pure complaisance, dans l'immeuble concerné, le projet de construction n'ayant pu être finalisé à raison de l'intervention de la décision illégale ;
Par un mémoire en défense enregistré le 6 juillet 2020, après mise en demeure dans les conditions prévues à l'article R. 621-3 du code de justice administrative, la commune de Saint-Sauveur-sur-École, représenté par Me A... (D...) conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis la somme de 4 000 euros à la charge de la commune de Saint-Sauveur-sur-École en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la demande de permis de construire ne portait pas seulement sur la réalisation de deux conduits de désenfumage et la création d'un puit de lumière, mais sur la construction d'un immeuble, afin de poursuivre la construction de la partie de l'immeuble non encore achevée et de la rendre plus conforme à la réglementation ; cette demande devait donc être instruite dans son ensemble ;
- le projet prévoyait une toiture plate sur sa totalité, en méconnaissance de l'article UX 11 du règlement du plan local d'urbanisme qui impose une toiture dotée d'une pente à versants ;
- en tout état de cause, la réalisation de deux puits de lumière et la mise ne place d'un bandeau périphérique en bac acier n'ont pas pour effet de rendre la construction existante plus conforme au règlement du plan local d'urbanisme ;
- l'article R. 111-20 du code de la construction et de l'habitation s'applique effectivement aux parties nouvelles de bâtiments, et le projet porte sur un bâtiment à usage industriel ou artisanal, dont il n'est pas crédible de prétendre qu'il ne sera pas chauffé ; il est constant que l'attestation de prise en compte de la réglementation thermique n'a pas été produite au dossier de demande de permis de construire ; en tout état de cause, la Cour pourra substituer au motif retenu par les premiers juges celui de la non-conformité du projet à la réglementation thermique ;
- le lien de causalité entre l'illégalité retenue par les premiers juges et le préjudice allégué n'est pas établi, dès lors que le tribunal administratif a prononcé l'annulation de l'arrêté querellé au motif d'un vice de légalité externe, et alors que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée sur la non-conformité du projet à la réglementation thermique applicable ;
- la société requérante ne justifie pas du préjudice qu'elle allègue ;
- aucun des moyens de la requête n'est donc fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 et le décret n° 2020-1406 du même jour portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, notamment son article 5.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteur public,
- les observations de Me C..., avocat de la SCI Les deux terres fleuries et de Me Akli, avocat de la commune de Saint-Sauveur-sur-École.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 21 novembre 2005, le maire de la commune de Saint-Sauveur-sur- Ecole a délivré à la société civile immobilière Les deux terres fleuries un permis de construire un bâtiment industriel. Par un courrier du 22 décembre 2016, il a informé la société pétitionnaire que son permis de construire encourrait sa caducité à partir du 15 janvier 2017. La société Les deux terres fleuries a alors déposé une nouvelle demande de permis de construire le 23 février 2017 et, par un arrêté du 22 mars 2017, le maire a refusé de délivrer le permis sollicité. Le 2 juin 2017, il a pris un nouvel arrêté afin de rectifier l'erreur matérielle concernant le numéro de demande de permis de construire dont était affecté l'arrêté du 22 mars 2017. La société ayant demandé au tribunal administratif de Melun l'annulation de ces arrêtés et l'indemnisation du préjudice qu'elle estime avoir subi, cette juridiction, par un jugement du juillet 2019, a annulé l'arrêté du 22 mars 2017 du maire de la commune de Saint-Sauveur-sur-École à raison de son insuffisance de motivation, et a enjoint à la commune de réexaminer la demande de permis de construire et de prendre une nouvelle décision sur le fondement du document d'urbanisme applicable à la date de l'arrêté du 22 mars 2017, dans un délai de trois mois suivant la notification dudit jugement, et a rejeté le surplus des conclusions de la société pétitionnaire. La société civile immobilière Les deux terres fleuries relève appel de ce jugement en tant seulement qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'indemnisation de son préjudice.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Le moyen tiré de ce les premiers juges auraient commis une erreur d'appréciation et une erreur de droit relativement à la date de la réalisation du toit de l'immeuble et à l'applicabilité de la réglementation thermique relève, non de la régularité du jugement attaqué, mais de son bien-fondé et doit être examiné par la Cour à ce seul titre.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Pour rejeter les conclusions de la société civile immobilière Les deux terres fleuries à fin d'indemnisation du préjudice qu'elle allègue avoir subi à raison de l'illégalité de l'arrêté du 22 mars 2017 du maire de la commune de Saint-Sauveur-sur-École, les premiers juges, après avoir considéré que le maire de Saint-Sauveur-sur-École ne pouvait légalement se fonder sur le motif du caractère incomplet du dossier qui lui était présenté pour refuser le permis de construire litigieux, ont estimé qu'il résultait toutefois de l'instruction que le maire de la commune de Saint-Sauveur-sur-École aurait pris la même décision si, d'un part, il n'avait pas entaché l'arrêté du 22 mars 2017 d'une insuffisance de motivation et si, d'autre part, il s'était uniquement fondé sur les motifs tirés de l'application de l'article UX 11 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune, relatif à la configuration des toitures, et de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme, relatif au respect de la réglementation thermique.
En ce qui concerne la légalité de l'arrêté litigieux :
4. Au soutien de ses conclusions à fin indemnitaire, qui reposent sur la responsabilité fautive de la commune dans l'édiction de l'arrêté annulé par les premiers juges, la société civile immobilière Les deux terres fleuries conteste, devant la Cour, le bien-fondé des deux derniers motifs qui, selon le tribunal administratif, auraient en tout été de cause fondé la décision du maire.
5. D'une part, la circonstance qu'une construction existante n'est pas conforme à une ou plusieurs dispositions d'un plan d'occupation des sols régulièrement approuvé ne s'oppose pas, en l'absence de dispositions de ce plan spécialement applicables à la modification des immeubles existants, à la délivrance ultérieure d'un permis de construire s'il s'agit de travaux qui, ou bien doivent rendre l'immeuble plus conforme aux dispositions réglementaires méconnues, ou bien sont étrangers à ces dispositions.
6. D'autre part, si la construction édifiée n'est pas conforme au projet autorisé, le titulaire du permis de construire conserve la faculté de solliciter la délivrance d'un nouveau permis de construire destiné à la régulariser, qui doit porter sur l'ensemble des éléments de la construction qui ont eu pour effet de modifier le bâtiment tel qu'il avait été initialement approuvé et respecter les règles d'urbanisme en vigueur à la date de son octroi.
7. Il ressort des pièces du dossier que le maire de Saint-Sauveur-sur-École a informé la société requérante que le permis de construire qui lui avait été délivré en 2005 était devenu caduc à compter du 16 janvier 2017, faute pour la société d'établir que les travaux entamés pour la mise en oeuvre de ce permis de construire n'auraient pas été interrompus pendant plus d'une année à l'expiration du délai de trois ans suivant la notification dudit permis, conformément à l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme. Il a invité en conséquence la société à déposer une nouvelle demande portant sur l'ensemble du bâtiment, aux fins de régularisation de sa situation, une telle demande pouvant seule permettre à l'autorité municipale de se prononcer sur le projet dans les conditions rappelées au point 6.
8. Aux termes de l'article UX 11 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Saint-Sauveur-sur-École : " 1. Les toitures / 1.1 Les configurations des toitures / Les constructions doivent comporter une toiture dont la pente des versants est comprise entre 22 et 45°. Toutefois, des parties d'édifices peuvent posséder des toits-terrasses à condition que l'aspect offert depuis l'espace public soit celui des toitures à versants ".
9. Comme l'ont relevé les premiers juges, il ressort des pièces du dossier que le bâtiment est intégralement couvert d'un toit-terrasse et qu'ainsi l'aspect offert depuis l'espace public n'est pas celui d'une toiture à versants. Il ne ressort en outre pas de la demande de permis de construire, qui mentionnait une surface de plancher de 706 m2 ainsi qu'une toiture plate sur sa totalité, qu'elle n'aurait porté que sur les seules modifications à apporter à un bâtiment déjà existant aux fins de régulariser sa situation au regard de la réglementation en vigueur, alors qu'au demeurant ni la création de deux puits de lumière ni la pose de bandeaux périphériques en métal, présentés par l'appelante comme faisant seuls l'objet de la demande, n'auraient pu avoir cet effet. En outre, et en tout état de cause, la pose de tels bandeaux périphériques, qui aurait pour effet de rendre encore plus perceptible, depuis l'espace public, l'absence de toiture à versants n'est pas étrangère aux dispositions réglementaires citées au point précédent. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif a jugé que le motif fondé sur la méconnaissance de l'article UX 11 du règlement du plan local d'urbanisme pouvait légalement être retenu par le maire de la commune pour refuser le permis de construire demandé par la société civile immobilière Les deux terres fleuries.
10 Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin pour la Cour de se prononcer sur l'autre moyen par ailleurs retenu par les premiers juges pour regarder l'arrêté litigieux comme illégal, que la société civile immobilière Les deux terres fleuries n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont refusé de regarder comme illégal l'un au moins des motifs retenus par le maire de la commune de de Saint-Sauveur-sur-École pour rejeter sa demande de permis de construire.
En ce qui concerne la responsabilité pour faute de la commune :
11. Dès lors que, comme il a été dit aux points 5 à 10, le projet faisant l'objet de la demande de permis de construire n'était pas légal, la société civile immobilière Les deux terres fleuries n'est pas fondée à demander l'indemnisation du préjudice résultant de l'illégalité, fondée sur sa seule insuffisance de motivation, de l'arrêté municipal qui a rejeté cette demande. Il s'ensuit que les conclusions qui tendent à l'indemnisation du préjudice ainsi allégué doivent être rejetées.
Sur les frais du litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative du code de justice administrative font obstacle à ce que la société civile immobilière Les deux terres fleuries, qui succombe dans la présente instance, en puisse invoquer le bénéfice. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à sa charge le versement d'une somme de 1 500 euros à la commune de Saint-Sauveur-sur-École sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société civile immobilière Les deux terres fleuries est rejetée.
Article 2 : La société civile immobilière Les deux terres fleuries versera à la commune de Saint-Sauveur-sur-École une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Les deux terres fleuries et à la commune de Saint-Sauveur-sur-École.
Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.
Délibéré après l'audience du 19 novembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. B..., président-assesseur,
- M. Gobeill, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 décembre 2020.
Le président,
J. LAPOUZADE
La République mande et ordonne au préfet de Seine-et-Marne, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA03090