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08/12/2020 | FRANCE | N°19PA04023

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 08 décembre 2020, 19PA04023


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés des 20 et 23 septembre 2019 par lesquels le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a, d'une part, obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et ordonné l'interdiction du territoire français pendant une période d'un an et, d'autre part, lui a refusé le séjour au titre de l'asile et l'a maintenu en rétention administrative.

Par un jugement nos 1908467, 1908558 du 5 n

ovembre 2019, le Tribunal administratif de Melun a, d'une part, annulé ses arrêtés, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés des 20 et 23 septembre 2019 par lesquels le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a, d'une part, obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et ordonné l'interdiction du territoire français pendant une période d'un an et, d'autre part, lui a refusé le séjour au titre de l'asile et l'a maintenu en rétention administrative.

Par un jugement nos 1908467, 1908558 du 5 novembre 2019, le Tribunal administratif de Melun a, d'une part, annulé ses arrêtés, d'autre part, enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la situation de M. B..., de son vrai nom M. C..., de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour et de prendre toute mesure propre à mettre fin au signalement de M. B... dans le système d'information Schengen, et enfin, mis la somme de 1 000 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés le 12 décembre 2019 et le 6 janvier 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1908467, 1908558 du 5 novembre 2019 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B..., de son vrai nom M. C... devant le Tribunal administratif de Melun.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas été prise en méconnaissance des articles L. 741-1, L. 743-1 et L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du principe de non refoulement garanti par le paragraphe 1 de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951.

- les autres moyens soulevés en première instance par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique :

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant angolais, né le 3 mars 1994, est arrivé à l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle le 8 septembre 2019 en provenance de Luanda (Angola), muni d'un passeport revêtu d'un visa Schengen de court séjour valable 14 jours du 19 août au 17 septembre 2019, et y a fait l'objet d'un refus d'entrée et d'un placement en zone d'attente régulièrement renouvelé par le juge des libertés et de la détention. L'intéressé a déposé, en zone d'attente, une demande d'asile le 8 septembre 2019. Après avis de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra), par une décision du 12 septembre 2019, le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande d'accès au territoire français formulée au titre de l'asile comme manifestement infondée. M. B... ayant refusé de se présenter à l'embarquement pour un vol à destination de Luanda (Angola) les 16 et 19 septembre 2019, il a été placé à cette date en garde-à-vue. Par arrêté du 20 septembre 2019, le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour pour une durée d'un an. Le même jour, la même autorité l'a placé en rétention administrative. M. B... a ensuite demandé l'asile alors qu'il était en rétention le 23 septembre 2019 et par arrêté du même 23 septembre 2019, le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé l'admission au séjour au titre de l'asile, au motif que cette demande était présentée pour faire échec à son éloignement, et l'a maintenu en rétention administrative. Le préfet de Seine-Saint-Denis fait appel du jugement du 5 novembre 2019 par lequel le Tribunal administratif de Melun a annulé ces arrêtés des 20 et 23 septembre 2019.

2. Aux termes de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l'Etat responsable en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, (...), ou en application d'engagements identiques à ceux prévus par le même règlement, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. / (...) Lorsque l'enregistrement de sa demande d'asile a été effectué, l'étranger se voit remettre une attestation de demande d'asile dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont fixées par décret en Conseil d'Etat. (...) / La délivrance de cette attestation ne peut être refusée au motif que l'étranger est démuni des documents et visas mentionnés à l'article L. 211-1. Elle ne peut être refusée que dans les cas prévus aux 5° et 6° de l'article L. 743-2 (...) ". Aux termes de l'article L. 741-2 de ce code : " Lorsque l'examen de la demande d'asile relève de la compétence de la France, l'étranger introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat. L'autorité administrative compétente informe immédiatement l'office de l'enregistrement de la demande et de la remise de l'attestation de demande d'asile. / L'office ne peut être saisi d'une demande d'asile que si celle-ci a été préalablement enregistrée par l'autorité administrative compétente et si l'attestation de demande d'asile a été remise à l'intéressé ". Aux termes de l'article L. 743-1 de ce même code : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent. ". Aux termes de l'article L. 743-4 du même code : " Sans préjudice des articles L. 556-1 et L. 743-2, lorsque l'étranger sollicitant l'enregistrement d'une demande d'asile a fait l'objet, préalablement à la présentation de sa demande, d'une mesure d'éloignement prise en application du livre V, celle-ci, qui n'est pas abrogée par la délivrance de l'attestation prévue à l'article L. 741-1, ne peut être mise à exécution avant la notification de la décision de l'office, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet, d'irrecevabilité ou de clôture, ou, si un recours est formé devant la Cour nationale du droit d'asile contre une décision de rejet, avant la notification de la décision de la cour ".

3. Aux termes de l'article R. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.- Lorsqu'un étranger, se trouvant à l'intérieur du territoire français, demande à bénéficier de l'asile, l'enregistrement de sa demande relève du préfet de département et, à Paris, du préfet de police. (...) ". Aux termes de l'article R. 741-2 de ce code : " Lorsque l'étranger présente sa demande auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, des services de police ou de gendarmerie ou de l'administration pénitentiaire, la personne est orientée vers l'autorité compétente. Il en est de même lorsque l'étranger a introduit directement sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sans que sa demande ait été préalablement enregistrée par le préfet compétent. Ces autorités fournissent à l'étranger les informations utiles en vue de l'enregistrement de sa demande d'asile. (...) ".

4. Le placement en garde à vue de M. B... ayant eu pour effet de mettre fin à son maintien en zone d'attente, celui-ci est de ce fait entré sur le territoire français, même si la circonstance qu'il avait cessé d'être maintenu en zone d'attente pour les besoins de la procédure judiciaire engagée à son encontre n'a pas eu pour effet de régulariser les conditions de son entrée sur le territoire.

5. Il ressort des dispositions combinées des articles L. 741-1 et R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et de celles des articles L. 741-2, L. 742-1 et L. 743-1 du même code, que lorsqu'un étranger, présent sur le territoire français, formule une demande d'asile, notamment à l'occasion d'une interpellation, l'autorité de police a l'obligation de transmettre cette demande au préfet qui, hormis les cas prévus aux 5° et 6° de l'article L. 743-2 du même code, qui ne sont pas ceux de l'espèce, est tenu de l'enregistrer et de remettre à l'étranger une attestation de demande d'asile valant autorisation provisoire de séjour. Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France bénéficie, sauf dans les cas visés à l'article L. 743-2, du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et, le cas échéant, de celle de la Cour nationale du droit d'asile.

6. En l'espèce il ressort du procès-verbal d'audition de M. B..., de son vrai nom M. C..., établi par les services de police pendant sa garde à vue le 20 septembre 2019 à 0 heure 54, soit antérieurement à la décision d'obligation de quitter le territoire français attaquée, qu'il a déclaré notamment " Je veux absolument rester en France, jusqu'à ma mort, je ne veux pas retourner en Angola, les angolais savent que je suis fils de zaïrois, ils m'ont déjà frappé, et menacé de me tuer si je ne rentrais pas dans mon pays ". Dans les circonstances de l'espèce, par ses déclarations, M. B... doit être regardé comme ayant sollicité à nouveau l'asile, alors qu'il n'était plus retenu à la frontière ni encore placé en rétention administrative. En l'absence de toute disposition en ce sens et contrairement à ce que soutient le préfet de la Seine-Saint-Denis, la circonstance que la demande d'asile présentée par M. B... avant son entrée irrégulière sur le territoire français ait été rejetée par le ministre de l'intérieur ne l'autorisait pas à refuser d'enregistrer la demande d'asile qui lui était présentée par l'intéressé après son entrée sur le territoire. En outre, en l'absence de décision d'irrecevabilité prise par l'OFPRA, le préfet de la Seine-Saint-Denis ne saurait en tout état de cause utilement se prévaloir de ce que la demande de M. B... n'aurait été présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Melun a accueilli, en se fondant sur les dispositions précitées, le moyen tiré de ce que M. B... devait être regardé comme ayant sollicité l'asile avant que ne soit prononcée une obligation de quitter le territoire français à son encontre, et a en conséquence annulé cette obligation de quitter le territoire français et les décisions en découlant prises le 20 septembre 2019, ainsi que, par voie de conséquence, les décisions du 23 septembre 2019 lui refusant l'admission au séjour et le maintenant en détention administrative, fondées sur le fait qu'il n'avait présenté de demande d'asile que postérieurement à son placement en rétention.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a annulé ses arrêtés des 20 et 23 septembre 2019.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la Seine-Saint-Denis est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B..., de son vrai nom M. C....

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 24 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme A..., président assesseur,

- M. Aggiouri, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 décembre 2020.

Le rapporteur,

P. A...Le président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19PA04023 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA04023
Date de la décision : 08/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-01-02 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Légalité externe. Motivation.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-12-08;19pa04023 ?
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