La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/12/2020 | FRANCE | N°20PA02196

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 01 décembre 2020, 20PA02196


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 21 août 2019 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1922400 du 27 janvier 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 7 août 2020, M. D..., représenté par Me Pi

erot, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 21 août 2019 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1922400 du 27 janvier 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 7 août 2020, M. D..., représenté par Me Pierot, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 21 août 2019 ;

3°) de faire droit à sa demande d'aide juridictionnelle ;

4°) d'enjoindre au préfet de police, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt, de lui délivrer une attestation de demande d'asile ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. D... soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire, prise avant que sa demande d'aide juridictionnelle en vue d'un recours auprès de la Cour nationale du droit d'asile ait été examinée, méconnaît les dispositions de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- cette décision est entachée d'une erreur de fait dès lors que le préfet de police a retenu à tort que son recours devant la Cour nationale du droit d'asile était tardif, sans tenir compte de sa demande d'aide juridictionnelle formée avant l'expiration du délai de recours ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire ;

- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire enregistré le 20 octobre 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 22 juin 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Bernier a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., de nationalité afghane entré en France le 1er avril 2018, selon ses déclarations, a présenté une demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 31 mai 2019. Par un arrêté en date du 21 août 2019, le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. D... relève appel du jugement du 27 janvier 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tenant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 , à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ". Aux termes de l'article L. 743-1 du même code : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent ". Aux termes de l'article L. 731-2 du même code : " La Cour nationale du droit d'asile statue sur les recours formés contre les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides prises en application des articles L. 711-1 à L. 711-4, L. 711-6, L. 712-1 à L. 712-3, L. 713-1 à L. 713-4, L. 723-1 à L. 723-8, L. 723-11, L. 723-15 et L. 723-16. A peine d'irrecevabilité, ces recours doivent être exercés dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision de l'office, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 9-4 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée : " Devant la Cour nationale du droit d'asile, le bénéfice de l'aide juridictionnelle est de plein droit, sauf si le recours est manifestement irrecevable. L'aide juridictionnelle est sollicitée dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Lorsqu'une demande d'aide juridictionnelle est adressée au bureau d'aide juridictionnelle de la cour, le délai prévu au premier alinéa de l'article L. 731-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est suspendu et un nouveau délai court, pour la durée restante, à compter de la notification de la décision relative à l'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Ces délais sont notifiés avec la décision de l'office. Le bureau d'aide juridictionnelle de la cour s'efforce de notifier sa décision dans un délai de quinze jours suivant l'enregistrement de la demande ".

4. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de la décision du bureau d'aide juridictionnelle près la CNDA du 18 octobre 2019, versée pour la première fois en appel par M. D..., que sa demande d'aide juridictionnelle déposée pour former un recours contre la décision de l'OFPRA du 31 mai 2019 rejetant sa demande d'asile a été enregistrée par le secrétariat du bureau d'aide juridictionnelle le 24 juin 2019, soit dans le délai de quinze jours courant, en vertu des dispositions précitées de la loi du 10 juillet 1991, à compter du

20 juin 2019, date à laquelle il a reçu la notification de la décision rejetant sa demande d'asile. Le délai de recours contre la décision de l'OFPRA du 31 mai 2019 n'a recommencé à courir qu'à compter de la notification de la décision du bureau d'aide juridictionnelle près la CNDA du

18 octobre 2019, soit postérieurement à l'arrêté en litige. Par suite, le préfet de police, qui s'est fondé sur les dispositions du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour prononcer une obligation de quitter le territoire à l'encontre de M. D..., alors qu'à la date de cette décision la demande d'asile de l'intéressé n'avait pas fait l'objet d'un rejet définitif, a commis une erreur de fait.

5. L'illégalité de la décision par laquelle le préfet de police a fait obligation de quitter le territoire à M. D... entache d'illégalité, par voie de conséquence, la décision fixant le pays de destination.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 août 2019.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ". Aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 513-4, L. 551-1,

L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas (...) ".

8. Le présent arrêt qui annule une mesure d'éloignement implique nécessairement qu'il soit enjoint au préfet police de délivrer à M. D... une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'asile ait statué sur son recours.

Sur les conclusions aux fins d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser au conseil de M. D... sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que le conseil de M. D... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1922400 du 27 janvier 2020 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du préfet de police du 21 août 2019 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à M. D... une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'Etat versera au conseil de M. D... une somme de 1 200 euros, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Pierot renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D..., au ministre de l'intérieur et au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 3 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- M. Bernier, président assesseur,

- Mme Jayer, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2020.

Le rapporteur,

Ch. BernierLe président,

M. Bouleau

Le greffier,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 10PA03855

2

N° 20PA02196


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA02196
Date de la décision : 01/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: M. Christian BERNIER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : PIEROT

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-12-01;20pa02196 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award