Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Média Diffusion a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle l'Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés (Agefiph) a rejeté sa demande de remboursement à raison d'un trop-perçu correspondant à une partie de sa contribution versée, au titre des années 2015 et 2016, dans le cadre de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés ; d'enjoindre à l'Agefiph, à titre principal, de lui rembourser le trop-perçu de 41 966,87 euros au titre de la contribution de l'année 2015 et celui de 31 166,41 euros au titre de la contribution de l'année 2016, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande de remboursement, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement.
Par un jugement n° 1820096 du 23 octobre 2019, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision implicite par laquelle l'Agefiph a rejeté la demande de la société Média Diffusion en vue d'obtenir le remboursement des sommes de 41 966,87 euros et de 31 166,41 euros, à raison d'un trop-perçu sur la contribution versée au titre des années 2015 et 2016 pour répondre à son obligation d'emploi des travailleurs handicapés, a renvoyé la société Média Diffusion devant l'Agefiph afin que celle-ci procède au calcul de la contribution prévue par l'article L. 5212-9 du code du travail due au titre des années 2015 et 2016, sans appliquer le coefficient multiplicateur et lui rembourse le trop-perçu résultant de la différence entre les montants ainsi calculés et les sommes acquittées pour les années 2015 et 2016.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 décembre 2019, et des mémoires, enregistrés le
10 juin et le 21 août 2020, l'Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés (Agefiph), représentée par Me Comte, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1820096 du 23 octobre 2019 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande de la société Média Diffusion ;
3°) de mettre à la charge de la société Média Diffusion la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- dès lors que le législateur a voulu favoriser l'emploi des personnes en situation de handicap, pour le calcul du montant des contrats pris en compte pour le déclenchement du seuil de la sur-contribution, les dispositions des articles R. 5212-1 et suivants du code du travail
-notamment celles de l'article R. 5212-6- contenues dans la même sous-section que l'article
D. 5212-5-1 et relatives aux modalités de détermination du nombre d'équivalents bénéficiaires de l'obligation d'emploi, s'appliquent ; il en résulte que les coûts des matières premières, des produits, des matériaux, de la sous-traitance, des consommations intermédiaires et des frais de vente et de commercialisation doivent être déduits du montant des contrats de fournitures, sous-traitance, ou de prestations de service ; une telle déduction est désormais prévue par le nouvel article L. 5212-10-1 et le nouvel article D. 5212-22 du code du travail ;
- ceci est très exactement repris dans le document du 14 décembre 2012 commentant le décret du 1er août 2012, intitulé " Questions-réponses " relatives à la mise en oeuvre du décret n°2012-943 du 1er août 2012 relatif au montant minimum des contrats de sous-traitance conclus par des entreprises assujetties à l'obligation d'emploi de travailleurs handicapés (OETH), soit une foire aux questions et des lignes directrices, distinctes d'une circulaire, opposables aux administrés au sens de la jurisprudence du Conseil d'Etat, sans que soient opposables les dispositions du code des relations entre le public et l'administration, entrées en vigueur postérieurement à la décision attaquée ;
- faute pour la société Média Diffusion d'avoir respecté son obligation d'emploi de travailleurs handicapés pour les années 2015 et 2016, c'est à juste titre qu'elle a sollicité le versement d'une sur-contribution de 41 966,87 euros au titre de l'année 2015 et de 31 166,41 euros pour 2016, en application des dispositions de l'article D. 5212-5-1 du code du travail.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 11 mai et le 7 juillet 2020, la société Média Diffusion, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 3 000 euros soit mis à la charge de l'Agefiph au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 29 septembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au
13 octobre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de Mme Pena, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Média Diffusion, assujettie à l'obligation d'emploi prévue par l'article L. 5212-4 du code du travail, a versé à ce titre pour l'année 2015 la somme de 15 260,55 euros. A la suite d'un contrôle, le 28 juin 2016, l'Agefiph lui a adressé un courrier lui demandant de verser une contribution supplémentaire de 41 966,87 euros, faute pour elle d'avoir respecté ses obligations au titre de l'obligation d'emploi de travailleurs handicapés au sens de l'article
L. 5212-10 du code du travail. La société Média Diffusion a formé un recours contre cette décision devant le tribunal administratif de Paris qui l'a rejeté comme irrecevable, par un jugement du 4 juillet 2018. Elle s'est acquittée du complément de la contribution réclamée et a versé en conséquence la somme totale de 57 227,55 euros pour la contribution de l'année 2015. Pour l'année 2016, elle a versé la somme de 11 333,24 euros puis celle de 31 166,41 euros, soit montant un total de 42 499,24 euros. Sa demande du 26 juillet 2018 de restitution de trop-perçus (41 966,87 euros pour 2015 et 31 166,41 euros pour 2016) a été implicitement rejetée. Par le jugement du 23 octobre 2019 dont il est fait appel, le tribunal administratif de Paris a annulé cette décision et a renvoyé la société Média Diffusion devant l'Agefiph afin que celle-ci procède au calcul de la contribution prévue par l'article L. 5212-9 du code du travail due au titre des années 2015 et 2016, sans appliquer le coefficient multiplicateur et qu'elle lui rembourse le trop-perçu résultant de la différence entre les montants ainsi calculés et les sommes acquittées pour les années 2015 et 2016.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 5212-2 du code du travail dans sa rédaction alors en vigueur : " Tout employeur emploie, dans la proportion de 6 % de l'effectif total de ses salariés, à temps plein ou à temps partiel, des travailleurs handicapés, mutilés de guerre et assimilés, mentionnés à l'article L. 5212-13 ". Aux termes de l'article L. 5212-6 du même code : " L'employeur peut s'acquitter partiellement de l'obligation d'emploi en passant des contrats de fourniture, de sous-traitance ou de prestations de services avec : 1° Soit des entreprises adaptées ; 2° Soit des centres de distribution de travail à domicile ; 3° Soit des établissements ou services d'aide par le travail (...) / Cet acquittement partiel est proportionnel au volume de travail fourni à ces ateliers, centres, établissements, services ou travailleurs indépendants (...) / Les modalités et les limites de cet acquittement partiel sont déterminées par voie réglementaire ". Aux termes de l'article L. 5212-9 de ce code : " L'employeur peut s'acquitter de l'obligation d'emploi en versant au fonds de développement pour l'insertion professionnelle des handicapés prévu à l'article L. 5214-1 une contribution annuelle pour chacun des bénéficiaires de l'obligation qu'il aurait dû employer (...) ". Selon l'article L. 5212-10 du code du travail dans sa version alors applicable : " Les modalités de calcul de la contribution annuelle, qui ne peut excéder la limite de 600 fois le salaire horaire minimum de croissance par bénéficiaire non employé, sont déterminées par décret. / Pour les entreprises qui n'ont occupé aucun bénéficiaire de l'obligation d'emploi, n'ont passé aucun contrat prévu à l'article L. 5212-6 d'un montant supérieur à un montant fixé par décret ou n'appliquent aucun accord collectif mentionné à l'article L. 5212-8 pendant une période supérieure à trois ans, la limite de la contribution est portée, dans des conditions définies par décret, à 1 500 fois le salaire horaire minimum de croissance ". L'article D. 5212-5-1 du même code en vigueur à la date de la décision attaquée disposait que : " Pour l'application de l'article L. 5212-10, le montant hors taxes des contrats de fournitures, de sous-traitance ou de services mentionnés à l'article L. 5212-6 doit être supérieur, sur quatre ans, à : / 1° 400 fois le salaire horaire minimum de croissance dans les entreprises de 20 à 199 salariés (...) ". En vertu du premier alinéa de l'article R. 5212-6 de ce code en vigueur à la date de la décision attaquée : " Le nombre d'équivalents bénéficiaires de l'obligation d'emploi au titre de la passation de contrats prévus à l'article R. 5212-5 est égal au quotient obtenu en divisant le prix hors taxes des fournitures, travaux ou prestations figurant au contrat, déduction faite des coûts des matières premières, produits, matériaux, consommations et des frais de vente, par deux mille fois le salaire horaire minimum de croissance en vigueur au
31 décembre de l'année d'assujettissement à l'obligation d'emploi ".
3. D'une part, il résulte des dispositions précitées de l'article L. 5212-6 du code du travail que l'employeur soumis à l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés peut s'acquitter partiellement de cette obligation en concluant des contrats de fournitures, de sous-traitance ou de prestations de services avec des entreprises et établissements assurant l'insertion professionnelle de personnes handicapées et qu'il peut également s'acquitter de son obligation en versant la contribution annuelle prévue par l'article L. 5212-9, laquelle vient, le cas échéant, en complément des contrats précités. L'article R. 5212-6 du même code pris pour son application dispose que, pour le calcul du nombre d'équivalents bénéficiaires de l'obligation d'emploi au titre de la passation de tels contrats, il convient de retenir le prix hors taxes des fournitures, travaux ou prestations figurant au contrat, déduction faite des coûts des matières premières, produits, matériaux, consommations et des frais de vente. D'autre part, en vertu des dispositions précitées de l'article L. 5212-10 du même code, les modalités de calcul de la contribution annuelle sont déterminées par l'article D. 5212-5-1 du code du travail, lequel ne dispose en revanche pas que, pour le calcul de la contribution annuelle, il convient de déduire du prix hors taxes des fournitures, travaux ou prestations figurant au contrat, les coûts des matières premières, produits, matériaux, consommations et des frais de vente.
4. Contrairement à ce que soutient l'Agefiph, alors même que l'article L. 5212-10 du code du travail dispose expressément que les modalités de calcul de la contribution annuelle sont déterminées par décret et non selon les mêmes modalités que celles prévues par l'article
L. 5212-6, il ne résulte pas des termes des dispositions précitées de l'article D. 5212-5-1 du code du travail alors applicables, que la déduction des coûts des matières premières, produits, matériaux, consommations et des frais de vente devait être effectuée pour le calcul de la contribution annuelle, à l'instar de celui du nombre d'équivalents bénéficiaires de l'obligation d'emploi au titre de la passation de contrats, avec toutes conséquences de droit quant à l'application, le cas échéant, du coefficient multiplicateur majoré.
5. C'est en conséquence à bon droit que les premiers juges ont considéré que, pour calculer les contributions de la société Média Diffusion pour les années 2015 et 2016, l'Agefiph ne pouvait retenir le coefficient de 1 500 fois le salaire horaire minimum de croissance par bénéficiaire non employé, au motif que le montant des contrats de fournitures était, sur quatre années, inférieur au seuil fixé par l'article D. 5212-5-1 du code du travail à 400 fois le salaire horaire minimum de croissance, après avoir calculé le montant des contrats en retenant le prix hors taxes des fournitures, déduction faite des coûts des matières premières, produits, matériaux, consommations et des frais de vente.
6. Pour faire échec aux dispositions susvisées, l'association ne saurait, par ailleurs, se prévaloir des dispositions, postérieures, des articles L. 5212-10-1 du code du travail issu de la loi du 5 septembre 2018 et D. 5212-22 du même code du travail issu d'un décret du 27 mai 2019. Elle ne saurait davantage se fonder sur la lettre " questions-réponses " de la déléguée générale à l'emploi et à la formation professionnelle du 14 décembre 2012, dépourvue de compétence réglementaire, qui, à la question " à quoi correspond le montant hors taxes des contrats mentionné dans le décret ' ", se borne à répondre que " le décret du 1er août 2012 n'a pas modifié les articles R.5212-6 et R.5212·7 du code du travail qui précisent les modalités de calcul des contrats de fournitures, de sous-traitance ou de prestations de services et que, pour ces contrats, il convient de prendre en compte le prix hors taxes des fournitures, travaux ou prestations figurant au contrat, déduction faite des coûts des matières premières, produits, matériaux, consommations et des frais de vente ", soit un mode de calcul contraire aux dispositions précitées des articles L. 5212-10 et D. 5212-5-1 du code du travail.
7. Il résulte de ce qui précède que l'Agefiph n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision implicite par laquelle elle a rejeté la demande de la société Média Diffusion en vue d'obtenir le remboursement des sommes de 41 966,87 euros et de 31 166,41 euros.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société Média Diffusion, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à l'Agefiph la somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Agefiph la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Média Diffusion et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés est rejetée.
Article 2 : L'Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés versera à la société Média Diffusion une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la société Média Diffusion et à l'Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés.
Délibéré après l'audience publique du 3 novembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. B..., premier vice-président,
- M. Bernier, président assesseur,
- Mme A..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2020.
Le rapporteur,
M-D... A... Le président,
M. B...
Le greffier,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne à la ministre du travail, en ce qui la concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
5
N° 10PA03855
2
N° 19PA04016