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24/11/2020 | FRANCE | N°19PA02741

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 24 novembre 2020, 19PA02741


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 30 mars 2018 par lequel le préfet de police a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1814358/5-1 du 20 décembre 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistr

s le 16 août et le 23 octobre 2019, Mme D..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 30 mars 2018 par lequel le préfet de police a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1814358/5-1 du 20 décembre 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés le 16 août et le 23 octobre 2019, Mme D..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1814358/5-1 du 20 décembre 2018 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 30 mars 2018 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de la munir d'une autorisation de travail durant cet examen, le tout dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

La décision de refus de renouvellement de titre de séjour :

- est insuffisamment motivée ;

- est entachée d'un défaut d'examen sérieux et particulier ;

- méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

La décision portant obligation de quitter le territoire français :

- est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour ;

- méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

La décision fixant le pays de destination :

- est insuffisamment motivée ;

- est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation à quitter le territoire français ;

- méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mai 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre du refus de titre de séjour et qu'aucun des moyens de la requête n'est en tout état de cause fondé.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 18 juin 2019, notifiée le 19 juillet 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990,

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- le code des relations entre le public et l'administration,

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991,

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... D..., ressortissante congolaise (RDC), née le 30 juin 1989, entrée en France le 3 octobre 2010 selon ses déclarations, a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par l'arrêté attaqué du 30 mars 2018, le préfet de police a refusé de lui délivrer le titre de séjour demandé, l'a obligée à quitter le territoire dans le délai d'un mois et a fixé le pays de renvoi. Mme D... fait appel du jugement du 20 décembre 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les moyens communs aux décisions contenues dans l'arrêté attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

3. L'arrêté contesté vise les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que l'ensemble des articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatifs à la situation de Mme D.... Il mentionne qu'il ne porte pas atteinte à sa vie privée et familiale. La décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte. Ainsi, l'arrêté, qui n'avait pas, au demeurant, à faire état de l'ensemble des éléments caractérisant la situation de l'intéressée, comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est suffisamment motivé. Dès lors, le moyen fondé sur l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration doit être écarté.

4. En second lieu, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen complet et personnel de la situation de Mme D....

Sur la décision de refus de renouvellement de titre de séjour :

5. En premier lieu, aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit :11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Chaque année, un rapport présente au Parlement l'activité réalisée au titre du présent 11° par le service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ainsi que les données générales en matière de santé publique recueillies dans ce cadre ".

6. Pour refuser à Mme D... le renouvellement de son titre de séjour temporaire, le préfet de police s'est approprié le contenu de l'avis émis le 19 novembre 2017 par le collège des médecins de l'OFII selon lequel, si l'état de santé de Mme D... nécessite une prise en charge médicale, son défaut ne devrait toutefois pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et elle peut voyager sans risque vers son pays d'origine. Pour contester ce motif retenu par le préfet, Mme D... fait valoir qu'elle souffre de troubles psychopathologiques, associés à un syndrome de stress-post traumatique avec une réaction dépressive prolongée, dont la prise en charge et l'accès effectif aux soins ne sont pas garantis dans son pays d'origine. Elle invoque les attestations émanant du docteur Bessan, médecin généraliste au centre Primo Lévi, selon lequel elle est suivie par le centre depuis mars 2012, son état est stabilisé, son pays d'origine ne compterait que dix psychologues, la santé mentale serait mal connue des Congolais, et les médicaments seraient rares et chers, sans assortir ces diverses considérations générales de précisions. Elle invoque également les certificats émanant du docteur Delale, psychiatre du groupe médical des Linandes, dont le plus récent date de 2016, selon lequel elle souffre d'un stress post-traumatique et son traitement composé de tercan, seroplex, laroxyl, paroxetine et atarax n'existe pas dans son pays d'origine. Ces certificats ne permettent pas de contredire l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII selon lequel le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, le préfet de police n'a pas méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. En deuxième lieu, la requérante ne soutient pas utilement que la décision attaquée méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ressort des pièces du dossier qu'elle n'a pas présenté de demande sur ce fondement, que le préfet de police n'est pas tenu d'examiner d'office.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... est entrée sur le territoire français le 3 octobre 2010, selon ses déclarations. Après le rejet de sa demande d'admission au statut de réfugié par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 2 septembre 2011, confirmé par la Cour nationale du droit d'asile le 27 juin 2012, elle a fait l'objet le 8 août 2012 d'un arrêté de refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français. En dépit de cette décision, elle s'est maintenue sur le territoire français en se prévalant de son état de santé. Elle a travaillé dans une crèche comme agent en contrat à durée indéterminée à compter de mai 2015, d'abord à temps partiel puis à temps complet. Si elle a donné naissance, le 30 octobre 2018, à une fille, dont la paternité n'est pas invoquée au bénéfice de son séjour régulier en France, elle a deux autres enfants mineurs dans son pays d'origine. Dans ces conditions, la décision contestée n'a pas méconnu les stipulations précitées et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

10. Enfin, aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Toutefois, compte tenu de ce qui a été développé précédemment, le préfet de police n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

11. En premier lieu, la décision de refus de titre de séjour n'étant pas illégale, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée à l'appui des conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écartée.

12. En second lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ". Ainsi qu'il a été indiqué précédemment, il n'est pas établi que le défaut de prise en charge médicale de Mme D... pourrait avoir pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

13. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas illégale, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée à l'appui des conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination doit être écartée.

14. En second lieu, Mme D... soutient que la décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il y aurait pour elle un risque de décompensation, et de réactivation de l'état de stress post-traumatique en cas de retour dans le pays d'origine. Toutefois, il n'est pas établi que l'intéressée serait personnellement exposée à un tel risque en cas de retour en RDC. Dans ces conditions, le moyen est écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 10 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, président assesseur,

- M. C..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 novembre 2020.

Le rapporteur,

A. C...Le président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19PA02741 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA02741
Date de la décision : 24/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-01-02 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Légalité externe. Motivation.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. Alexandre SEGRETAIN
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : BOZIZE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-11-24;19pa02741 ?
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