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19/11/2020 | FRANCE | N°19PA03654

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 19 novembre 2020, 19PA03654


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... C...-G... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 21 novembre 2017 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a refusé de faire droit à sa demande de changement de son nom en " C... ", ensemble la décision du même ministre en date du 29 mars 2018 rejetant son recours gracieux contre ladite décision.

Par un jugement n° 1808130 du 19 septembre 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par

une requête enregistrée le 19 novembre 2019, M. F... C...-G..., représenté par Me A... (E...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... C...-G... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 21 novembre 2017 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a refusé de faire droit à sa demande de changement de son nom en " C... ", ensemble la décision du même ministre en date du 29 mars 2018 rejetant son recours gracieux contre ladite décision.

Par un jugement n° 1808130 du 19 septembre 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 19 novembre 2019, M. F... C...-G..., représenté par Me A... (E..., Para, Triquet-Dumoulon et Lorin) demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1808130 du 19 septembre 2019 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 21 novembre 2017 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a refusé de faire droit à sa demande de changement de son nom en " C... ", ensemble la décision du même ministre en date du 29 mars 2018 rejetant son recours gracieux contre ladite décision ;

3°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice de modifier le nom de l'intéressé dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, comme insuffisamment motivé, faute d'avoir répondu au moyen tiré de ce qu'il a porté durant les 25 premières années de sa vie le nom qu'il sollicite ;

- il justifie d'un motif d'ordre affectif caractérisant un intérêt légitime à changer de nom, eu égard aux circonstances exceptionnelles suivantes : l'impossibilité de conserver son nom à l'époque de son adoption simple ; la détérioration des relations avec son père biologique qui vit le changement de nom de son fils, comme une forme de désaveu de paternité ; l'appui de son beau-père adoptant qui s'associe à sa démarche ; la différence de sa situation de celle de sa soeur qui, mariée, porte désormais le nom de son époux ; la différence de son patronyme et celui de son fils ;

- le nom sollicité est menacé d'extinction ;

- il a porté de manière continue le nom sollicité jusqu'à l'âge de 25 ans.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 juillet 2019, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. F... C...-G..., né en 1982, a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 21 novembre 2017 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a refusé de faire droit à sa demande de changement de son nom en " C... ", ensemble la décision du même ministre en date du 29 mars 2018 rejetant son recours gracieux contre ladite décision. Par un jugement du 19 septembre 2019 dont l'intéressé relève appel devant la Cour, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de ces deux décisions.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. M. C... soutient que le jugement attaqué est insuffisamment motivé, pour n'avoir pas répondu au moyen tiré de qu'il justifie de l'usage prolongé du nom faisant l'objet de sa demande au garde des sceaux, ministre de la justice.

3. Toutefois, en se bornant à exposer devant les premiers juges la simple circonstance qu'il " a porté durant les 25 premières années de sa vie et la majeure partie de celle-ci " son nom de naissance, le requérant ne peut être regardé comme ayant soulevé un moyen de droit auquel le tribunal administratif aurait été tenu de répondre alors même, au demeurant et comme le relève le garde des sceaux, ministre de la justice en défense, qu'il n'aurait pu utilement le soulever, faute d'avoir initialement invoqué devant l'administration le motif fondé sur l'usage prolongé du nom sollicité. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué ne peut donc qu'être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. D'une part, aux termes de l'article 61 du code civil : " Toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut demander à changer de nom. / La demande de changement de nom peut avoir pour objet d'éviter l'extinction du nom porté par un ascendant ou un collatéral du demandeur jusqu'au quatrième degré. / Le changement de nom est autorisé par décret ". Des motifs d'ordre affectif peuvent, dans des circonstances exceptionnelles, caractériser l'intérêt légitime requis par l'article 61 du code civil pour déroger aux principes de dévolution et de fixité du nom établis par la loi.

5. D'autre part, aux termes de l'article 363 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date à laquelle a été prononcée, par un jugement du tribunal de grande instance de Grenoble du 4 juin 2007, l'adoption simple du requérant : " L'adoption simple confère le nom de l'adoptant à l'adopté en l'ajoutant au nom de ce dernier. Le tribunal peut, toutefois, à la demande de l'adoptant, décider que l'adopté ne portera que le nom de l'adoptant. Cette demande peut également être formée postérieurement à l'adoption. Si l'adopté est âgé de plus de treize ans, son consentement personnel à cette substitution de patronyme est nécessaire ". Si l'adoption simple entraîne l'adjonction du nom de l'adoptant à celui de l'adopté, elle ne saurait en elle-même faire obstacle à l'exercice du droit, reconnu par l'article 61 précité du code civil à toute personne qui justifie d'un intérêt légitime, à demander à changer de nom.

6. En premier lieu, le requérant expose que, ayant fait l'objet d'une adoption simple par son beau-père en 2007 alors qu'il avait 25 ans, il justifie d'un motif d'ordre affectif caractérisant un intérêt légitime à changer de nom, au sens des dispositions citées au point 4, eu égard aux circonstances exceptionnelles constituées par l'impossibilité de conserver son nom à l'époque de son adoption simple, par la détérioration des relations avec son père biologique qui ressentirait le changement de nom de son fils, comme une forme de désaveu de sa paternité, par l'appui de son beau-père qui s'associe à sa démarche de changement de nom, par la différence de sa situation de celle de sa soeur qui, mariée, porte désormais le nom de son époux et par la différence de son patronyme et celui de son fils.

7. Toutefois, de première part, la détérioration alléguée des relations du requérant avec son père, qui résulterait du changement de son nom en 2007, n'est établie par aucune pièce du dossier. De deuxième part, ni l'impossibilité dans laquelle il s'est trouvé, eu égard à la législation alors en vigueur, de conserver son nom de naissance à l'époque de son adoption simple, ni l'appui apporté à sa démarche par son beau-père ne constituent des circonstances exceptionnelles caractérisant l'intérêt légitime au sens des dispositions de l'article 61 du code civil. De troisième part, le requérant ne peut pas sérieusement soutenir que relèverait de telles circonstances la prétendue différence de patronyme entre lui-même et sa soeur, née en 1981, résultant du mariage de cette dernière, alors que le mariage est sans effet sur le nom des époux, qui peuvent seulement utiliser le nom de leur conjoint à titre de nom d'usage en application des dispositions de l'article 225-1 du code civil aux termes duquel : " Chacun des époux peut porter, à titre d'usage, le nom de l'autre époux, par substitution ou adjonction à son propre nom dans l'ordre qu'il choisit. " Enfin, de quatrième et dernière part, le requérant ne peut davantage sérieusement prétendre que relèveraient de pareilles circonstances les difficultés administratives résultant de la déclaration à l'état civil, sous le seul nom de " C... ", de son fils B..., né en 2012, dès lors qu'il ne justifie pas avoir entamé les démarches nécessaires en vue de mettre fin à cette discordance de patronyme, et qu'il ne prétend même pas qu'elle ne résulterait pas de ses propres agissements.

8. En deuxième lieu, et comme il a déjà été dit au point 3, le requérant ne peut utilement soulever devant la Cour le moyen tiré l'usage prolongé du nom sollicité, faute d'avoir initialement invoqué, devant l'administration le motif fondé sur l'usage prolongé du nom sollicité.

9. En troisième lieu, un nom ne peut être regardé comme menacé d'extinction au sens des dispositions précitées du deuxième alinéa de l'article 61 du code civil, alors que comme en l'espèce, il est déjà porté, depuis sa naissance, par celui-là même qui invoque le bénéfice de ces dispositions et qu'il peut en tout état de cause être transmis à ses héritiers.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...-G... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a, par le jugement attaqué, rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions ministérielles contestées. Les conclusions de sa requête doivent tendant à l'annulation de ce jugement et de ces décisions doivent donc être rejetée, ainsi que, par voie de conséquence, celles qui tendent au prononcé d'injonction et celles fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'État n'étant pas la partie perdante dans la présente instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Jean-Christophe C...-G... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Jean-Christophe C...-G... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 22 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. D..., président-assesseur,

- M. Gobeill, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 19 novembre 2020.

Le rapporteur,

S. D...Le président,

J. LAPOUZADE Le greffier,

A. LOUNIS

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA03654


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19PA03654
Date de la décision : 19/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

26-01-03 Droits civils et individuels. État des personnes. Changement de nom patronymique.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Stéphane DIEMERT
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : BENICHOU PARA TRIQUET- DUMOULIN LORIN BARON- AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-11-19;19pa03654 ?
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