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19/11/2020 | FRANCE | N°19PA03000

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 19 novembre 2020, 19PA03000


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 18 septembre 2019, la société par actions simplifiée (SAS) Dispontault, représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 22 août 2019 par lequel le maire de la commune de Pontault-Combault a accordé un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale à la société Lidl ;

2°) de mettre à la charge de " tous succombants " la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'offr

e de proximité, qui est déjà très dense, ne sera pas renforcée par le projet ;

- le confort d'a...

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 18 septembre 2019, la société par actions simplifiée (SAS) Dispontault, représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 22 août 2019 par lequel le maire de la commune de Pontault-Combault a accordé un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale à la société Lidl ;

2°) de mettre à la charge de " tous succombants " la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'offre de proximité, qui est déjà très dense, ne sera pas renforcée par le projet ;

- le confort d'achat des consommateurs ne sera pas amélioré du fait de l'éloignement du magasin des zones d'habitat les plus proches ;

- la qualité paysagère du projet n'est pas établie ;

- la décision n'est pas de nature à redynamiser la zone commerciale ;

- le projet aggravera l'asphyxie des accès au centre commercial ;

- la décision méconnait les dispositions de l'article L. 111-19 du code de l'urbanisme et de l'article L. 752-6 du code de commerce en ce que la compacité alléguée du projet est fondée sur un ratio erroné.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 décembre 2019, la société en nom collectif (SNC) Lidl, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la SAS Dispontault la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable, faute pour la société requérante d'établir qu'elle a intérêt à agir et d'avoir régulièrement saisi la commission nationale d'aménagement commercial ;

- les moyens ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 septembre 2020, la commune de Pontault-Combault, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la SAS Dispontault la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable, faute pour la société requérante d'établir qu'elle a régulièrement notifié au demandeur du permis de construire la saisine de la commission nationale d'aménagement commercial ;

- les moyens ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de commerce ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteur public,

- les observations du Me Heral, avocat de la commune de Pontault-Combault,

- et les observations de Me Schoellkopf, avocat de la société Lidl.

Considérant ce qui suit :

1. La SNC Lidl a déposé une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale auprès du maire de Pontault-Combault pour la création d'un supermarché d'une surface de vente de 1 691,10 m2. La commission départementale d'aménagement commercial de la Seine-et-Marne a donné un avis favorable le 9 avril 2019 et la Commission nationale d'aménagement commercial a rejeté le recours formé contre cet avis le 18juillet 2019. Par une décision du 22 août 2019 dont la société SAS Dispontault demande l'annulation, le maire de Pontault-Combault a accordé le permis de construire.

Sur les conclusions à fin d'annulation, et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir soulevées en défense :

2. Aux termes de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d'autorisation dès lors que la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial (...) ". Aux termes de l'article L. 750-1 du code de commerce : " Les implantations, extensions, transferts d'activités existantes et changements de secteur d'activité d'entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu'au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine. / Dans le cadre d'une concurrence loyale, ils doivent également contribuer à la modernisation des équipements commerciaux, à leur adaptation à l'évolution des modes de consommation et des techniques de commercialisation, au confort d'achat du consommateur et à l'amélioration des conditions de travail des salariés ". Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce : " I.-L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme. / La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / e) La contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre ; / f) Les coûts indirects supportés par la collectivité en matière notamment d'infrastructures et de transports ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique et des émissions de gaz à effet de serre par anticipation du bilan prévu aux 1° et 2° du I de l'article L. 229-25 du code de l'environnement, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; / c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. / Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés au 2° de l'article L. 752-1 ; 3° En matière de protection des consommateurs : / a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; / b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; / c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; / d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs. (...) ". Aux termes de l'article L. 752-1 du même code : " Sont soumis à une autorisation d'exploitation commerciale les projets ayant pour objet : (...) / 2° L'extension de la surface de vente d'un magasin de commerce de détail ayant déjà atteint le seuil des 1 000 mètres carrés ou devant le dépasser par la réalisation du projet. Est considérée comme une extension l'utilisation supplémentaire de tout espace couvert ou non, fixe ou mobile, et qui n'entrerait pas dans le cadre de l'article L. 310-2 ; ".

3. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet aux objectifs définis à l'article L. 750-1 du code de commerce précité, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du même code. L'autorisation d'exploitation commerciale ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi.

4. Pour considérer que le projet répondait aux critères énoncés à l'article L. 752-6 précité, la Commission nationale d'aménagement commercial a relevé que le projet participait à la dynamisation de la zone commerciale " Les 4 Chênes " et à la résorption d'une friche industrielle peu valorisante en entrée de ville, que le projet accompagnait l'évolution démographique de la zone de chalandise, que son insertion architecturale et paysagère n'appelait pas d'objections et qu'il visait l'amélioration du confort d'achat de la clientèle et qu'il participait au renforcement de l'offre de proximité pour les nouveaux quartiers.

5. Si la SAS Dispontault soutient que l'offre de proximité, qui est déjà très dense, ne sera pas renforcée par l'implantation de ce magasin, il est constant cependant, ainsi qu'elle le reconnait elle-même dans ses écritures, que depuis l'entrée en vigueur de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, la densité d'équipement commercial de la zone de chalandise concernée ne figure plus au nombre des critères à prendre en compte par la Commission nationale d'aménagement commercial.

6. Si la société requérante soutient que le confort d'achat des consommateurs ne sera pas amélioré du fait de l'éloignement du magasin des zones d'habitat les plus proches, elle n'assortit son allégation d'aucun élément probant alors qu'il ressort, d'une part, des motifs de l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial, que le projet participe au renforcement de l'offre de proximité pour les nouveaux quartiers d'habitation environnants et d'autre part, des mentions non contestées du dossier de présentation du projet, que le futur site sera accessible en voiture, à bicyclette, à pied et par les transports en commun.

7. Si la société requérante soutient que la friche industrielle qu'est censé résorber le projet n'existe plus et qu'il est permis, s'agissant de qualité paysagère, de " sérieusement s'interroger sur ce qui est le plus qualitatif, soit un terrain nu soit l'arrière d'un magasin Lidl ", ce moyen, formulé sur le mode interrogatif, n'est pas assorti de précisions permettant d'en apprécier la portée. En tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'implantation du magasin porterait atteinte à la qualité des paysages, en particulier le terrain d'implantation est situé dans le prolongement immédiat de la zone commerciale déjà construite, est libre de toute construction et ne supporte pas une végétation conséquente.

8. Si la société requérante soutient que la décision n'est pas de nature à redynamiser la zone commerciale des Quatre-Chênes, dont les difficultés actuelles sont liées à d'autres motifs que la perte d'intérêt de sa clientèle ou que la vétusté du centre commercial, notamment sa distance par rapport aux zones urbanisées, son suréquipement en surfaces à vocation alimentaire et les difficultés d'accès liée à la saturation des accès routiers, il ne ressort, en tout état de cause, pas des pièces du dossier que la Commission aurait inexactement apprécié les faits en considérant que l'implantation du magasin Lidl, moderne et située à proximité d'une zone d'habitation, serait de nature à apporter un surcroît de dynamisme à la zone commerciale.

9. Si la société requérante soutient que le projet aggravera l'asphyxie des accès au centre commercial, il ressort des mentions non contestées du dossier de présentation, en ce qui concerne la voie correspondant au Chemin des Quatre Chênes, que la capacité de cette dernière imposera un temps d'attente moyen de 142 secondes pour s'insérer dans le rond-point aux heures de pointe en soirée, en particulier le vendredi soir, une telle attente n'apparaît pas excessive, les trois autres branches du rond-point ne subissant quant à elles pas de modification de leur fonctionnement.

10. Si la société requérante soutient que le projet prévoit un parking qui, du fait de son importance méconnait les dispositions de l'article L. 752-6 précité, la requérante, en se bornant à produire la reproduction d'un plan, n'assortit pas son moyen des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. En tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que seraient méconnues les dispositions de l'article L. 752-6 aux termes desquelles doivent être prises en considération " : " 1° En matière d'aménagement du territoire (...) b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ".

11. Aux termes de l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'il est saisi par une personne mentionnée à l'article L. 752-17 du code de commerce d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l'article L. 425-4 du présent code, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l'annulation de ce permis qu'en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. Les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu'il vaut autorisation de construire sont irrecevables à l'appui de telles conclusions. ". Aux termes de l'article L. 111-19 du même code : " Nonobstant toute disposition contraire du plan local d'urbanisme, l'emprise au sol des surfaces, bâties ou non, affectées aux aires de stationnement annexes d'un commerce soumis à l'autorisation d'exploitation commerciale prévue aux 1° et 4° du I de l'article L. 752-1 du code de commerce et à l'autorisation prévue au 1° de l'article L. 212-7 du code du cinéma et de l'image animée, ne peut excéder un plafond correspondant aux trois quarts de la surface de plancher des bâtiments affectés au commerce. Les espaces paysagers en pleine terre, les surfaces des aménagements relevant de l'article L. 3114-1 du code des transports, les surfaces réservées à l'auto-partage et les places de stationnement destinées à l'alimentation des véhicules électriques ou hybrides rechargeables sont déduits de l'emprise au sol des surfaces affectées au stationnement. La surface des places de stationnement non imperméabilisées compte pour la moitié de leur surface. ".

12. Il résulte des dispositions du premier alinéa de l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme que, lorsque le juge est saisi par un professionnel dont l'activité est susceptible d'être affectée par un projet d'aménagement commercial d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l'article L. 425-4 du même code, les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu'il vaut autorisation de construire sont irrecevables. La société requérante, qui fait du reste valoir que les dispositions de l'article L. 111-19 précité ne peuvent être invoquées devant la Commission nationale d'aménagement commercial mais que cette dernière peut cependant en faire application, ne peut ainsi utilement invoquer ces dispositions.

13. Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation présentées par la SAS Dispontault doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SNC Lidl, qui n'est pas la partie perdante, la somme que demande la SAS Dispontault au titre des frais liés à l'instance. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la SAS Dispontault une somme de 1 500 euros à verser à la SNC Lidl ainsi qu'une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Pontault-Combault sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Dispontault est rejetée.

Article 2 : La SAS Dispontault versera à la SNC Lidl une somme de 1 500 euros et la même somme à la commune de Pontaut-Combaut au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Dispontault, à la SNC Lidl et à la commune de Pontault-Combault.

Délibéré après l'audience du 22 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président,

- M. Diémert, président-assesseur,

- M. B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 novembre 2020.

Le rapporteur,

J.-F. B...Le président,

J. LAPOUZADE

La greffière,

A. LOUNIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de présente décision.

2

N° 19PA03000


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19PA03000
Date de la décision : 19/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Jean-François GOBEILL
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : SCP COURRECH ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-11-19;19pa03000 ?
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