Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme D... B... ont demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge de la pénalité pour manquement délibéré à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2012.
Par un jugement n° 1608402/3 du 8 novembre 2018, le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et deux mémoires enregistrés les 8 janvier, 24 février et 29 mars 2019, M. et Mme B..., représentés par Me E... A..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Melun du 8 novembre 2018 ;
2°) de prononcer la décharge des pénalités contestées devant ce tribunal ainsi que des intérêts de retard mis à leur charge ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la loi et la doctrine référencée BOI-CF-INF-10-20-20, n°40, 12 septembre 2012 exigent l'accomplissement conscient d'une infraction ;
- ils ont spontanément régularisé leur situation dès réception de la demande d'information ;
- la doctrine administrative référencée BOI-CF-INF-20-10-10 précise qu'une déclaration est considérée comme spontanée lorsqu'elle est souscrite avant l'engagement par l'administration d'une procédure contraignante et que ne constitue pas l'engagement d'une procédure administrative contraignante la réception par le contribuable d'une demande d'information ;
- en l'absence de déclaration, la doctrine administrative référencée BOI-CF-NF-10-20-30-10 et 20 considère que la pénalité pour manquement délibéré de l'article 1729 du CGI n'est pas applicable ;
- le manquement délibéré ne peut résulter de la seule qualité de dirigeant de l'intéressé ;
- l'absence de déclaration de la plus-value réalisée en 2012 résulte d'une simple méconnaissance des dispositions de l'article 150-0 A-III-7 du code général des impôts ;
- le 3° de l'article 150-0 A, III-7 du code général des impôts qui pose la condition de ne pas avoir détenu plus de 25% des droits dans les bénéfices de la société et des droits de vote a été soumis au Conseil constitutionnel par le Conseil d'Etat ;
- les manquements ne sont ni fréquents ni répétés ;
- la formation et la profession de M. B... n'impliquent aucune connaissance fiscale ;
- la présence du conseil fiscal est sans incidence ;
- la décharge des pénalités pour manquement délibéré a été accordée à l'associé de
M. B... par le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;
- le décompte des intérêts de retard doit s'arrêter à la date de la déclaration, la majoration de l'article 1729 du code général des impôts ayant été appliquée à tort ;
- la doctrine référencée BOI-CF-INF-10-10-20, n°120 prévoit qu'en cas de déclaration rectificative, le décompte de l'intérêt de retard s'arrête à la fin du mois de la déclaration.
Par un mémoire en défense enregistré le 21 mars 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme B... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 1er avril 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au
16 avril 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. A l'occasion d'une vérification de comptabilité de la SA Conix Services, l'administration fiscale a été informée de la cession, le 4 juillet 2012, à cette société, de titres que M. et Mme B..., ainsi que leurs trois enfants mineurs, possédaient au sein de la SAS R2M Partners. Après avoir relevé l'absence de déclaration de plus-value dans la déclaration de revenus souscrite par les requérants au titre de l'année 2012, l'administration fiscale a saisi ces derniers d'une demande de renseignements en date du 18 décembre 2014. Le 26 février 2015,
M. et Mme B... ont reconnu l'existence de cette omission et ont fait figurer les revenus en cause dans une déclaration rectificative. Par une proposition de rectification du 18 juin 2015, ils se sont vus notifier une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et de contributions sociales de 256 094 euros, majorée de 24 489 euros d'intérêts de retard et d'une pénalité pour manquement délibéré de 102 438 euros. M. et Mme B... relèvent appel du jugement du Tribunal administratif de Melun du 8 novembre 2018 qui a rejeté leur demande en décharge de cette pénalité. Ils demandent en outre la décharge de l'intérêt de retard dont ont été assorties les impositions supplémentaires qui leur ont été assignées.
Sur la majoration prévue à l'article 1729 du code général des impôts :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
2. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".
3. La majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts sanctionne la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir le manquement délibéré, l'administration fiscale doit apporter la preuve de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations du contribuable, et son intention délibérée d'éluder l'impôt.
4. Il résulte de l'instruction que la déclaration de revenu global déposée par les requérants au titre de l'année 2012 ne mentionnait pas le montant de la plus-value de 648 338 euros réalisée à l'occasion de la cession, le 4 juillet 2012, pour un montant de 1 016 624 euros, des parts que M. et Mme B... et leurs trois enfants mineurs possédaient au sein de la SAS R2M Partners, et n'était pas davantage accompagnée d'une déclaration spéciale de plus-value modèle 2074 reprenant ce montant. M. B... était fondateur et dirigeant-associé de la société R2M Partners depuis sa création le 2 janvier 2006 et a été conseillé dans l'organisation de la fusion/absorption de la société R2M Partners par la SA Conix Services. En raison de ses diplômes de MBA International Business et de DEA en sciences de Gestion Finances, ainsi que de ses fonctions de responsable du pôle " risk management " au sein du groupe Conix Services auprès des institutionnels du secteur banque et assurance, M. B..., contrairement à ce qu'il soutient, avait nécessairement connaissance des obligations déclaratives entourant la réalisation d'une plus-value de cession de titres. Il résulte au demeurant de l'instruction qu'il avait sollicité les conseils d'un avocat fiscaliste. Le requérant ne saurait utilement soutenir qu'il a cru pouvoir bénéficier de l'exonération applicable aux jeunes entreprises innovantes, en application des dispositions de l'article 150-0 A du code général des impôts, alors qu'à défaut d'avoir déclaré la plus-value litigieuse, il n'a pas été en mesure d'exercer l'option expresse prévue par le 7. du III de cet article, qui constitue une condition du bénéfice de cette exonération. D'ailleurs, M. B... ne remplissait manifestement pas la condition posée par les dispositions du III-7.3 dudit article de ne pas avoir détenu directement ou indirectement avec son conjoint, ses ascendants ou descendants plus de 25% des droits dans les bénéfices de la société et des droits de vote. Par ailleurs, aucun élément du dossier ne permet de constater que l'intéressé entendait se prévaloir de l'inconstitutionnalité de ces dispositions. La déclaration de revenu global souscrite par les requérants ayant comporté, ainsi qu'il a été dit, des bases insuffisantes, les intéressés ne sauraient se prévaloir de l'absence de déclaration annexe pour faire valoir qu'en l'absence de déclaration, la pénalité pour manquement délibéré de l'article 1729 du code général des impôts n'est pas applicable. La circonstance qu'une déclaration ait été déposée à la suite d'une demande d'information qui n'aurait pas eu de caractère contraignant n'est pas de nature à faire douter de l'intention délibérée des requérants d'éluder l'impôt à la date de leur déclaration initiale. Ainsi, et alors même que les manquements reprochés aux intéressés ne sont ni fréquents ni répétés, l'administration fiscale doit être regardée comme ayant apporté la preuve du manquement délibéré des intéressés. Ces derniers ne sauraient utilement invoquer un jugement concernant un autre contribuable, dans lequel, au demeurant, le juge a porté une appréciation sur une situation de fait qui n'était pas nécessairement identique.
En ce qui concerne l'interprétation de la loi fiscale :
5. En premier lieu, la doctrine référencée BOI-CF-INF-10-20-20, en ce qu'elle exige l'accomplissement conscient d'une infraction, et la doctrine référencée BOI-CF-INF-10-20-30, qui indique qu'en l'absence de déclaration la pénalité pour manquement délibéré de l'article 1729 du code général des impôts n'est pas applicable ne font pas de la loi fiscale une interprétation différente de ce qui précède.
6. En second lieu, M. et Mme B... se prévalent de la doctrine administrative référencée BOI-CF-INF-20-10-10 qui dispenserait de la majoration prévue à l'article 1758 A du code général des impôts les contribuables ayant spontanément régularisé leur déclaration avant l'engagement de toute procédure contraignante, et font valoir qu'une simple demande d'information ne constitue pas une procédure contraignante. Cette doctrine administrative, qui ne concerne pas la mise en oeuvre des dispositions de l'article 1729 du code général des impôts, ne saurait par suite être invoquée dans la présente espèce sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.
Sur l'intérêt de retard :
7. Aux termes du 4. de l'article 1727 du code général des impôts : " Lorsqu'il est fait application de l'article 1729, le décompte de l'intérêt de retard est arrêté au dernier jour du mois de la proposition de rectification ou, en cas d'échelonnement des impositions supplémentaires, du mois au cours duquel le rôle doit être mis en recouvrement ". Il résulte de l'ensemble de ce qui vient d'être dit que la majoration de l'article 1729 du code général des impôts a été appliquée à bon droit. Le moyen tiré de ce que le décompte des intérêts de retard doit s'arrêter à la date de la déclaration, cette majoration de l'article 1729 du code général des impôts ayant été appliquée à tort, ne peut qu'être écarté.
8. Toutefois, M. et Mme B... se prévalent, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la doctrine administrative référencée BOI-CF-INF-10-10-20, n°120 aux termes de laquelle " En cas de dépôt d'une déclaration rectificative, et notamment d'une déclaration de régularisation mentionnée au V de l'article 1727 du CGI ou déposée dans le cadre de la procédure prévue à l'article L. 62 du LPF, l'intérêt de retard est arrêté à la fin du mois du dépôt de cette déclaration ". Or, il est constant que M. et Mme B... ont déposé le 28 février 2015 une déclaration rectificative mentionnant la plus-value en cause. Il convient donc d'arrêter le décompte de l'intérêt de retard à la fin du mois de février 2015.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... sont seulement fondés à demander à ce que l'intérêt de retard mis à leur charge au titre de l'impôt sur le revenu de l'année 2012 soit décompté jusqu'à la fin du mois de février 2015 et la décharge de la différence entre les pénalités auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2012 et celles qui résultent d'un tel décompte. Pour le surplus, ils ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : L'intérêt de retard mis à la charge de M. et Mme B... au titre de l'impôt sur le revenu de l'année 2012 sera décompté jusqu'à la fin du mois de février 2015.
Article 2 : M et Mme B... sont déchargés de la différence entre l'intérêt de retard qui leur a été appliqué et celui qui résulte du décompte indiqué à l'article 1er.
Article 3 : Le jugement n° 1608402/3 du 8 novembre 2018 du Tribunal administratif de Melun est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus de la requête de M. et Mme B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal
d'Ile-de-France.
Délibéré après l'audience du 4 novembre 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- M. C..., premier conseiller,
- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller,
Lu en audience publique le 18 novembre 2020.
Le rapporteur,
F. C...Le président,
I. BROTONS
Le greffier,
I. BEDR
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA00074