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13/11/2020 | FRANCE | N°20PA01512

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 13 novembre 2020, 20PA01512


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... I... G... A... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 12 juin 2018 par lequel la préfète de Seine-et-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1807642 du 13 mars 2020, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 23 juin 2020,

le 15 juillet 2020, et des pièces complémentaires enregistrées le 5 octobre 2020, Mme G... A..., r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... I... G... A... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 12 juin 2018 par lequel la préfète de Seine-et-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1807642 du 13 mars 2020, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 23 juin 2020, le 15 juillet 2020, et des pièces complémentaires enregistrées le 5 octobre 2020, Mme G... A..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1807642 du 13 mars 2020 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 juin 2018 par laquelle la préfète de Seine-et-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de procéder au réexamen de sa demande à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 120 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté contesté méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 7ème et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 121-1 et de l'article R. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les dispositions de l'article 10 du règlement (UE) n° 492/2011 du 5 avril 2011 ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juillet 2020, le préfet de Seine-et-Marne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Mme G... A... a présenté une nouvelle pièce complémentaire enregistrée le 7 octobre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive n° 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;

- le règlement (UE) n° 4982/2011 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,

- et les observations de Me C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme H... I... G... A..., ressortissante cap-verdienne née le 24 décembre 1981, est entrée en France le 1er juin 2016 selon ses déclarations. Elle a présenté une demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le 17 mars 2017. Par un arrêté du 12 juin 2018, la préfète de Seine-et-Marne a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme G... A... relève appel du jugement du 13 mars 2020 par lequel le Tribunal administratif de Melun a refusé de faire droit à sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si Mme G... A... soutient, d'une part, que le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, il ressort du jugement attaqué que les juges de première instance ont suffisamment répondu, aux points 6 et 4 de leur jugement, au moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant. D'autre part, il ne ressort pas de ses écritures de première instance que la requérante aurait soulevé le moyen tiré de la violation de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le jugement attaqué n'est pas davantage entaché d'une insuffisance de motivation sur ce point.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ". Et aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme G... A... est présente en France depuis l'année 2016 et qu'elle est mère de trois enfants, nés en 2008, 2012 et 2017, dont les deux aînés sont scolarisés depuis 2016. Si elle soutient qu'elle vit maritalement avec M. D... B..., ressortissant cap verdien qui est le père de sa fille née en 2017, elle ne l'établit pas. Elle n'établit pas davantage être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de trente-quatre ans. Enfin, au regard du jeune âge des enfants de Mme G... A..., de la faible durée de leur scolarisation en France et de l'absence d'obstacle à la reconstitution de la cellule familiale dans le pays d'origine de l'intéressée, où ils pourront être scolarisés, elle n'est pas fondée à soutenir qu'en prenant la décision litigieuse, la préfète de Seine-et-Marne aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 ".

6. La circonstance que les enfants de Mme G... soient ressortissants de l'Union européenne n'est pas constitutive d'un motif exceptionnel ni ne relève d'une considération humanitaire, au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Mme G... n'est donc pas fondée à soutenir qu'en prenant la décision contestée, le préfet aurait méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précitées.

7. En troisième lieu, si Mme G... soutient que l'arrêté contesté méconnaît les dispositions de l'article L. 121-1 et R. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est constant qu'elle a présenté une demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du même code. Dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir qu'en prenant l'arrêté attaqué, la préfète de Seine-et-Marne aurait méconnu les dispositions qu'elle invoque.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 12 du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil

du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la communauté, auquel s'est substitué l'article 10 du règlement n° 492/2011 du 5 avril 2011 entré en vigueur le 16 juin 2011 : " Les enfants d'un ressortissant d'un Etat membre qui est ou a été employé sur le territoire d'un autre Etat membre sont admis aux cours d'enseignement général, d'apprentissage et de formation professionnelle dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet Etat, si ces enfants résident sur son territoire. / Les Etats membres encouragent les initiatives permettant à ces enfants de suivre les cours précités dans les meilleurs conditions ".

9. Il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne à la lumière de l'exigence du respect de la vie familiale prévu à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans ses deux décisions du 23 février 2010 (C-310/08 et C-480/08), qu'un ressortissant de l'Union européenne ayant exercé une activité professionnelle sur le territoire d'un Etat membre ainsi que le membre de sa famille qui a la garde de l'enfant de ce travailleur migrant peut se prévaloir d'un droit au séjour sur le seul fondement de l'article 10 du règlement du 5 avril 2011, à la condition que cet enfant poursuive une scolarité dans cet Etat, sans que ce droit soit conditionné par l'existence de ressources suffisantes. Pour bénéficier de ce droit, il suffit que l'enfant qui poursuit des études dans l'État membre d'accueil se soit installé dans ce dernier alors que l'un de ses parents y exerçait des droits de séjour en tant que travailleur migrant, le droit d'accès de l'enfant à l'enseignement ne dépendant pas, en outre, du maintien de la qualité de travailleur migrant du parent concerné. En conséquence, et conformément à ce qu'a jugé la Cour de justice dans sa décision du 17 septembre 2002 (C-413/99, § 73), refuser l'octroi d'une autorisation de séjour au parent qui garde effectivement l'enfant exerçant son droit de poursuivre sa scolarité dans l'Etat membre d'accueil est de nature à porter atteinte à son droit au respect de sa vie familiale.

10. Si la requérante soutient que le père de ses deux enfants nés en 2008 et 2012, est de nationalité espagnole, elle ne rapporte pas la preuve que celui-ci aurait bénéficié de titres de séjour en tant que travailleur migrant en France, Etat où sont scolarisés les deux enfants. Ainsi, Mme G... A... n'établit pas remplir les conditions fixées par les dispositions de l'article 10 du règlement (UE) n° 492/2011 précitées pour se voir délivrer un titre de séjour en qualité de membre de la famille qui a la garde des enfants d'un travailleur migrant.

11. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

12. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du jugement de divorce de Mme G... A..., que la garde des enfants lui a été confiée, et que son ex-mari, M. I... J..., père de deux de ses enfants, vit en Espagne, pays dont il a la nationalité, et dispose seulement d'un droit d'hébergement pendant les vacances scolaires d'été et de Noël. Ainsi, rien ne s'oppose à ce que les enfants continuent de voir leur père, avec qui ils ne résident pas, en cas de retour au Cap-Vert. En outre, ainsi qu'il a été dit précédemment, au regard de leur jeune âge et de la faible durée de leur présence en France, rien ne s'oppose à ce qu'ils poursuivent leur scolarité dans leur pays d'origine. De même, si Mme G... A... a donné naissance à une fille en 2017, le père de cet enfant, dont elle n'établit pas qu'il participe à son entretien et à son éducation, est de nationalité cap verdienne et il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ne pourrait pas suivre sa compagne et leur fille au Cap-Vert. Dans ces conditions, la préfète de Seine-et-Marne n'a pas méconnu l'intérêt supérieur des enfants de la requérante en prenant l'arrêté attaqué.

13. En sixième et dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 4 et 12, l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme G... A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme G... A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme H... I... G... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.

Délibéré après l'audience du 9 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme E..., présidente,

- M. Mantz, premier conseiller,

- Mme Portes, premier conseiller.

Lu en audience publique le 13 novembre 2020.

La présidente-rapporteure

M. E...L'assesseur le plus ancien,

P. MANTZ

Le greffier,

A. BENZERGUA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA01512


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA01512
Date de la décision : 13/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme JULLIARD
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : NGELEKA

Origine de la décision
Date de l'import : 24/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-11-13;20pa01512 ?
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