Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 21 février 2019 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de renvoi.
Par un jugement n° 1920407/5-3 du 18 décembre 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées les 20 janvier 2020 et 10 mars 2020, M. D..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1920407/5-3 du 18 décembre 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 février 2019 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il justifie de circonstances exceptionnelles permettant son admission au séjour à raison de son travail dès lors qu'il dispose d'un contrat de travail et qu'il justifie d'une ancienneté de travail et d'une présence continue depuis 2013 ;
- le préfet de police ne pouvait pas fonder son refus de titre de séjour sur la seule absence d'autorisation de travail ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale dès lors qu'elle se fonde sur une décision de refus de titre de séjour elle-même illégale ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 août 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Mach, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant camerounais né le 16 février 1980, déclare être entré en France le 1er janvier 2013. Il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le 17 octobre 2018. Par un arrêté du 21 février 2019, le préfet de police a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. D... relève appel du jugement du 18 décembre 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
2. M. D... reprend en appel le moyen qu'il avait soulevé en première instance et tiré de l'insuffisance de motivation de la décision portant refus de titre de séjour. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
3. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ".
4. En présence d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée sur le fondement de l'article L. 313-14, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifie d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si cette promesse d'embauche ou ce contrat de travail, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
5. Il résulte des termes de la décision attaquée que, pour refuser le titre de séjour sollicité, le préfet de police s'est fondé sur l'avis défavorable émis par la DIRECCTE le 6 avril 2018, sur la circonstance qu'un contrat de travail ne constitue pas à lui seul un motif exceptionnel ainsi que sur la situation de l'intéressé, appréciée au regard de son expérience et de ses qualifications professionnelles. Par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police s'est fondé sur la seule absence d'une autorisation de travail et a, pour ce motif, entaché sa décision d'une erreur de droit.
6. Si M. D... se prévaut d'une promesse d'embauche établie par la société Edistra Services le 21 décembre 2017, confirmée les 9 octobre 2018 et 12 novembre 2019, pour exercer des fonctions d'agent logistique, d'une ancienneté de travail de trente mois en qualité de manutentionnaire et d'une ancienneté de séjour de six ans à la date de la décision attaquée, ces éléments ne constituent pas, eu égard notamment à la nature de son expérience et de ses qualifications professionnelles, un motif exceptionnel de nature à justifier son admission exceptionnelle au séjour. Par ailleurs, les énonciations de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne constituant pas des lignes directrices dont les intéressés peuvent utilement se prévaloir devant le juge, M. D... ne peut soutenir qu'il remplit les conditions de l'admission exceptionnelle au séjour. Dans ces conditions, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police a entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation en estimant que sa situation ne répondait pas à des considérations humanitaires ou à des motifs exceptionnels justifiant son admission au séjour au titre de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. I1 ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. M. D..., qui déclare être entré en France le 1er janvier 2013, se prévaut de son intégration professionnelle ainsi que de la présence de sa soeur. Il ressort des pièces du dossier que l'intéressé est célibataire et sans enfant. S'il soutient que ses parents sont décédés, il n'établit pas être dans l'impossibilité de poursuivre sa vie privée et familiale dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-trois ans. S'il soutient que sa soeur est atteinte d'une maladie neurologique nécessitant sa présence, le certificat médical établi par un neurologue le 2 décembre 2015 ainsi que le certificat médical établi par un médecin généraliste, le 12 mars 2019, postérieurement à la décision attaquée, ne sont pas suffisamment circonstanciés et ne permettent pas d'établir le caractère indispensable de sa présence. Dans ces conditions, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que la décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 8, M. D... n'est pas davantage fondé à soutenir que la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. Il résulte des motifs qui précèdent que M. D... n'est pas fondé à invoquer, par voie d'exception à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour.
11. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
12. En se bornant à soutenir qu'eu égard à ses attaches en France, il ne pourra poursuivre dans son pays d'origine une vie sociale et familiale normale, M. D... n'apporte aucun élément de nature à établir qu'un retour au Cameroun l'exposerait à un risque de subir des traitements inhumains et dégradants dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 30 octobre 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme A..., président de chambre,
- M. Mantz, premier conseiller,
- Mme Mach, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 novembre 2020.
Le rapporteur,
A-S MACHLe président,
M. A...Le greffier,
S. GASPAR
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA00222