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13/11/2020 | FRANCE | N°19PA01856

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 13 novembre 2020, 19PA01856


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société LCBA Résines a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner la Régie autonome des transports parisiens à lui verser une somme de 1 252 828 euros en réparation des préjudices subis dans le cadre du marché de travaux de réfection de la bande de visualisation des nez de quais pour l'ensemble des stations des lignes 2 et 5 du métropolitain en Ile-de-France, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation.

Par un jugement n° 1800320/3-3 du 9 avril 2019, le Trib

unal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société LCBA Résines a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner la Régie autonome des transports parisiens à lui verser une somme de 1 252 828 euros en réparation des préjudices subis dans le cadre du marché de travaux de réfection de la bande de visualisation des nez de quais pour l'ensemble des stations des lignes 2 et 5 du métropolitain en Ile-de-France, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation.

Par un jugement n° 1800320/3-3 du 9 avril 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, des mémoires et des pièces complémentaires, enregistrés les 7 juin 2019, 30 octobre 2019, 14 septembre 2020 et 8 octobre 2020, la société LGS, représentée par Me C..., demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement n° 1800320/3-3 du 9 avril 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

2°) de condamner la Régie autonome des transports parisiens à lui verser une somme de 850 313,15 euros HT en réparation des préjudices résultant de la résiliation du marché du 19 mai 2011 et une somme de 14 422,50 euros HT au titre du solde du marché, assortie des intérêts au taux légal avec capitalisation ;

3°) de mettre à la charge de la Régie autonome des transports parisiens le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal n'a pas répondu à son argumentation selon laquelle le litige concernait un différend autre que celui relatif au décompte général et définitif au sens de l'article 50 du CCAG applicable au marché ;

- la demande indemnitaire présentée sur le fondement de la responsabilité contractuelle est recevable dès lors que le litige porte sur un différend autre que la contestation du décompte général et définitif au sens de l'article 50 du CCAG applicable au marché ;

- le caractère irrégulier et injustifié de la résiliation est de nature à ouvrir droit à l'indemnisation du titulaire du marché ;

- la résiliation est injustifiée dès lors que la glissance du revêtement, qui est le principal motif de la décision, n'est pas généralisée ;

- le maître d'ouvrage a procédé à une mise à disposition tardive des quais occasionnant des difficultés pour réaliser les travaux dans le respect des délais contractuels ;

- le maître d'ouvrage a commis des erreurs dans les documents contractuels quant à la différence d'altimétrie et la nature des supports ;

- le maître d'ouvrage a manqué à ses obligations de suivi de l'exécution du marché en méconnaissant les stipulations de l'article 3-6 du CCTP en ne procédant pas au constat des points d'arrêts ;

- la RATP a commis une erreur de fondement juridique dans la décision de résiliation ;

- la décision de résiliation est intervenue avant l'expiration du délai de la mise en demeure du 17 mai 2011 ;

- la RATP n'a pas respecté le délai de 24 heures prévues par l'article 49-3 du CCAG applicable au marché ;

- la résiliation a entraîné un préjudice commercial et financier évalué à 600 000 euros ;

- elle peut prétendre à la réparation de son manque à gagner correspondant au bénéfice net du marché évalué à 185 890,65 euros et au solde du marché de 14 422,50 euros ;

- elle a subi un préjudice moral évalué à 50 000 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 13 mars 2020, 8 octobre 2020, 18 octobre 2020 et 25 octobre 2020, la Régie autonome des transports parisiens, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société LGS une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable en l'absence de production de la lettre de notification du jugement attaqué ;

- la demande de paiement du solde du marché est une demande nouvelle en appel ;

- les autres moyens présentés par la société LGS ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mach, premier conseiller,

- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,

- les observations de Me Jouanin, avocat de la société LGS,

- et les observations de Me Gatti, avocat de la Régie autonome des transports parisiens.

Considérant ce qui suit :

1. La Régie autonome des transports parisiens (RATP) a confié le marché de travaux de réfection de la bande de visualisation des nez de quais pour l'ensemble de stations des lignes 2 et 5 du métropolitain affecté au transport public des voyageurs d'Ile-de-France à la société LCBA Résines pour un montant de 430 000 euros, la durée totale des travaux étant fixée à quatorze semaines à compter du 26 avril 2011. La RATP a prononcé le 19 mai 2011 la résiliation du marché, sans indemnité, aux torts de la société au regard des manquements constatés. La société LCBA Résines a contesté par courrier du 8 juillet 2011 le décompte général et définitif transmis le 21 juin 2011. Par courrier du 25 octobre 2016, la société LCBA Résines a présenté une demande indemnitaire au titre de l'exécution du marché et de la résiliation du marché. Cette demande a été rejetée par courriel du 2 mars 2017. La société LCBA Résines a présenté deux nouvelles demandes indemnitaires par courriers du 7 avril 2017 et du 25 septembre 2017, qui ont été implicitement rejetées. La société LGS, anciennement dénommée société LCBA Résines, relève appel du jugement du 9 avril 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant au versement d'une somme au titre de l'exécution du marché et en réparation des préjudices subis à la suite de la résiliation du marché.

Sur les fins de non-recevoir opposées par la Régie autonome des transports parisiens :

2. En application des dispositions combinées des articles R. 412-1 et R. 811-13 du code de justice administrative, les requêtes d'appel doivent, à peine d'irrecevabilité, être accompagnées d'une copie du jugement attaqué et non d'une copie de la lettre de notification du jugement attaqué. Le défaut de production de la copie de la lettre de notification du jugement est sans incidence sur la recevabilité de la requête. La requête de la société LGS enregistrée au greffe de la Cour le 7 juin 2019 était accompagnée d'une copie du jugement attaqué. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la Régie autonome des transports parisiens et tirée du défaut de production de cette lettre ne peut être qu'écartée.

3. La société LGS a notamment demandé au tribunal de condamner la Régie autonome des transports parisiens à lui verser une somme de 172 828 euros correspondant à des pertes subies au titre de l'exécution du marché et a ainsi recherché la responsabilité contractuelle de l'établissement. Si la société LGS doit être regardée comme ayant renoncé en appel aux conclusions ainsi présentées devant les premiers juges, elle demande pour la première fois en appel que la Régie autonome des transports parisiens soit condamnée à lui verser la somme de 14 422,50 euros en paiement du solde du marché. Ces conclusions, qui demeurent dans la limite du montant de l'indemnité chiffrée en première instance et sont fondées sur la même cause juridique que celle sur laquelle était fondée les conclusions de première instance, ne constituent pas une demande nouvelle irrecevable devant le juge d'appel.

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

5. D'une part, le point 6 du jugement attaqué indique les motifs pour lesquels le tribunal a estimé que les conclusions tendant au versement d'une somme de 172 828 euros étaient afférentes à des préjudices se rapportant à l'exécution du marché et a fait application des délais de forclusion prévus par les stipulations de l'article 50 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux de la Régie autonome des transports parisiens. D'autre part, le tribunal a rejeté les conclusions afférentes aux préjudices nés de la résiliation du marché sans faire droit à la fin de non-recevoir opposée par la Régie autonome des transports parisiens et tirée de leur forclusion. Le tribunal a ainsi suffisamment répondu aux arguments avancés par la société LGS pour contester l'irrecevabilité de sa requête, notamment sur la nature du différend au sens de l'article 50 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux de la Régie autonome des transports parisiens. Par suite, le tribunal n'a pas entaché son jugement d'une insuffisance de motivation.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :

6. Aux termes de l'article 46 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux de la Régie autonome des transports parisiens : " 46-1. Il peut être mis fin à l'exécution des travaux faisant l'objet du marché avant l'achèvement de ceux-ci par une décision de résiliation du marché qui en fixe la date d'effet. / Le règlement du marché est fait alors selon les modalités prévues aux articles 13-3 et 13-4 sous réserve des autres stipulations du présent article. / Sauf dans les cas de résiliation prévus aux articles 47 et 49, l'entrepreneur peut être indemnisé, s'il y a lieu, du préjudice qu'il subit du fait de cette décision. Il doit, à cet effet, présenter, à peine de forclusion, une demande écrite à l'attention du maître d'oeuvre dûment justifiée, dans le délai de quarante-cinq jours compté à partir de la notification du décompte général et définitif. (...) ". Aux termes de l'article 49 du même cahier : " 49-1. (...) lorsque l'entrepreneur ne se conforme pas aux dispositions du marché (...), le représentant du maître d'ouvrage le met en demeure d'y satisfaire dans un délai déterminé, par une décision qui lui est notifiée par écrit. (...). 49-2 - Passé ce délai, (...) Le représentant du maître d'ouvrage peut également prononcer la résiliation, sans indemnité, du marché, en assortissant cette décision d'une clause résolutoire, prévoyant la prise en charge par l'entrepreneur défaillant des conséquences onéreuses de cette procédure (...) ".

7. Si, en application des stipulations ci-dessus rappelées du cahier des clauses administratives générales, l'entrepreneur ne peut solliciter, au titre de ses relations contractuelles avec l'administration, l'indemnisation du préjudice qu'il a subi du fait de la résiliation à ses frais et risques du marché qui lui avait été attribué, il lui est néanmoins possible, dans l'hypothèse où cette décision serait irrégulière et injustifiée, d'obtenir réparation du tort que lui aurait ainsi causé la faute commise par l'administration. Il résulte toutefois des termes de la troisième phrase de l'article 46-1 du cahier des clauses administratives générales que la procédure d'indemnisation qu'elle prévoit n'est pas applicable dans le cas de résiliation du marché aux frais et risques de l'entrepreneur, visé par l'article 49 du même cahier.

8. Il est constant que la résiliation du marché en date du 19 mai 2011 a été prononcée sans indemnité aux frais et risques de la société LGS. La Régie autonome des transports parisiens ne saurait opposer à la société appelante la forclusion des conclusions de première instance tendant à la réparation des préjudices subis du fait de la résiliation faute pour elle d'avoir respecté le délai de saisine du pouvoir adjudicateur prévu par l'article 46-1 du cahier des clauses administratives générales qui ne lui est pas applicable. Elle n'est pas davantage fondée à lui opposer les délais prescrits par les dispositions des articles 13-4 et 50-1 du même cahier afférentes à la procédure de règlement des litiges relatifs au décompte général et définitif dès lors que ces délais ne s'appliquent pas à une demande d'indemnisation des préjudices subis du fait d'une résiliation, qui ne constitue pas une remise en cause du décompte général et définitif. Par suite, la Régie autonome des transports parisiens n'est pas fondée à soutenir que la demande de première instance afférente à la résiliation était forclose.

En ce qui concerne le solde du marché :

9. La Régie autonome des transports parisiens a transmis à la société LGS par courrier du 21 juin 2011 le décompte général et définitif du marché suite à sa résiliation pour un montant de 14 422,50 euros. Il ne résulte pas de l'instruction qu'elle ait procédé au versement du solde non contesté du marché. Par suite, la société LGS est fondée à solliciter le versement de la somme de 14 422,50 euros HT au titre du solde du marché.

En ce qui concerne la résiliation du marché :

10. Il résulte des stipulations de l'article 49 citées au point 6 qu'un manquement aux obligations contractuelles ne peut fonder la résiliation d'un marché que s'il en a été fait état dans la mise en demeure préalable à cette résiliation.

11. Il résulte de l'instruction que les travaux, objets du marché, comprenaient le décapage total de la peinture existante en partie horizontale jusqu'à la partie podotactile et la totalité de la partie verticale du balcon des quais des lignes 2 et 5, le ragréage de la partie horizontale avec accord de niveau avec les dalles podotactiles et test de planéité ainsi que la mise en peinture des nez de quai. La Régie autonome des transports parisiens a adressé le 13 mai 2011 à la société LGS une mise en demeure de procéder avant le 16 mai 2011 à la réfection de la bande de visualisation des quais des stations Gare d'Austerlitz et Quai de la Rapée au sein desquelles la société était déjà intervenue respectivement les 6 mai 2011 et 11 mai 2011, et d'y réaliser d'une part un décapage des résines et peintures posées par la société et d'autre part d'assurer l'exécution des prestations du marché, soit un décapage de l'ancienne peinture, un ragréage plan et l'application de couches de résine en horizontal et en vertical. Le courrier portant mise en demeure faisait état de ce qu'aucune des prestations prévues au marché n'avait été effectuée à la verticale des quais, de ce que le ragréage présentait des traces et n'était pas plan et de ce qu'il présentait de multiples cloques et défauts rendant dangereuse la circulation des usagers. Par courrier du 17 mai 2011, la régie a ensuite informé la société de ce qu'en dépit de son intervention, de nombreuses malfaçons subsistaient, telles des décollages de résine ou des coulées de peinture. En revanche, si la régie a adressé deux autres mises en demeure les 17 mai 2011 et 18 mai 2011, la décision de résiliation est intervenue le 19 mai 2011 avant l'échéance de la première et sans que l'inexécution de la seconde ait été constatée. Par suite, seuls les manquements faisant l'objet de la mise en demeure du 13 mai 2011 peuvent être regardés comme ayant justifié la résiliation du 19 mai 2011.

12. La société LGS conteste le motif relatif à la glissance anormale et généralisée du revêtement sur l'ensemble des quais en se prévalant d'un constat d'huissier réalisé à la station Pablo Picasso établi le 18 mai 2011. Toutefois, elle ne conteste pas la matérialité de ces manquements pour les stations Gare d'Austerlitz et Quai de la Rapée, seules concernées par la mise en demeure de nature à justifier la résiliation. Elle ne conteste pas davantage la matérialité des autres manquements relevés.

13. Pour établir le caractère infondé de la résiliation du 19 mai 2011, la société LGS invoque les fautes commises par le maître d'ouvrage. D'une part, si elle soutient que la RATP a systématiquement mis à sa disposition les quais avec retard, occasionnant des difficultés pour la société et conteste être responsable de l'allongement des délais d'exécution, qui ne résulte pas d'une mauvaise prise en compte du temps nécessaire pour le décapage des supports et le ragréage des quais, cette circonstance est sans incidence sur le bien-fondé de la résiliation qui ne repose pas sur l'allongement de la durée du marché ou les éventuels retards. D'autre part, si la société LGS fait valoir que la RATP a gravement manqué à son devoir de suivi de l'exécution du marché en méconnaissant les stipulations de l'article 3.6 du cahier des clauses techniques particulières compte tenu de son absence pour faire constater les points d'arrêts, qui auraient permis de faire état des éventuelles difficultés et d'y apporter une reprise immédiate contradictoirement avec la société, elle n'apporte aucun élément de nature à justifier l'incidence de ce défaut de suivi sur les malfaçons relevées. Enfin, il est constant que si l'article 1-3 du cahier des clauses techniques particulières mentionne des surfaces en béton et en pierre, les surfaces des quais aux stations Gare d'Austerlitz et Quai de la Rapée comprenaient de l'asphalte. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport du 15 janvier 2013 de M. A..., expert désigné par le juge des référés de la Cour, ainsi que de la note technique que les malfaçons du revêtement ont notamment pour origine l'utilisation de produits non adaptés à un support en asphalte. Les indications techniques erronées mentionnées dans le cahier des clauses techniques particulières quant à la consistance des sols sont ainsi partiellement à l'origine des défauts de planéité et de revêtement. La RATP fait valoir qu'en application de l'article 3-1-2 du cahier des clauses techniques particulières, le titulaire reconnaît avoir pris sur place pleine connaissance de la constitution des ouvrages et de la nature des matériaux et doit signaler les erreurs ou insuffisances dans les renseignements fournis avant de commencer les prestations et que la société LGS n'a pas procédé aux relevés nécessaires à la reconnaissance des supports des quais contrairement à d'autres entreprises candidates. Toutefois, il résulte de l'instruction que la nature du support ne peut être déterminée qu'après le décapage de la peinture et que des relevés sur une partie de stations ne permettaient pas nécessairement, eu égard à la diversité des supports des quais, de constater la présence de supports en asphalte. Compte tenu de ce manquement imputable au maître de l'ouvrage, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité de la résiliation, la société LGS est fondée à soutenir que la RATP ne pouvait procéder à la résiliation du marché à ses torts exclusifs en application de l'article 49-2.

14. Toutefois, en ne procédant pas au traitement des phases verticales au seul motif qu'elle devait se concentrer sur les parties horizontales, au décapage de la peinture sous la résine et en laissant un revêtement glissant, la société n'a que partiellement exécuté le marché qui lui avait été confié. Au surplus, et en dépit de la faute de la RATP, les malfaçons liées au défaut de planéité ou constatées sur le revêtement sont en partie imputables à la société qui a effectué des prestations identiques dans toutes les stations sans les adapter au support des quais. Par suite, la société LGS a commis une faute dont il doit être tenu compte dans l'appréciation du préjudice résultant de la résiliation injustifiée. Il sera fait une juste appréciation de cette responsabilité en limitant l'indemnisation du préjudice subi à 50 % du montant total des préjudices.

En ce qui concerne les préjudices résultant de la résiliation du marché :

15. La société LGS fait valoir que le département maintenance des équipements et systèmes des espaces de la RATP a invité ses interlocuteurs à ne plus contracter avec elle, ainsi qu'en atteste un courriel du 16 mai 2014, et qu'elle n'a plus été désignée comme attributaire d'un marché lancé par ce département. Toutefois, il résulte de l'instruction qu'entre 2015 et 2019, la société LGS s'est vu attribuer plusieurs marchés par la RATP. La circonstance qu'elle a été écartée d'une offre ou qu'aucune offre pour un marché relevant du département maintenance des équipements et systèmes des espaces de la RATP n'a été admise ne sont pas de nature à établir que cette situation aurait pour cause la résiliation du marché en cause dans le présent litige. Dans ces conditions, elle ne peut être regardée comme établissant la réalité du préjudice commercial et financier qu'elle a évalué à la somme de 600 000 euros.

16. La société LGS sollicite le versement d'une indemnité de 50 000 euros en réparation du préjudice qu'elle qualifie de moral et résultant de l'atteinte à sa réputation. Toutefois, en se bornant à soutenir que la résiliation porte inévitablement atteinte à la réputation professionnelle d'une entreprise, la société LGS n'établit pas davantage en appel qu'en première instance que la résiliation du marché aurait porté atteinte à sa réputation ou à son image.

17. Si le titulaire d'un marché résilié irrégulièrement peut prétendre à être indemnisé de la perte du bénéfice net dont il a été privé, il lui appartient d'établir la réalité de ce préjudice. Le prix du marché de réfection s'élevait à la somme de 430 000 euros HT. Si la société LGS évalue à la somme de 185 890,65 euros HT le bénéfice net que lui aurait procuré le marché en l'absence de résiliation, les attestations de son expert-comptable en date des 4 juin 2019 et 11 septembre 2020 ne prennent pas en compte les charges fixes et variables qu'elle aurait supportées pendant toute la durée du marché, et notamment postérieurement à la résiliation. Si elle soutient que dans d'autres marchés publics similaires avec la RATP au cours des années 2010, 2011 et 2012, le taux de marge nette était respectivement de 30%, 52% et 42 %, les éléments comptables fournis font uniquement état, au titre des dépenses, des achats à l'exclusion des charges fixes et des charges de personnel. En revanche, la RATP invoque sans être contestée les stipulations de l'article 6.7 du cahier des clauses administratives particulières du marché fixant un taux moyen de marge bénéficiaire de 5%. Dans ces conditions, le bénéfice net afférent au marché se serait élevé à la somme de 21 500 euros HT. Compte tenu du partage de responsabilité mentionné au point 14, la société LGS est seulement fondée à solliciter une somme de 10 750 euros HT au titre de son manque à gagner.

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

18. La société LGS a droit aux intérêts au taux légal de la somme qui lui est due à compter du 4 octobre 2017, date de la réception par le président-directeur général de la RATP de la réclamation formée par la société le 25 septembre 2017.

19. Aux termes de l'article 1343-2 du code civil : " Les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise. ". Pour l'application de ces dispositions, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond. Cette demande prend toutefois effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée et pourvu qu'à cette date il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière. Le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande.

20. La société LGS a demandé la capitalisation des intérêts dans sa demande de première instance enregistrée le 8 janvier 2018. A cette date les intérêts n'étaient pas dus pour au moins une année entière. Conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande seulement à compter 4 octobre 2018, date à laquelle les intérêts étaient dus pour une année entière ainsi qu'à chaque échéance annuelle ultérieure à compter de cette date.

21. Il résulte de tout ce qui précède que la RATP doit être condamnée à verser à la société LGS une somme de 25 172,50 euros HT, assortie des intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2017, avec capitalisation au 4 octobre 2018. Il résulte de tout ce qui précède que la société LGS est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

22. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la Régie autonome des transports parisiens le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société LGS et non compris dans les dépens sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société LGS, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la Régie autonome des transports parisiens demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1800320 du 9 avril 2019 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La Régie autonome des transports parisiens est condamnée à verser à la société LGS une somme de 25 172,50 euros HT, assortie des intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2017, avec capitalisation à compter du 4 octobre 2018.

Article 3 : La Régie autonome des transports parisiens versera à la société LGS une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de la Régie autonome des transports parisiens présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société LGS et à la Régie autonome des transports parisiens.

Délibéré après l'audience du 30 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme B..., président de chambre,

- M. Mantz, premier conseiller,

- Mme Mach, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 novembre 2020.

Le rapporteur,

A-S MACHLe président,

M. B...Le greffier,

S. GASPARLa République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

9

N° 19PA01856


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01856
Date de la décision : 13/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-04-02-03 Marchés et contrats administratifs. Fin des contrats. Résiliation. Droit à indemnité.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Anne-Sophie MACH
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : CABINET BOKEN -BEAUQUIER - GAUVAIN - BELLOY

Origine de la décision
Date de l'import : 24/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-11-13;19pa01856 ?
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