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12/11/2020 | FRANCE | N°20PA00070

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 12 novembre 2020, 20PA00070


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 25 juin 2019 par lequel le préfet de police a décidé sa remise aux autorités slovaques, responsables de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1915050 du 20 septembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 9 janvier 2020, M. B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 25 juin 2019 par lequel le préfet de police a décidé sa remise aux autorités slovaques, responsables de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1915050 du 20 septembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 9 janvier 2020, M. B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1915050 du 20 septembre 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 juin 2019 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de l'admettre au séjour au titre de l'asile et de lui délivrer une attestation de demande d'asile dans un délai de dix jours à compter de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 600 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B... soutient que :

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;

- sa situation personnelle n'a pas fait l'objet d'un examen sérieux ;

- les articles 5 et 35 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et l'article 4 de la directive 2013/31/UE du même jour ont été méconnus ;

- le préfet de police a méconnu l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le préfet de police a commis une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 avril 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Le préfet de police soutient que les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés.

Par une décision du 29 novembre 2019, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris a admis M. B... à l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant afghan, est entré irrégulièrement sur le territoire français et a présenté une demande d'asile au guichet unique des demandeurs d'asile de Paris le 20 mars 2019. La consultation du système " Eurodac " a permis d'établir que ses empreintes digitales avaient été relevées par les autorités slovaques le 19 janvier 2019, lors du dépôt d'une demande d'asile. Le préfet de police a saisi ces autorités le 28 mars 2019 d'une demande de reprise en charge de l'intéressé, laquelle a été explicitement acceptée le 9 avril 2019. Le préfet de police a alors décidé, par un arrêté du 25 juin 2019, de remettre M. B... aux autorités slovaques en vue de l'examen de sa demande d'asile. L'intéressé fait appel du jugement du 20 septembre 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel (...) est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national (...) ". Aux termes du 3 de l'article 35 de ce règlement : " Les autorités visées au paragraphe 1 reçoivent la formation nécessaire en ce qui concerne l'application du présent règlement ". Aux termes de l'article 4 de la directive 2013/32/UE du 26 juin 2013 : " (...) 2. Les États membres peuvent prévoir qu'une autorité autre que celle mentionnée au paragraphe 1 est responsable lorsqu'il s'agit : a) de traiter les cas en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 (...) 4. Lorsqu'une autorité est désignée conformément au paragraphe 2, les États membres veillent à ce que le personnel de cette autorité dispose des connaissances appropriées ou reçoive la formation nécessaire pour remplir ses obligations lors de la mise en oeuvre de la présente directive (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a bénéficié d'un entretien individuel mené par un agent du 12ème bureau de la direction de la police générale de la préfecture de police, assisté d'un interprète en langue pashto. Si cet agent n'est pas identifié sur le compte-rendu d'entretien, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que l'entretien n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national, conformément aux dispositions du 5 de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, ayant reçu la formation nécessaire et disposant des connaissances appropriées, ainsi que le mentionnent le 3 de l'article 35 du même règlement et l'article 4 de la directive 2013/32/UE du 26 juin 2013, dispositions qui n'exigent pas plus que les dispositions du droit national que l'identité de l'agent qui a mené l'entretien soit indiquée sur le compte-rendu transmis par l'administration. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées au point 2 doit être écarté.

4. En deuxième lieu, en vertu du paragraphe 1 de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, lorsqu'une telle demande est présentée, un seul État, parmi ceux auxquels s'applique ce règlement, est responsable de son examen. Cet État, dit État membre responsable, est déterminé en faisant application des critères énoncés aux articles 7 à 15 du chapitre III du règlement ou, lorsqu'aucun État membre ne peut être désigné sur la base de ces critères, du premier alinéa du paragraphe 2 de l'article 3 du chapitre II. Si l'État membre responsable est différent de l'État membre dans lequel se trouve le demandeur, ce dernier peut être transféré vers cet État, qui a vocation à le prendre en charge. Lorsqu'une personne a antérieurement présenté une demande d'asile sur le territoire d'un autre État membre, elle peut être transférée vers cet État, à qui il incombe de la reprendre en charge, sur le fondement des b), c) et d) du paragraphe 1 de l'article 18 du chapitre V et du paragraphe 5 de l'article 20 du chapitre VI de ce même règlement. En application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre État membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre État membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.

5. L'arrêté du 25 juin 2019 comprend l'ensemble des mentions requises par les principes rappelés au point 4, dès lors qu'il vise les règlements communautaires n° 604/2013, n° 1560/2003 et n° 343/2003 relatifs à la détermination de l'État responsable de l'examen d'une demande d'asile dans les États membres de l'Union européenne et mentionne les éléments de faits relatifs à la situation personnelle de M. B..., notamment la circonstance que l'examen de ses empreintes digitales a révélé qu'il a déposé une demande d'asile en Slovaquie le 19 janvier 2019 et que les autorités slovaques ont accepté de le reprendre en charge le 9 avril 2019. En outre, cet arrêté, qui n'avait pas à rappeler l'ensemble des éléments de fait relatifs à la situation personnelle du requérant, vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de M. B... et que l'intéressé n'établit pas de risque personnel constituant une atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités de l'État responsable de sa demande d'asile. Cet arrêté est ainsi suffisamment motivé.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Par ailleurs, selon l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ".

7. M. B... soutient qu'il sera renvoyé en Afghanistan en cas de transfert vers la Slovaquie et qu'il encourt des risques pour sa vie en cas de retour dans son pays d'origine. Toutefois, l'arrêté en litige a seulement pour objet de renvoyer l'intéressé en Slovaquie et non dans son pays d'origine. Or, la Slovaquie est partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et M. B..., qui se borne à des allégations générales, ne produit aucun élément de nature à établir qu'il existerait des raisons sérieuses de croire à l'existence de défaillances systémiques en Slovaquie dans la procédure d'asile ou que sa demande d'asile ne sera pas traitée dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. En outre, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que les autorités slovaques, alors même que la demande d'asile de M. B... ferait l'objet d'un refus, n'évalueront pas, avant de procéder à un éventuel éloignement de l'intéressé, les risques auxquels il serait exposé en cas de retour en Afghanistan. Par ailleurs, si M. B... soutient qu'il aurait subi des mauvais traitements lors de son passage en Slovaquie, il n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations, permettant de supposer qu'il serait personnellement exposé à des risques de traitements inhumains ou dégradants dans ce pays. Dans ces conditions, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de ce que le préfet de police aurait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant de faire application des dispositions de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 doivent être écartés.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sa requête, y compris ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, doit ainsi être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 8 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. D..., président de la formation de jugement,

- Mme Marion, premier conseiller,

- M. Sibilli, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 novembre 2020.

Le président-rapporteur,

F. D...L'assesseur le plus ancien,

I. MARION

La greffière,

C. DABERTLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA00070


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA00070
Date de la décision : 12/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : SEMAK

Origine de la décision
Date de l'import : 24/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-11-12;20pa00070 ?
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