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12/11/2020 | FRANCE | N°19PA02298

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 12 novembre 2020, 19PA02298


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée Protéines a demandé au tribunal administratif de Paris la restitution d'une fraction de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de la taxe annexe à cette cotisation dont elle s'est acquittée au titre des années 2011 à 2014, assortie des intérêts moratoires.

Par une ordonnance n° 1908299 du 15 mai 2019, la présidente de la 2ème section du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requ

ête et un mémoire ampliatif, enregistrés les 15 juillet et 24 octobre 2019, la société Protéines,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée Protéines a demandé au tribunal administratif de Paris la restitution d'une fraction de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de la taxe annexe à cette cotisation dont elle s'est acquittée au titre des années 2011 à 2014, assortie des intérêts moratoires.

Par une ordonnance n° 1908299 du 15 mai 2019, la présidente de la 2ème section du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire ampliatif, enregistrés les 15 juillet et 24 octobre 2019, la société Protéines, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1908299 du 15 mai 2019 de la présidente de la 2ème section du tribunal administratif de Paris ;

2°) de lui accorder la restitution de la fraction de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de taxe annexe à cette cotisation sollicitée, assortie des intérêts moratoires sur le fondement de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Protéines soutient que :

- le premier juge a commis une erreur de droit en rejetant par ordonnance la demande, qui n'était pas manifestement irrecevable, les délais d'introduction de la demande et les délais de réclamation régis par le livre des procédures fiscales ayant été confondus ;

- la décision du Conseil Constitutionnel du 19 mai 2017 constitue un événement au sens des dispositions combinées du b) de l'article R. 196-2 du livre des procédures fiscales et des troisième et cinquième alinéas de l'article L. 190 de ce livre, de nature à rouvrir le délai de réclamation ;

- dans cette décision, le Conseil Constitutionnel n'a pas fixé de limite temporelle faisant obstacle à ce qu'elle puisse réclamer la restitution d'une fraction de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de la taxe annexe acquittée spontanément au titre des années en cause.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 février 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Le ministre soutient que la réclamation préalable étant tardive, c'est à bon droit que la demande a été rejetée comme manifestement irrecevable sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, aucun des moyens soulevés dans la requête n'étant par ailleurs fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la décision du Conseil Constitutionnel n° 2017-629 QPC du 19 mai 2017 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de Mme Lescaut, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Protéines, à la tête d'un groupe fiscalement intégré au sens de l'article 223 A du code général des impôts, s'est acquittée au titre des années 2011 à 2014 de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de la taxe annexe à cette cotisation. Par une réclamation du 27 décembre 2018, elle a vainement saisi l'administration fiscale, en se prévalant de la décision n° 2017-629 QPC du Conseil Constitutionnel du 19 mai 2017, qui constitue selon elle un événement de nature à rouvrir le délai de réclamation au sens du b) de l'article R. 196-2 du livre des procédures fiscales, d'une demande tendant à la restitution d'une fraction de ces impositions correspondant à la différence entre les cotisations calculées selon les modalités déclarées contraires à la Constitution et celles applicables aux sociétés qui n'appartiennent pas à un groupe fiscal intégré. La société relève appel de l'ordonnance du 15 mai 2019 par laquelle la présidente de la 2ème section du tribunal administratif de Paris, sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, a rejeté comme manifestement irrecevable ses conclusions tendant à ce qu'il soit fait droit à cette restitution.

2. D'une part, aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : / (...) 4º Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser (...) ".

3. D'autre part, aux termes des troisième et cinquième alinéas de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales : " Sont instruites et jugées selon les règles du présent chapitre toutes actions tendant à la décharge ou à la réduction d'une imposition ou à l'exercice de droits à déduction ou à la restitution d'impositions indues, fondées sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure, révélée par une décision juridictionnelle ou par un avis rendu au contentieux (...) / Pour l'application du troisième alinéa, sont considérés comme des décisions juridictionnelles ou des avis rendus au contentieux les décisions du Conseil d'État ainsi que les avis rendus en application de l'article L. 113-1 du Code de justice administrative, les arrêts de la Cour de cassation ainsi que les avis rendus en application de l'article L. 441-1 du Code de l'organisation judiciaire, les arrêts du Tribunal des conflits et les arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne se prononçant sur un recours en annulation, sur une action en manquement ou sur une question préjudicielle ". L'article R. 196-2 du même livre dispose : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts directs locaux et aux taxes annexes doivent être présentées à l'administration des impôts au plus tard le 31 décembre de l'année suivant celle, selon le cas : a) De la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d'un avis de mise en recouvrement ; b) De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation ; ne constitue pas un tel événement une décision juridictionnelle ou un avis mentionné aux troisième et cinquième alinéas de l'article L. 190 (...) / e) Du versement de l'impôt contesté lorsque cet impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou à la notification d'un avis de mise en recouvrement ".

4. S'il résulte des dispositions citées au point 3 ci-dessus que les décisions du Conseil Constitutionnel ne sont pas au nombre des décisions juridictionnelles ou avis mentionnés aux troisième et cinquième alinéas de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, pour lesquels la deuxième phrase du b) de l'article R. 196-2 du même livre écarte la qualification d'événement constituant le point de départ d'un nouveau délai de réclamation, seuls doivent être regardés comme constituant le point de départ de ce délai les événements qui ont une incidence directe sur le principe même de l'imposition, son régime ou son mode de calcul. Une décision par laquelle le Conseil Constitutionnel, statuant sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution, déclare inconstitutionnelle une disposition législative ou ne la déclare conforme à la Constitution que sous une réserve d'interprétation ne constitue pas, en elle-même, un événement susceptible d'ouvrir un nouveau délai de réclamation.

5. Il appartient au seul Conseil Constitutionnel, lorsque, saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité, il a déclaré contraire à la Constitution la disposition législative ayant fondé l'imposition en litige ou ne l'a déclarée conforme à la Constitution que sous une réserve d'interprétation, de prévoir si, et le cas échéant dans quelles conditions, les effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration sont remis en cause, au regard des règles, notamment de recevabilité, applicables à la date de sa décision. En particulier, lorsque le Conseil Constitutionnel précise, dans une décision déclarant une disposition législative contraire à la Constitution, que cette déclaration d'inconstitutionnalité est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à la date de publication de sa décision, cette déclaration peut être invoquée dans toutes les procédures contentieuses en cours, quelle que soit la période d'imposition sur laquelle porte le litige. Elle peut l'être aussi à l'appui de toute réclamation encore susceptible d'être formée eu égard aux délais fixés par les articles R. 196-1 et R. 196-2 du livre des procédures fiscales.

6. Dans sa décision n° 2017-629 QPC du 19 mai 2017, par laquelle il a déclaré contraire à la Constitution le premier alinéa du paragraphe I bis de l'article 1586 quater du code général des impôts dans sa rédaction résultant de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, le Conseil Constitutionnel a jugé sa décision applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à cette date, sous réserve du respect des délais et conditions prévus par le livre des procédures fiscales.

7. En l'espèce, il est constant qu'à la date de publication de la décision n° 2017-629 QPC du 19 mai 2017, il n'existait aucun litige en cours relatif aux cotisations ayant fait l'objet de la demande de restitution des cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises et de taxe annexe à cette cotisation dont la société Protéines s'est acquittée au titre des années 2011 à 2014. Il résulte en outre de l'instruction que cette demande de restitution a été soumise au service le 27 décembre 2018, après l'expiration du délai de réclamation prévu par les dispositions précitées du a) et du e) de l'article R. 196-2 du livre des procédures fiscales. Dans ces conditions, la société Protéines n'est pas fondée à soutenir que la décision n° 2017-629 QPC du 19 mai 2017 a constitué un évènement au sens du b) de cet article, qui aurait été de nature à rouvrir le délai général de réclamation et à considérer que sa réclamation devant le service était en conséquence recevable.

8. Par suite, dès lors que la tardiveté d'une réclamation contentieuse préalable, qui doit obligatoirement précéder la saisine du juge de l'impôt, entraîne l'irrecevabilité de la demande ultérieurement soumise au juge, c'est régulièrement que la présidente de la 2ème section du tribunal administratif de Paris a estimé pouvoir se fonder sur le 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative pour rejeter la demande de la société Protéines comme étant manifestement irrecevable.

9. Il résulte de ce qui précède que la société Protéines n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, la présidente de la 2ème section du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sa requête, y compris ses conclusions tendant à l'octroi d'intérêts moratoires, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doit dès lors être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Protéines est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Protéines et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Île-de-France et du département de Paris (pôle contrôle fiscal et affaires juridiques).

Délibéré après l'audience du 8 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Platillero, président de la formation de jugement,

- Mme Marion, premier conseiller,

- M. B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 novembre 2020.

Le rapporteur,

B. B...Le président,

F. PLATILLERO

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA02298


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA02298
Date de la décision : 12/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-03-045-03-02 Contributions et taxes. Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: M. Bruno SIBILLI
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : CABINET FAREWELL TAX

Origine de la décision
Date de l'import : 24/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-11-12;19pa02298 ?
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