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10/11/2020 | FRANCE | N°19PA02612

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 10 novembre 2020, 19PA02612


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Europe Formation Conseil a demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés et des majorations correspondantes mises à sa charge au titre de l'année 2011 à raison de la remise en cause d'une dette d'un montant de 649 942 euros.

Par un jugement n° 1703603/1-3 du 5 juin 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête somm

aire, enregistrée le 5 août 2019, et des mémoires complémentaires, enregistrés le 11 septembre 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Europe Formation Conseil a demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés et des majorations correspondantes mises à sa charge au titre de l'année 2011 à raison de la remise en cause d'une dette d'un montant de 649 942 euros.

Par un jugement n° 1703603/1-3 du 5 juin 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire, enregistrée le 5 août 2019, et des mémoires complémentaires, enregistrés le 11 septembre 2019, le 22 novembre 2019 et le 17 février 2020, la société Europe Formation Conseil, représentée par la SCP Hélène Didier et François Pinet, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1703603/1-3 du 5 juin 2019 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge de cette imposition ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est entaché d'irrégularité dès lors que les premiers juges se sont fondés sur un moyen relevé d'office sans en avertir les parties, méconnaissant ce faisant les dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;

- la dette inscrite au passif du bilan et relative au dossier Grand Littoral, pour un montant de 649 942 euros, est un passif justifié dans son principe et son montant ;

- la créance que M. A... détenait sur la société Europe Formation Conseil n'était pas prescrite en 2011 ;

- une déclaration rectificative a été déposée au titre de l'année 2013, afin de tenir compte de la circonstance que la créance était désormais atteinte de la prescription commerciale de cinq ans.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 17 octobre 2019, le 27 janvier 2020 et le 21 février 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la société Europe Formation Conseil n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales,

- et le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. L'administration fiscale a procédé à la vérification de comptabilité de la société Europe Formation Conseil, à l'issue de laquelle elle a mis à sa charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des années 2011 et 2012. La société Europe Formation Conseil relève appel du jugement du 5 juin 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge de l'imposition au titre de l'année 2011.

Sur la régularité du jugement :

2. La société Europe Formation Conseil soutient que le Tribunal administratif de Paris, pour rejeter sa requête, se serait fondé sur un moyen relevé d'office sans en avertir les parties et qu'il aurait ce faisant méconnu les dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative. Toutefois, et alors que le jugement du Tribunal indique que la société n'apporte pas d'éléments suffisamment précis pour justifier du principe même de la dette qu'elle a inscrite au passif du bilan, il résulte de l'instruction que l'administration fiscale s'était elle-même fondée sur ce motif, tant dans le cadre de la procédure de rectification que dans ses écritures contentieuses. Il s'ensuit que la société Europe Formation Conseil n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'une irrégularité.

Sur le bien-fondé des impositions litigieuses :

3. Aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés ". Pour l'application de ces dispositions, il y a lieu de prendre en compte, pour la détermination de l'actif net à la clôture de l'exercice, toutes les dettes qui sont mises à la charge de la société envers des tiers si ces dettes sont, à la date de la clôture de l'exercice, certaines dans leur principe et dans leur montant. Il appartient au contribuable de justifier, par la production de tous éléments suffisamment précis, l'inscription d'une dette au passif du bilan de son entreprise.

4. L'administration fiscale a relevé que la société Europe Formation Conseil avait crédité un compte " fournisseurs - factures non parvenues " d'un montant de 404 194,65 euros le 31 décembre 2007 et de 245 797,45 euros le 31 décembre 2008, et que ces sommes étaient demeurées inscrites au passif du bilan de la société lors de l'exercice 2011, bien qu'aucune facturation ne lui eût été adressée depuis lors. Elle a donc réintégré les sommes en cause au résultat imposable de la société. La société Europe Formation Conseil fait valoir que les sommes en litige correspondraient à des commissions dues à un consultant indépendant, M. A..., au titre de son intervention dans le dossier dénommé " Grand Littoral ", dans le cadre duquel il était chargé, selon la société, d'obtenir des dégrèvements des cotisations de taxe foncière établis à raison des locaux dont la SAS Marseille Grand Littoral était propriétaire au sein du centre commercial " Grand Littoral ", à Marseille. A cet égard, la société Europe Formation Conseil produit la convention qu'elle a conclue le 1er juin 1996 avec ce consultant, pour une durée de cinq ans, renouvelable par tacite reconduction pour des périodes successives d'un an, prévoyant de confier à ce dernier l'organisation technique et l'exécution d'une mission de conseil et d'assistance contentieuse en matière de taxe foncière auprès des clients recherchés par la société Europe Formation Conseil, moyennant une rémunération égale à 30 % de la rémunération effectivement payée par les clients à la société Europe Formation Conseil. Elle produit également le contrat qu'elle a signé avec la SAS Marseille Grand Littoral, le 9 juin 2000, portant sur une mission d'analyse en matière de taxe foncière et d'accomplissement de démarches administratives aux fins d'obtenir des dégrèvements de cette imposition. Elle produit enfin les factures qu'elle a, à la suite des dégrèvements de taxe foncière obtenus, adressées à cette société, datées du 14 novembre 2007, du 2 janvier 2008, du 23 janvier 2008 et du 1er février 2008, au titre d'une " mission d'audit sur obligations foncières ", pour des montants s'élevant respectivement à 1 611 389,34 euros, 398 684,64 euros, 271 971,60 euros et 220 733,16 euros.

5. Toutefois, la SAS Europe Formation Conseil n'a fourni, à l'appui de ses écritures comptables, aucune facture émanant du consultant qu'elle a engagé, ni aucune note de frais mentionnant le projet Grand Littoral - alors que des notes d'honoraires ou des notes de frais ont été présentées par l'intéressé dans le cadre des prestations réalisées pour d'autres dossiers. Par ailleurs, et alors que le versement de la rémunération de M. A... était conditionné au règlement par les clients des honoraires dus à la société Europe Formation Conseil - lequel règlement était lui-même subordonné, aux termes du contrat conclu avec la SAS Marseille Grand Littoral, aux dégrèvements obtenus - la société n'établit pas qu'elle aurait informé l'intéressé des éventuels dégrèvements obtenus, ni que ce dernier se serait lui-même enquis de l'évolution du dossier. La seule circonstance que les factures émises par la société Europe Formation Conseil à l'attention de la SAS Marseille Grand Littoral ont été honorées ne saurait attester que les prestations visées par ces factures auraient été réalisées par M. A..., dès lors que, d'une part, le contrat du 1er juin 1996 réserve la possibilité pour la société de recourir à d'autres intervenants, d'autre part, que ces factures ne comportent aucune mention relative à la prestation qui aurait été fournie par M. A.... Si la société produit des attestations de personnes ayant travaillé dans l'entreprise, ces dernières, établies, dans des termes relativement sommaires, en 2017 et en 2019, n'apportent, lorsqu'elles mentionnent une mission de M. A... dans le cadre du dossier Grand Littoral, aucune précision quant à la date précise de son intervention. Par ailleurs, si la société Europe Formation Conseil, produit, pour la première fois en appel, des courriers de réclamation ou des requêtes contentieuses issues d'une extraction de ses fichiers informatiques réalisée dans le cadre d'une expertise diligentée par elle, et portant, pour certains, notamment le nom de M. A..., un courriel envoyé par M. A... le 14 janvier 2003 à la société Europe Formation Conseil, portant, en guise de texte, la seule mention " tableau des contentieux en cours ", et assorti d'un tableau au sein duquel figure l'indication " Grand Littoral Marseille ", suivie de la formule " RC-2000-01 Trib. administratif ", enfin une lettre, signée par M. A..., datée du 17 juillet 2002, fournissant la " liste des dossiers en instance au 17 juillet 2002 " et mentionnant le dossier Grand Littoral, ces documents, rédigés, pour le plus récent, environ cinq ans avant les dégrèvements, obtenus par la société Marseille Grand Littoral à la suite de l'introduction d'un pourvoi devant le Conseil d'Etat, ne permettent pas d'établir, à eux seuls, que les dégrèvements ainsi accordés à la SAS Marseille Grand Littoral trouveraient leur origine dans un travail effectué par M. A..., alors que, ainsi qu'il a été dit précédemment, la société ne produit aucune facture qui aurait été transmise par M. A... au terme de sa mission. Dans ces conditions, la société Europe Formation Conseil n'est pas fondée à contester la réintégration des sommes en litige dans son résultat imposable. Par ailleurs, la circonstance que la créance que détiendrait M. A... sur la société Europe Formation Conseil n'aurait pas été prescrite en 2011 ne suffit pas à justifier de l'existence même de cette créance, laquelle n'est pas établie dans son montant et dans son principe, ainsi qu'il a été dit précédemment. Enfin, la déclaration rectificative que la société a déposée au titre de l'année 2013, au motif que la dette en cause aurait été alors atteinte de la prescription commerciale de cinq ans, est sans incidence sur le bien-fondé de la rectification en litige.

6. Il résulte de ce qui précède que la société Europe Formation Conseil n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Europe Formation Conseil est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Europe Formation Conseil et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal d'Île-de-France (division juridique).

Délibéré après l'audience du 13 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, président assesseur,

- M. B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 novembre 2020.

Le rapporteur,

K. B...

Le président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA02612
Date de la décision : 10/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. Khalil AGGIOURI
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : SCP H. DIDIER - F. PINET

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-11-10;19pa02612 ?
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