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03/11/2020 | FRANCE | N°19PA02151

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 03 novembre 2020, 19PA02151


Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

Mme B... G... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 11 janvier 2019 par lequel le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle sera éloignée.

Par un jugement n° 1904685/3-1 du 31 mai 2019, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 11 janvier 2019.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire compl

mentaire enregistrés les 4 juillet 2019 et 12 décembre 2019, le préfet de police demande à la cour : ...

Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

Mme B... G... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 11 janvier 2019 par lequel le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle sera éloignée.

Par un jugement n° 1904685/3-1 du 31 mai 2019, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 11 janvier 2019.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 4 juillet 2019 et 12 décembre 2019, le préfet de police demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme G... devant le tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a considéré qu'en se bornant, pour rejeter la demande de titre de séjour présentée sur ce fondement, à relever que l'intéressée ne disposait pas d'un contrat de travail visé par les services de la main d'oeuvre étrangère faisant application des dispositions de l'article R. 5221-20 du code du travail, alors qu'il lui appartenait, s'il l'estimait nécessaire, de recueillir préalablement la position des services compétents en matière d'autorisation de travail, le préfet de police a commis une erreur de droit et entaché, pour ce motif, l'arrêté contesté d'une illégalité ;

- les autres moyens soulevés par Mme G... devant le tribunal administratif ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à Mme G..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;

- le code du travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... G..., ressortissante marocaine née le 13 août 1989, a épousé M. C..., ressortissant roumain, le 7 septembre 2012. Elle est entrée en France le 19 juin 2013 sous couvert d'un visa Schengen portant la mention " famille A... ", valable du 25 juin 2013 au 25 juillet 2013. Le 3 juillet 2013, elle a sollicité son admission au séjour dans le cadre des dispositions de l'article L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Un titre de séjour valable du 3 juillet 2013 au 2 juillet 2018 lui a été délivré. Divorcée de M. C... le 11 octobre 2014, Mme G... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " le 12 juillet 2018. Par un arrêté en date du 11 janvier 2019, le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle sera éloignée. Par un jugement du 31 mai 2019 dont le préfet de police relève appel, le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :

2. Les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celles du code du travail, relatives aux titres de séjour pouvant être délivrés aux étrangers et les autorisant à travailler en France, comme les conditions de délivrance de ces titres, s'appliquent sous réserve des conventions internationales, ainsi que le rappellent respectivement leurs articles L. 111-2 et L. 5221-1. En ce qui concerne les ressortissants marocains, l'article 3 de l'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi stipule : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable portant la mention " salarié " éventuellement assorties de restrictions géographiques ou professionnelles. / Après trois ans de séjour en continu en France, les ressortissants marocains visés à l'alinéa précédent pourront obtenir un titre de séjour de dix ans (...). L'article 9 du même accord stipule : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord... ".

3. L'accord franco-marocain renvoie ainsi, sur tous les points qu'il ne traite pas, à la législation nationale, en particulier aux dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du code du travail pour autant qu'elles ne sont pas incompatibles avec les stipulations de l'accord et nécessaires à sa mise en oeuvre. Il en va notamment ainsi, pour le titre de séjour " salarié " mentionné à l'article 3 cité ci-dessus délivré sur présentation d'un contrat de travail " visé par les autorités compétentes ", des dispositions des articles R. 5221-1 et suivants du code du travail, qui précisent les modalités selon lesquelles le préfet se prononce, au vu notamment du contrat de travail, pour accorder ou refuser une autorisation de travail.

4. D'une part, aux termes de l'article R. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 1° de l'article L. 313-10, l'étranger qui demande la carte de séjour mention " salarié " présente, outre les pièces prévues à l'article R. 313-1 à l'exception du certificat médical prévu au 4° de cet article, un contrat de travail conclu (...) avec un employeur établi en France. Ce contrat est conforme au modèle fixé par arrêté du ministre chargé du travail et est revêtu du visa de ses services. / (...) ". D'autre part, l'article L. 5221-2 du code du travail dispose : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail ". Aux termes de l'article R. 5221-1 du même code : " Pour exercer une activité professionnelle en France, les personnes suivantes doivent détenir une autorisation de travail et le certificat médical mentionné au 4° de l'article

R. 313-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui leur est remis à l'issue de la visite médicale à laquelle elles se soumettent au plus tard trois mois après la délivrance de l'autorisation de travail : /1° Etranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ; (...) ". L'article R. 5221-3 dudit code prévoit que : " L'autorisation de travail peut être constituée par l'un des documents suivants : (...) / 6° La carte de séjour temporaire portant la mention salarié, délivrée sur présentation d'un contrat de travail d'une durée égale ou supérieure à douze mois conclu avec un employeur établi en France, en application du 1° de l'article L. 313-10 du même code ou le visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois mentionné au 7° de l'article R. 311-3 du même code, accompagné du contrat de travail visé. (...) ". Aux termes de l'article R. 5221-11 de ce code : " La demande d'autorisation de travail relevant des 5°, 6°, 7°, 8°, 9°, 9° bis, 12° et 13° de l'article R. 5221-3 est faite par l'employeur. (...) ". Aux termes de l'article R. 5221-14 du même code : " Peut faire l'objet de la demande prévue à l'article R. 5221-11 l'étranger résidant hors du territoire national ou, lorsque la détention d'un titre de séjour est obligatoire, l'étranger résidant en France sous couvert d'une carte de séjour, d'un récépissé de demande ou de renouvellement de carte de séjour ou d'une autorisation provisoire de séjour. ". Aux termes de l'article

R. 5221-15 de ce code : " Lorsque l'étranger est déjà présent sur le territoire national, la demande d'autorisation de travail mentionnée à l'article R. 5221-11 est adressée au préfet de son département de résidence. ". Enfin, aux termes de l'article R. 5221-17 dudit code : " La décision relative à la demande d'autorisation de travail mentionnée à l'article R. 5221-11 est prise par le préfet. Elle est notifiée à l'employeur ou au mandataire qui a présenté la demande, ainsi qu'à l'étranger ".

5. Il ressort des termes de l'arrêté litigieux que le préfet de police a opposé à la demande de délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " la circonstance que l'intéressée n'a pas justifié d'un contrat de travail visé par l'administration du travail. Contrairement à ce que soutient la requérante, la circonstance qu'elle a présenté un formulaire Cerfa non visé de " demande d'autorisation de travail pour un salarié étranger " n'était pas de nature à la dispenser de la production d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 5221-2 du code du travail.

6. Enfin, contrairement à ce que soutient Mme G..., aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait au préfet de police de transmettre à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi la demande de titre de séjour en qualité de travailleur salarié présentée par l'intéressée, alors qu'en application des articles L. 5221-2, R. 5221-1, R. 5221-3, R. 5221-11, R. 5221-15 et R. 5221-17 du code du travail, la demande d'autorisation de travail doit être adressée à l'administration par l'employeur lui-même, préalablement à toute demande de titre de séjour.

7. Dans ces conditions, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a considéré qu'en se bornant, pour rejeter la demande de titre de séjour en qualité de salariée, à relever que l'intéressée ne disposait pas d'un contrat de travail visé par les services compétents alors qu'il lui aurait appartenu, s'il l'estimait nécessaire, de recueillir préalablement la position desdits services, il avait commis une erreur de droit et ainsi entaché son arrêté d'illégalité.

8. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par Mme G... devant le tribunal administratif de Paris.

Sur les moyens communs à l'ensemble des décisions contenues dans l'arrêté préfectoral :

9. Par un arrêté n° 2018-00802 du 20 décembre 2018, publié au Bulletin municipal officiel de la ville de Paris le 28 décembre 2018, le préfet de police a donné délégation à Mme H... F..., attachée principale d'administration et signataire de l'arrêté attaqué, pour signer tous les actes dans la limite de ses attributions, au nombre desquelles figure la police des étrangers. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit être écarté.

10. L'arrêté en litige vise les considérations de droit et de fait sur lesquels le préfet de police s'est fondé pour rejeter la demande de renouvellement de titre de séjour de Mme G.... En outre, lorsqu'une obligation de quitter le territoire français assortit un refus de titre de séjour, la motivation de cette mesure se confond avec celle du refus de titre dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que ce refus est lui-même motivé, de mention spécifique. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire doit être écarté.

Sur les moyens relatifs à la décision portant refus de séjour :

11. Eu égard à ce qui a été dit au point 5 du présent arrêt, le moyen tiré de l'erreur de fait doit être écarté.

12. Mme G... fait valoir que le préfet de police aurait méconnu les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, la demande de titre de séjour formulée par Mme G... était fondée sur les stipulations de l'accord franco-marocain et sur les dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, la requérante ne saurait utilement se prévaloir de la méconnaissance des premières dispositions, au regard desquelles le préfet n'était pas tenu d'examiner sa demande. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.

13. Mme G... fait valoir qu'elle justifie d'une présence régulière en France depuis 2013, d'une bonne intégration et d'une activité professionnelle. Il ressort des pièces du dossier que, divorcée et sans enfant, elle a travaillé en qualité de serveuse pour trois employeurs différents lors de contrats de courte durée. Toutefois, ces emplois ne comportent aucune qualification particulière et les deux témoignages produits ne sauraient suffire à établir les fortes attaches personnelles alléguées par Mme G.... Elle ne soutient pas en outre être dépourvue d'attaches familiales au Maroc où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-quatre ans. Dans ces conditions, le préfet de police a pu sans porter une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, l'obliger à quitter la France, et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

14. Pour les motifs exposés au point précédent, la décision du préfet n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme G....

Sur les moyens relatifs à la décision portant obligation de quitter le territoire français :

15. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que l'obligation de quitter le territoire français prononcée à l'encontre de la requérante n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, l'exception tirée de l'illégalité de ladite décision ne peut être accueillie.

16. Eu égard à ce qui a été dit au point 13 du présent arrêt, le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

17. En dernier lieu, eu égard à ce qui a été dit au même point 13, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciations des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de Mme G....

18. Il résulte de tout ce qui précède que Mme G... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 11 janvier 2019. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1904685/3-1 du 31 mai 2019 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande de Mme G... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... G... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 6 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. E..., premier vice-président,

- M. Bernier, président-assesseur,

- Mme D..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 3 novembre 2020.

Le rapporteur,

G. D...Le président,

M. E...

Le greffier,

A. DUCHER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

19PA02151


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA02151
Date de la décision : 03/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: Mme PENA

Origine de la décision
Date de l'import : 10/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-11-03;19pa02151 ?
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