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22/10/2020 | FRANCE | N°19PA03411

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 22 octobre 2020, 19PA03411


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... Shahzad a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 5 juin 2019 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français, l'a privé d'un délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination, ainsi que l'arrêté du même jour par lequel le préfet de police lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de douze mois.

Par un jugement n° 1912642/8 du 18 juin 2019, le tribunal administratif de Paris a annul

les arrêtés du préfet de police du 5 juin 2019, a enjoint au préfet de faire procéd...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... Shahzad a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 5 juin 2019 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français, l'a privé d'un délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination, ainsi que l'arrêté du même jour par lequel le préfet de police lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de douze mois.

Par un jugement n° 1912642/8 du 18 juin 2019, le tribunal administratif de Paris a annulé les arrêtés du préfet de police du 5 juin 2019, a enjoint au préfet de faire procéder à l'effacement du signalement de M. Shahzad aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement et a condamné l'Etat à verser à M. Shahzad la somme de 600 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 28 octobre 2019, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris n° 1912642/8 du 18 juin 2019 ;

2°) de rejeter les conclusions présentées par M. E... devant le tribunal.

Le préfet de police soutient que :

- c'est à tort que le premier juge a considéré qu'il ne pouvait prononcer à l'encontre de M. E... une mesure d'éloignement sans avoir au préalable examiné sa demande d'asile, dans la mesure où l'intéressé ne justifie pas avoir déposé une seconde demande d'asile et n'a entamé aucune démarche ni pendant sa rétention, ni après, ni depuis la notification du jugement attaqué ;

- les autres moyens soulevés par M. E... en première instance ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à M. E..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ressortissant pakistanais, né le 5 avril 1988, est entré en France

le 18 mai 2013 selon ses déclarations. Par un arrêté du 5 juin 2019, le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français, l'a privé d'un délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination. Par un arrêté du même jour, le préfet de police lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de douze mois. Le préfet de police fait appel du jugement du 18 juin 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé ces deux arrêtés.

Sur l'appel du préfet de police :

2. Aux termes de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l'Etat responsable en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013 (...) ou en application d'engagements identiques à ceux prévus par le même règlement, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Tout demandeur reçoit, dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu'il la comprend, une information sur ses droits et obligations en application dudit règlement, dans les conditions prévues à son article 4 (...) Lorsque l'enregistrement de sa demande d'asile a été effectué, l'étranger se voit remettre une attestation de demande d'asile dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont fixées par décret en Conseil d'Etat (...) La délivrance de cette attestation ne peut être refusée au motif que l'étranger est démuni des documents et visas mentionnés à l'article L. 211-1. Elle ne peut être refusée que dans les cas prévus aux 5° et 6° de l'article L. 743-2. ". L'article R. 741-2 du même code dispose : " Lorsque l'étranger se présente en personne auprès de l'office français de l'immigration et de l'intégration, des services de police ou de gendarmerie ou de l'administration pénitentiaire, en vue de demander l'asile, la personne est orientée vers l'autorité compétente (...) ". Aux termes de l'article L. 743-1 du même code : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent. ". L'article L. 743-2 du même code dispose que : " Par dérogation à l'article L. 743-1, sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : / (...) / 4° L'étranger n'a introduit une première demande de réexamen, qui a fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité par l'office en application du 3° de l'article L. 723-11, qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement ; (...) 5° L'étranger présente une nouvelle demande de réexamen après le rejet définitif d'une première demande de réexamen / (...) ".

3. Il ressort de ces dispositions combinées que l'autorité de police est tenue de transmettre au préfet et ce dernier d'enregistrer une demande d'admission au séjour lorsqu'un étranger, lors de son interpellation, formule une demande d'asile. Ces dispositions font dès lors obstacle à ce que le préfet fasse usage des pouvoirs que lui confère le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en matière d'éloignement des étrangers en situation irrégulière, avant d'avoir statué sur cette demande d'admission au séjour déposée au titre de l'asile. Dans l'hypothèse où une première demande d'asile a été antérieurement rejetée, le préfet peut toutefois décider, sur le fondement des dispositions des alinéas 4 et 5 de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité, l'éloignement d'un ressortissant étranger à la double condition que cet office ait rejeté la première demande de réexamen pour irrecevabilité et qu'elle n'ait été présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement.

4. Il ressort des pièces du dossier que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté la demande d'asile présentée par M. E... le 31 juillet 2015, et que la Cour nationale du droit d'asile a confirmé ce rejet par une décision du 31 mars 2016. Il ressort des pièces du dossier et notamment des procès-verbaux établis par les services de police que M. H... a, le 5 juin 2019, au cours de son audition consécutive à son interpellation, indiqué séjourner en France pour faire une demande l'asile et qu'il a, le même jour, refusé de signer le procès-verbal récapitulatif de retenue au motif qu'il avait " peur pour sa vie au pays ". Il doit donc être regardé comme ayant sollicité, durant son audition, un premier réexamen de sa demande d'asile initiale, quand bien même il n'avait entamé aucune démarche en ce sens avant son interpellation. Le préfet de police ne peut pas plus utilement faire valoir que M. H... n'a pas saisi l'Office français de protection des réfugiés et apatrides d'une demande de réexamen après la fin de sa rétention, cette circonstance étant postérieure à l'arrêté contesté. Dans ces conditions, le préfet de police ne pouvait prendre une mesure d'éloignement à l'égard de M. E... qu'à la condition que cette première demande de réexamen ait fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Or, il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'une telle décision d'irrecevabilité ait été prise par cet office. Par suite, l'arrêté du 5 juin 2019, par lequel le préfet de police a fait obligation à M. E... de quitter le territoire, est entaché d'une erreur de droit. Par voie de conséquence, les décisions portant privation d'un délai de départ volontaire, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire doivent être également annulées.

5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 5 juin 2019 faisant obligation à M. E... de quitter le territoire français, le privant d'un délai de départ volontaire et fixant le pays de destination, ainsi que l'arrêté du même jour lui interdisant de retourner sur le territoire français pour une durée de douze mois.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. D... E....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 1er octobre 2020 à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- M. A..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 octobre 2020.

Le rapporteur,

F. A...Le président,

J. LAPOUZADELe greffier,

A. LOUNISLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19PA03411 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19PA03411
Date de la décision : 22/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. François DORE
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : LUCIANO

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-10-22;19pa03411 ?
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