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22/10/2020 | FRANCE | N°18PA00186

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 22 octobre 2020, 18PA00186


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler partiellement l'arrêté du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, en date du 1er juin 2015, la nommant ingénieur stagiaire de l'agriculture et de l'environnement à compter du 1er juin 2015, ainsi que la décision implicite du 15 septembre 2015 de rejet de son recours gracieux, en tant que ces décisions l'ont classée à l'échelon 4 du corps des ingénieurs de l'agriculture et de l'environnement (IAE), à l'indice brut 49

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler partiellement l'arrêté du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, en date du 1er juin 2015, la nommant ingénieur stagiaire de l'agriculture et de l'environnement à compter du 1er juin 2015, ainsi que la décision implicite du 15 septembre 2015 de rejet de son recours gracieux, en tant que ces décisions l'ont classée à l'échelon 4 du corps des ingénieurs de l'agriculture et de l'environnement (IAE), à l'indice brut 492 correspondant à l'indice nouveau majoré 425 et de faire injonction au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt de la reclasser en tenant compte, au titre de sa rémunération antérieure de référence en qualité d'agent contractuel, d'une rémunération à taux plein et non à taux partiel, et en y intégrant le solde de la prime spéciale de résultats brut perçu en juillet 2014.

Par un jugement n° 1509222 du 14 novembre 2017, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 16 janvier 2018, 20 novembre 2018 et 5 septembre 2019, Mme C..., représentée par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Melun n° 1509222 en date du 14 novembre 2017 ;

2°) d'annuler partiellement l'arrêté du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt en date du 1er juin 2015 la nommant ingénieur stagiaire de l'agriculture et de l'environnement à compter du 1er juin 2015 et fixant sa situation administrative, et annuler la décision implicite de rejet du 15 septembre 2015, en tant que ces décisions l'ont classée à l'échelon 4 du corps des IAE, à l'indice brut 492 et à l'indice majoré 425, et ont fixé de façon erronée sa rémunération ;

3°) d'enjoindre à l'administration de reconstituer sa situation en tenant compte, au titre de sa rémunération antérieure de référence en qualité d'agent contractuel, d'une rémunération à taux plein et non à taux partiel, et en y intégrant le solde de la prime spéciale de résultats brut, perçu en

juillet 2014 ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 000 euros par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre de la première instance et de l'instance d'appel.

Elle soutient que les décisions :

- ont été prises en méconnaissance du II de l'article 12 du décret du 23 décembre 2006 et de l'article 1 de l'arrêté du 29 juin 2017 ;

- méconnaissent le principe d'égalité entre fonctionnaires d'un même corps placés dans des situations comparables ;

- méconnaissent le principe d'égalité entre agents travaillant à temps plein et agents travaillant à temps partiel ;

- méconnaissent le principe de non-discrimination entre hommes et femmes.

Par des mémoires en défense enregistrés les 10 octobre 2018 et 14 janvier 2020, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- le décret n° 2005-1784 du 30 décembre 2005 relatif au régime indemnitaire applicable aux personnels de l'Office national des forêts ;

- le décret n° 2006-8 du 4 janvier 2006 relatif au statut particulier du corps des ingénieurs de l'agriculture et de l'environnement ;

- le décret n° 2006-1827 du 23 décembre 2006 relatif aux règles du classement d'échelon consécutif à la nomination dans certains corps de catégorie A de la fonction publique de l'État ;

- l'arrêté du 29 juin 2007 fixant le pourcentage et les éléments de rémunération pris en compte pour le maintien partiel de la rémunération de certains agents non titulaires accédant à un corps soumis aux dispositions du décret n° 2006-1827 du 23 décembre 2006 relatif aux règles du classement d'échelon consécutif à la nomination dans certains corps de catégorie A de la fonction publique de l'État ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de Mme Lescaut, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... était agent contractuel de l'Office national des forêts (ONF), en contrat à durée indéterminée et employée à temps partiel à 80 %, lorsqu'elle a été admise au concours réservé d'accès des agents non titulaires au corps des ingénieurs de l'agriculture et de l'environnement. Par un arrêté du 1er juin 2015, le ministre de l'agriculture l'a nommée ingénieur de l'agriculture et de l'environnement (IAE) stagiaire à compter de cette même date et l'a affectée à l'Office national des forêts. L'article 2 de ce même arrêté du 1er juin 2015 a fixé son traitement de fonctionnaire stagiaire au 4ème échelon de l'indice brut 492. Par un autre arrêté daté du même jour, elle a été autorisée à poursuivre son activité à temps partiel à 80 % en qualité de fonctionnaire stagiaire. Mme C... relève appel du jugement en date du 14 novembre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 1er juin 2015 et de la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique en tant que ces décisions l'ont classée à l'échelon 4 du grade et du corps des ingénieurs de l'agriculture et de l'environnement, soit à l'indice brut 492.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Premièrement, aux termes du 1° de l'article 7 I du décret n° 2006-1827 du

23 décembre 2006 : " Les services accomplis dans des fonctions du niveau de la catégorie A sont retenus à raison de la moitié de leur durée jusqu'à douze ans et des trois quarts de cette durée au-delà de douze ans ; ". Aux termes du II de l'article 12 de ce même décret : " [...] Les agents qui avaient, avant leur nomination, la qualité d'agent non titulaire de droit public et qui sont classés en application de l'article 7 à un échelon doté d'un traitement dont le montant est inférieur à celui de la rémunération qu'ils percevaient avant leur nomination conservent à titre personnel le bénéfice d'un traitement représentant une fraction conservée de leur rémunération antérieure, jusqu'au jour où ils bénéficient dans leur nouveau grade d'un traitement au moins égal au montant ainsi déterminé. (...) La fraction mentionnée ci-dessus et les éléments de la rémunération antérieure pris en compte sont fixés par arrêté des ministres chargés de la fonction publique et du budget.[...]

La rémunération antérieure prise en compte pour l'application des dispositions des alinéas précédents est celle qui a été perçue par l'agent intéressé au titre du dernier emploi occupé par lui avant sa nomination dans lequel il justifie d'au moins six mois de services effectifs au cours des douze mois précédant cette nomination. "

3. Deuxièmement, aux termes de l'article 1 de l'arrêté du 29 juin 2007 : " Le traitement maintenu, à titre personnel, en application du II de l'article 12 du décret du 23 décembre 2006 susvisé est celui qui correspond à l'indice majoré le plus proche de celui qui permet à l'intéressé d'obtenir un traitement mensuel brut égal à 70 % de sa rémunération mensuelle antérieure. ".

Aux termes de l'article 2 de ce même arrêté : " La rémunération mensuelle antérieure prise en compte pour l'application de l'article 1er est la moyenne des six meilleures rémunérations mensuelles perçues par l'agent dans son dernier emploi, au cours de la période de douze mois précédant la nomination dans un corps de catégorie A. La rémunération considérée ne comprend aucun élément de rémunération accessoire lié à la situation familiale, au lieu de travail ou aux frais de transport [...] ".

4. Il résulte des dispositions précitées qu'un agent non titulaire de droit public classé, lors de sa nomination dans le grade d'ingénieur de l'agriculture et de l'environnement, à un échelon doté d'un traitement dont le montant est inférieur à la rémunération qu'il percevait avant sa nomination conserve à titre personnel le bénéfice d'un traitement correspondant à l'indice majoré le plus proche de celui permettant d'obtenir un traitement mensuel brut égal à 70 % de sa rémunération mensuelle antérieure. Ces mêmes dispositions prévoient que la rémunération antérieure doit être évaluée au regard des six meilleures rémunérations mensuelles perçues dans le dernier emploi, sur une période de douze mois précédant la nomination dans un corps de fonctionnaires de catégorie A.

5. Mme C... exerce ses fonctions à temps partiel selon une quotité de 80 % depuis 2013. Le ministre de l'agriculture a déterminé le montant de référence de sa rémunération de contractuelle en prenant en compte le montant des six meilleures rémunérations mensuelles, calculées selon la quotité précitée qu'elle a effectivement perçues avant sa nomination. Depuis sa nomination comme ingénieur de l'agriculture et de l'environnement, Mme C... perçoit, eu égard à son temps partiel selon une quotité de 80 % appliquée au montant de référence précité, un traitement mensuel représentant en fait 64,72 % de sa rémunération mensuelle moyenne antérieure. La requérante soutient que les dispositions dont le ministre de l'agriculture a fait application ne permettent pas, compte tenu de son temps partiel, de lui assurer un traitement mensuel au moins égal à 70 % de sa rémunération mensuelle antérieure, contrairement aux agents exerçant leurs fonctions à temps plein.

6. Le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire traite de manière différente des agents appartenant à un même corps si cette différence de traitement est justifiée par les conditions d'exercice des fonctions, par les nécessités ou l'intérêt général du service et si elle n'est pas manifestement disproportionnée au regard des objectifs susceptibles de la justifier.

7. Les dispositions précitées du décret du 23 décembre 2006 et de l'arrêté du 29 juin 2007 ont pour objet de garantir aux agents nommés dans certains corps de catégorie A de la fonction publique de l'État un montant de traitement au moins égal à 70 % du montant de la rémunération qu'ils percevaient avant leur nomination. Ces dispositions, qui ne prennent pas en compte la situation des agents exerçant leurs fonctions à temps partiel, ne permettent pas d'assurer à ces agents le montant de rémunération minimal qu'elles prévoient et ont pour effet de les traiter de manière moins favorable que les agents à temps plein appartenant à un même corps. Cette différence de traitement n'est pas justifiée par les conditions d'exercice des fonctions et par les nécessités ou l'intérêt général du service. Le ministre de l'agriculture ne fait état d'aucun objectif susceptible de justifier une telle différence de traitement.

8. Par ailleurs, et ainsi qu'il a été dit, la rémunération antérieure servant au calcul du montant de référence doit être évaluée au regard des six meilleures rémunérations mensuelles perçues dans le dernier emploi au cours des douze mois précédant la titularisation. Le ministre de l'agriculture devait donc tenir compte du solde de la prime de service et de résultats versée à Mme C... au mois de juillet 2014, pendant la période de référence prise en compte pour le calcul de sa rémunération mensuelle antérieure, alors même que ce solde lui a été accordé au titre de l'année 2013.

9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Eu égard au motif d'annulation des décisions contestées, l'exécution du présent arrêt implique que l'administration fixe le traitement personnel de Mme C... de façon à ce qu'il corresponde effectivement à l'indice le plus proche de celui qui permet à l'intéressée d'obtenir un traitement mensuel brut égal à 70 % de sa rémunération mensuelle antérieure, en prenant en compte le solde de la prime de service et de résultats versé en juillet 2014 dans cette rémunération antérieure servant de référence pour le calcul du traitement.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à Mme C... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Melun n° 1509222 du 14 novembre 2017 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt du 1er juin 2015 et la décision implicite de rejet du 15 septembre 2015 sont annulés en tant qu'ils fixent à l'indice 492 le traitement personnel de l'intéressée dans le grade d'ingénieur de l'agriculture et de l'environnement.

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'agriculture et de l'alimentation de fixer le traitement personnel de Mme C... de façon à ce qu'il corresponde effectivement à l'indice le plus proche de celui qui permet à l'intéressée d'obtenir un traitement mensuel brut égal à 70 % de sa rémunération mensuelle antérieure, en prenant en compte le solde de la prime de service et de résultats versé en juillet 2014 dans cette rémunération antérieure servant de référence pour le calcul du traitement.

Article 4 : L'État versera à Mme C... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Délibéré après l'audience du 24 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- M. Platillero, président-assesseur,

- Mme B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 octobre 2020.

Le rapporteur,

I. B...Le président,

S. L. FORMERY

La greffière,

F. DUBUY-THIAM

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA00186


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA00186
Date de la décision : 22/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Agriculture et forêts - Bois et forêts - Gestion des forêts - Office national des forêts et autres organismes de gestion.

Fonctionnaires et agents publics - Changement de cadres - reclassements - intégrations.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: Mme Isabelle MARION
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : GARANT des VILLETTES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-10-22;18pa00186 ?
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