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20/10/2020 | FRANCE | N°19PA02330

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 20 octobre 2020, 19PA02330


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure:

M. B... G... a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant :

1°) à l'annulation de la décision du 29 juin 2017 de la directrice générale du Centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Besançon refusant de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle et rejetant ses demandes indemnitaires tendant à la réparation des divers préjudices subis en raison du harcèlement moral dont il s'estime victime, d'un préjudice de santé à la suite de l'accident de service et

d'un manquement à l'obligation de sécurité de sa santé physique et mentale ;

2°) à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure:

M. B... G... a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant :

1°) à l'annulation de la décision du 29 juin 2017 de la directrice générale du Centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Besançon refusant de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle et rejetant ses demandes indemnitaires tendant à la réparation des divers préjudices subis en raison du harcèlement moral dont il s'estime victime, d'un préjudice de santé à la suite de l'accident de service et d'un manquement à l'obligation de sécurité de sa santé physique et mentale ;

2°) à la condamnation du CHRU de Besançon à lui verser la prime d'encadrement doctoral d'un montant de 12 000 euros, ainsi que les sommes de 20 000 euros au titre de la reconstitution de sa carrière, 20 000 euros au titre du préjudice de santé, 12 099,97 euros TTC au titre des frais et honoraires déboursés au titre de la protection fonctionnelle et 15 000 euros au titre du préjudice moral ;

3°) à ce qu'il soit fait injonction au CHRU de Besançon de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle en raison du harcèlement moral subi, outre des conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°1713884/2-2 du 2 mai 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour:

Par une requête, enregistrée le 17 juillet 2019, un mémoire ampliatif, enregistré le 17 septembre 2019, et un mémoire en réplique, enregistré le 25 septembre 2020, M. G..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 2 mai 2019 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision mentionnée ci-dessus du 29 juin 2017 ;

3°) de condamner le CHRU de Besançon à lui verser la prime d'encadrement doctoral d'un montant de 12 000 euros ainsi que les sommes de 20 000 euros au titre de la reconstitution de sa carrière, 20 000 euros au titre du préjudice de santé, 14.788,89 euros TTC au titre des frais et honoraires déboursés au titre de la protection fonctionnelle et 15 000 euros au titre du préjudice moral ;

4°) de mettre à la charge du CHRU de Besançon une somme de 2.500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier pour insuffisance de motivation et défaut de réponse au moyen tiré du manquement du CHRU de Besançon à son obligation de protection envers ses agents ;

- le jugement attaqué est mal fondé car c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il n'avait pas fait l'objet de harcèlement moral ;

- le CHRU a commis une faute en ne saisissant pas le CHSCT.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 3 décembre 2019 et 1er octobre 2020, le Centre hospitalier régional universitaire de Besançon, représenté par Me F..., conclut au rejet de la requête et demande, en outre, qu'une somme de 3.000 euros soit mise à la charge de M. G... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- à titre principal, la requête est irrecevable car tardive ;

- à titre subsidiaire, les moyens soulevés par M. G... sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. E...,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant le Centre hospitalier régional universitaire de Besançon.

Une note en délibéré, enregistrée le 11 octobre 2020, a été produite pour M. G....

Considérant ce qui suit :

1. M. G... a été nommé professeur des universités-praticien hospitalier en 1994. Rattaché à l'université de Franche-Comté, il a alors été affecté au Centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Besançon. De 1994 à 2010, il a occupé le poste de chef de service de radiologie A du site Minjoz du CHRU qui comportait trois services de radiologie. En 2006, M. A..., professeur des universités-praticien hospitalier, a été nommé coordonnateur du pôle imagerie pour une durée de quatre années, sous la nouvelle dénomination de chef de pôle en 2009. Au cours de l'année 2012, le pôle imagerie a été restructuré à la suite de la fusion des deux sites. Par décision du 14 mars 2013, le directeur général du CHRU a mis fin aux fonctions du professeur G... en qualité de responsable de structure interne.

Le 19 février 2014, il a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie, ce qui a été accepté par décision du 12 octobre 2015, du président de l'Université. Par courrier du 1ermai 2017, M. G... a demandé le bénéfice de la protection fonctionnelle, la réparation des préjudices subis du fait du harcèlement moral dont il s'estime victime, mais par décision du 29 juin 2017, la directrice générale du CHRU a rejeté ses demandes.

M. G... a alors saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de cette décision et à la condamnation du CHRU de Besançon à lui verser diverses indemnités au titre des préjudices subis. Par un jugement du 2 mai 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. M. G... relève appel de ce jugement.

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le CHRU de Besançon :

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, les premiers juges qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments présentés par M. G... à l'appui de ses moyens et conclusions, ont répondu de façon circonstanciée aux points 5 à 14 de leur jugement sur l'existence de faits de harcèlement moral susceptible d'engager la responsabilité du CHRU de Besançon.

3. En second lieu, les premiers juges ont répondu au point 16 du jugement attaqué au moyen tiré de la méconnaissance de l'obligation de protection de l'employeur envers ses agents.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. En premier lieu, la décision de rejet de la réclamation préalable du 29 juin 2017 mentionne l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et précise que M. G... n'apporte pas d'élément de preuve ou document établissant des faits constitutifs de harcèlement moral. Par suite, cette décision qui comporte les considérations de fait et de droit est suffisamment motivée. Le moyen tiré du défaut de motivation doit donc être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires visée ci-dessus : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. (...) ". Aux termes du IV de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : " IV.-La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. ".

6. D'une part, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. D'autre part, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui, le préjudice résultant de ces agissements devant alors être intégralement réparé.

7. M. G... soutient d'abord que la réorganisation du service intervenue au cours de l'année 2010 n'avait pour but que de l' évincer. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que la réorganisation du pôle imagerie en quatre services, M. G... étant devenu responsable de l'un d'entre eux, aurait eu pour objet, ou pour effet de l'évincer de ses fonctions précédentes ou de diminuer son niveau de responsabilité. Cette réorganisation a en effet été décidée à la suite de l'entrée en vigueur de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires et était justifiée par la nécessité d'une mutualisation des personnels et des plateaux techniques radiologiques, d'une restructuration physique du pôle en un seul lieu et de la disparition de doublons. Ce projet de réorganisation du pôle de radiothérapie a par ailleurs reçu l'avis favorable à l'unanimité de la commission médicale d'établissement le 14 septembre 2010. Dans ces conditions, ni cette restructuration décidée dans l'intérêt du service, ni les agissements dont fait état M. G... ne sont de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral. M. G... soutient également qu'il a fait l'objet de dénigrement de la part du Pr B. auprès de collaborateurs et des maîtres de conférences universitaires le conduisant à abandonner ses travaux de publications en collaboration avec d'autres membres du pôle imagerie. Toutefois, le seul courriel d'un médecin hospitalier adressé à son fils ne permet pas d'établir l'intention de nuire à sa réputation dans le cadre de ses travaux universitaires. Enfin, si M. G... soutient que le professeur B. aurait fait pression sur un cadre de pôle ainsi que sur sa secrétaire afin de faire modifier, à son insu, un courriel destiné à l'Agence régionale de santé, il n'établit pas la réalité de ses allégations.

8. M. G... soutient aussi qu'il a été injustement accusé par le Pr B. de propos à connotation raciste et diffamatoire. Toutefois, il ressort des attestations des trois autres professeurs du pôle imagerie que M. G... a tenu le 3 octobre 2012 des propos diffamatoires à l'encontre du professeur B. lui reprochant son incompétence, son ingratitude à son égard, son absence de légitimité pour occuper le poste de chef de pôle, son obséquiosité vis-à-vis de la direction ainsi que l'absence de valeur de ses diplômes obtenus à l'étranger. Dès lors, en alertant le directeur du CHRU sur le comportement de M. G..., le Pr B. ne s'est pas livré à des accusations mensongères même si M. G... n'a pas entendu tenir des propos à caractère raciste. De même, contrairement à ce que soutient M. G..., ni le courrier du 18 octobre 2012 que lui ont adressé le directeur de l'Université de France Comté et le directeur général du CHRU mentionnant que, si les faits étaient avérés, ils seraient de nature à porter atteinte au bon fonctionnement du service et souhaitant recueillir ses explications, ni le courrier du 4 décembre 2012 lui demandant, après l'avoir reçu le même jour, ses explications sous huit jours, ni le refus de lui transmettre le courrier du Pr B. dans le but d'apaiser les tensions au sein du service, n'ont méconnu le principe du contradictoire et ne sont pas de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral.

9. Par ailleurs, les branches du moyen tirées de la dégradation matérielle des conditions de travail et des obstacles au recrutement de son fils doivent être écartées par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges respectivement aux points 10 et 11 du jugement attaqué.

10. Enfin, contrairement à ce que soutient M. G..., la décision du directeur général du CHRU du 14 mars 2013 mettant fin à ses fonctions de responsable de structure au sein du pôle imagerie, qui a été prise postérieurement à l'avis de la commission médicale d'établissement qui a rendu un avis défavorable au maintien de l'intéressé en tant que responsable de structure interne par 29 votes défavorables et 5 abstentions, est une décision prise dans l'intérêt du service et ne saurait pas plus faire présumer l'existence de faits de harcèlement moral.

11. Dans ces conditions, M. G... ne saurait être regardé comme apportant au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait entachée d'une erreur de fait et d'une erreur de droit au motif qu'il a été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral et qu'il aurait dû à ce titre bénéficier de la protection fonctionnelle, ne peut donc qu'être écarté.

12. En dernier lieu, si M. G... soutient que le CHRU a manqué à son obligation de sécurité en s'abstenant notamment de saisir le CHSCT, il résulte de ce qui a été dit aux points 5 à 11 qu'il ne justifiait d'aucune circonstance particulière telle que le CHSCT aurait dû être saisi. Ce dernier moyen doit donc être écarté et les conclusions à fin d'annulation de la décision rejetant sa réclamation préalable du 29 juin 2017 rejetées. Par voie de conséquence, le CHRU n'ayant commis aucune faute, les conclusions indemnitaires de M. G... doivent également être rejetées.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. G... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. Enfin, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par le CHRU de Besançon au titre du même article.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. G... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du Centre hospitalier régional universitaire de Besançon présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... G... et au Centre hospitalier régional universitaire de Besançon.

Délibéré après l'audience du 6 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- M. E..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 octobre 2020.

Le rapporteur,

D. PAGESLe président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19PA02330 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA02330
Date de la décision : 20/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-07 Fonctionnaires et agents publics. Statuts, droits, obligations et garanties.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : MAZZA

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-10-20;19pa02330 ?
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