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20/10/2020 | FRANCE | N°18PA00114

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 20 octobre 2020, 18PA00114


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par quatre demandes distinctes, les sociétés Bétons Equipements d'Océanie (BEO), Aspac Signalétique et Entreprise Pierre F Sarl ont demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie :

1°) d'annuler le décompte général du marché passé pour la réalisation des travaux de signalisation sur le projet Néobus fixant à zéro le montant des sommes restant dues, ainsi que la décision rejetant implicitement leur mémoire de réclamation ;

2°) de condamner le Syndicat mixte des transports

urbains du grand Nouméa (SMTU) à leur verser la somme totale de 157 500 000 francs CFP TTC en ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par quatre demandes distinctes, les sociétés Bétons Equipements d'Océanie (BEO), Aspac Signalétique et Entreprise Pierre F Sarl ont demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie :

1°) d'annuler le décompte général du marché passé pour la réalisation des travaux de signalisation sur le projet Néobus fixant à zéro le montant des sommes restant dues, ainsi que la décision rejetant implicitement leur mémoire de réclamation ;

2°) de condamner le Syndicat mixte des transports urbains du grand Nouméa (SMTU) à leur verser la somme totale de 157 500 000 francs CFP TTC en application du premier alinéa de l'article 10.1 du CCAP du marché ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner le SMTU à leur verser la somme totale de 102 344 401 francs CFP TTC au titre des préjudices subis du fait de la résiliation de ce marché.

Par un jugement n°1700216 du 19 octobre 2017, le Tribunal administratif de

Nouvelle-Calédonie a partiellement fait droit à la demande présentée sous ce n° au nom des sociétés BEO, Aspac Signalétique et Entreprise Pierre F Sarl en condamnant le SMTU à leur verser la somme totale de 64 946 207 francs CFP.

Par un jugement n°1700285, 1700286, 1700287 du 30 janvier 2018, le tribunal administratif a constaté un non-lieu-à-statuer sur les conclusions des demandes présentées sous chacun de ces trois n°s, respectivement par la société Entreprise Pierre F Sarl, par la société BEO et par la société Aspac Signalétique, tendant à l'annulation du décompte général du marché et à l'indemnisation du manque-à-gagner à hauteur de 64 946 207 francs CFP, et a rejeté le surplus des conclusions de ces demandes.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée sous le n° 18PA0114 le 12 janvier 2018, et par un mémoire complémentaire, enregistré le 2 mars 2018, le Syndicat mixte des transports urbains du grand Nouméa (SMTU), représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie du

19 octobre 2017, en ce qu'il a pour partie fait droit à la demande présentée sous le n° 1700216 par les sociétés BEO, Aspac Signalétique et Entreprise Pierre F Sarl devant le tribunal administratif ;

2°) de rejeter cette demande ;

3°) de mettre à la charge des sociétés BEO, Aspac Signalétique et Entreprise Pierre F Sarl une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal administratif a à tort écarté la fin de non-recevoir qu'il avait soulevée, tirée de l'absence de qualité du mandataire pour représenter les membres du groupement, lors de la présentation du mémoire de réclamation et de la demande devant le tribunal administratif ;

- il a, à tort, jugé que la résiliation du marché n'était pas intervenue pour un motif d'intérêt général, alors qu'elle a été décidée en conséquence d'une modification du tracé pour motif budgétaire, le projet de ligne 2 allant vers le Mont Dore ayant été abandonné ;

- l'article 10.1 du CCAP exclut toute possibilité d'indemnisation en cas de résiliation pour motif d'intérêt général ;

- l'étude menée par un cabinet d'expertise comptable sur laquelle le tribunal s'est fondé pour évaluer le manque-à-gagner ne lui a été communiquée que deux jours avant la tenue de l'audience, alors que l'instruction était close, si bien qu'il n'a pu y répondre ;

- cette étude, dépourvue de toute pièce justificative, n'était pas suffisante pour établir la réalité de ce manque-à-gagner.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 décembre 2018, les sociétés BEO, Aspac Signalétique et Entreprise Pierre F Sarl, représentées par Me A..., demandent à la Cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident :

- de réformer le jugement du tribunal administratif,

- d'annuler le décompte général du marché mentionné ci-dessus, ainsi que la décision rejetant implicitement leur mémoire de réclamation,

- de condamner le SMTU à leur verser la somme totale de 150 000 000 francs CFP HT en application de l'article 10.1 du CCAP,

- subsidiairement, de condamner le SMTU à leur verser, outre la somme de

64 927 207 francs CFP, une somme de 90 000 000 francs CFP ;

3°) de mettre à la charge du SMTU une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- les moyens invoqués par le SMTU ne sont pas fondés ;

- à titre principal, en application de l'article 10.1 du CCAP, la résiliation pour motif d'intérêt général aurait dû conduire à une indemnisation totale à hauteur de 150 000 000 francs CFP HT ; le jugement du tribunal administratif qui n'a pas véritablement répondu à leur argumentation sur ce point, doit donc être réformé ;

- subsidiairement, à supposer que cette interprétation de l'article 10.1 du CCAP ne soit pas retenue, elles contestent l'existence d'un motif d'intérêt général ; la condamnation à une somme de 64 927 207 francs CFP, prononcée par le tribunal administratif, doit être complétée par une condamnation à une somme de 90 000 000 francs CFP correspondant au coût de l'immobilisation des moyens des entreprises pendant trois ans.

Par une ordonnance du 10 décembre 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au

10 janvier 2019.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le présent arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation du décompte et de la décision implicite de rejet du mémoire de réclamation, le juge du contrat n'ayant pas le pouvoir d'annuler les mesures d'exécution du marché.

Un mémoire a été présenté pour les sociétés BEO, Aspac Signalétique et Entreprise Pierre F Sarl le 6 octobre 2020.

II. Par une requête, enregistrée sous le n° 18PA01445 le 29 avril 2018, la société Bétons Equipements d'Océanie (BEO), représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1700285, 1700286, 1700287 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie du 30 janvier 2018 ;

2°) dans l'hypothèse où le jugement n°1700216 du 19 octobre 2017 serait annulé en raison de l'irrecevabilité de la demande présentée devant le tribunal administratif :

- d'annuler le décompte général du marché mentionné ci-dessus, ainsi que la décision rejetant implicitement le mémoire de réclamation,

- de condamner le SMTU à lui verser la somme de 83 452 547 francs CFP TTC en application de l'article 10.1 du CCAP ou, subsidiairement, la somme de 48 892 547 francs CFP,

- à titre très subsidiaire, d'ordonner une expertise avant-dire droit pour chiffrer le quantum des préjudices subis à la suite de la résiliation du marché ;

3°) de mettre à la charge du SMTU une somme de 500 000 francs CFP sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif ne pouvait constater un non-lieu-à-statuer sur certaines des conclusions de sa demande, en se fondant sur son jugement du 19 octobre 2017 qui, ayant été frappé d'appel le 12 janvier 2018, n'était pas devenu définitif ;

- dans l'hypothèse où le jugement du 19 octobre 2017 serait annulé en raison de l'irrecevabilité de la demande présentée devant le tribunal administratif, elle devrait être indemnisée en application de l'article 10.1 du CCAP, à raison de la résiliation pour motif d'intérêt général, à hauteur de 83 452 547 francs CFP ;

- subsidiairement, en l'absence d'un tel motif, elle devrait être indemnisée des préjudices subis à hauteur de 48 892,57 francs CFP.

La requête a été communiquée au SMTU, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Une mise en demeure a été adressée le 12 mars 2019 au SMTU.

Par une ordonnance du 12 mars 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au

12 avril 2019.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le présent arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation du décompte et de la décision implicite de rejet du mémoire de réclamation, le juge du contrat n'ayant pas le pouvoir d'annuler les mesures d'exécution du marché.

Un mémoire a été présenté pour les sociétés BEO, Aspac Signalétique et Entreprise Pierre F Sarl le 6 octobre 2020.

III. Par une requête, enregistrée sous le n° 18PA01446 le 29 avril 2018, la société Aspac Signalétique, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1700285, 1700286, 1700287 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie du 30 janvier 2018 ;

2°) dans l'hypothèse où le jugement n°1700216 du 19 octobre 2017 serait annulé en raison de l'irrecevabilité de la demande présentée devant le tribunal administratif :

- d'annuler le décompte général du marché mentionné ci-dessus, ainsi que la décision rejetant implicitement le mémoire de réclamation,

- de condamner le SMTU à lui verser la somme de 40 870 005 francs CFP TTC en application de l'article 10.1 du CCAP ou, subsidiairement, la somme de 22 915 005 francs CFP,

- à titre très subsidiaire, d'ordonner une expertise avant-dire droit pour chiffrer le quantum des préjudices subis à la suite de la résiliation du marché ;

3°) de mettre à la charge du SMTU une somme de 500 000 francs CFP sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif ne pouvait constater un non-lieu-à-statuer sur certaines des conclusions de sa demande, en se fondant sur son jugement du 19 octobre 2017 qui, ayant été frappé d'appel le 12 janvier 2018, n'était pas devenu définitif ;

- dans l'hypothèse où le jugement du 19 octobre 2017 serait annulé en raison de l'irrecevabilité de la demande présentée devant le tribunal administratif, elle devrait être indemnisée en application de l'article 10.1 du CCAP, à raison de la résiliation pour motif d'intérêt général, à hauteur de 40 870 005 francs CFP ;

- subsidiairement, en l'absence d'un tel motif, elle devrait être indemnisée des préjudices subis à hauteur de 22 915 005 francs CFP.

La requête a été communiquée au SMTU, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Une mise en demeure a été adressée le 12 mars 2019 au SMTU.

Par une ordonnance du 12 mars 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au

12 avril 2019.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le présent arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation du décompte et de la décision implicite de rejet du mémoire de réclamation, le juge du contrat n'ayant pas le pouvoir d'annuler les mesures d'exécution du marché.

Un mémoire a été présenté pour les sociétés BEO, Aspac Signalétique et Entreprise Pierre F Sarl le 6 octobre 2020.

IV. Par une requête, enregistrée sous le n° 18PA01447 le 29 avril 2018, la société Entreprise Pierre F Sarl, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1700285, 1700286, 1700287 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie du 30 janvier 2018 ;

2°) dans l'hypothèse où le jugement n°1700216 du 19 octobre 2017 serait annulé en raison de l'irrecevabilité de la demande présentée devant le tribunal administratif :

- d'annuler le décompte général du marché mentionné ci-dessus, ainsi que la décision rejetant implicitement le mémoire de réclamation,

- de condamner le SMTU à lui verser la somme de 33 177 448 francs CFP TTC en application de l'article 10.1 du CCAP ou, subsidiairement, la somme de 18 192 626 francs CFP,

- à titre très subsidiaire, d'ordonner une expertise avant-dire droit pour chiffrer le quantum des préjudices subis à la suite de la résiliation du marché ;

3°) de mettre à la charge du SMTU une somme de 500 000 francs CFP sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif ne pouvait constater un non-lieu-à-statuer sur certaines des conclusions de sa demande, en se fondant sur son jugement du 19 octobre 2017 qui, ayant été frappé d'appel le 12 janvier 2018, n'était pas devenu définitif ;

- dans l'hypothèse où le jugement du 19 octobre 2017 serait annulé en raison de l'irrecevabilité de la demande présentée devant le tribunal administratif, elle devrait être indemnisée en application de l'article 10.1 du CCAP, à raison de la résiliation pour motif d'intérêt général, à hauteur de 33 177 448 francs CFP ;

- subsidiairement, en l'absence d'un tel motif, elle devrait être indemnisée des préjudices subis à hauteur de 18 192 626 francs CFP.

La requête a été communiquée au SMTU, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Une mise en demeure a été adressée le 12 mars 2019 au SMTU.

Par une ordonnance du 12 mars 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au

12 avril 2019.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le présent arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation du décompte et de la décision implicite de rejet du mémoire de réclamation, le juge du contrat n'ayant pas le pouvoir d'annuler les mesures d'exécution du marché.

Un mémoire a été présenté pour les sociétés BEO, Aspac Signalétique et Entreprise Pierre F Sarl le 6 octobre 2020.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 modifiée relative à la Nouvelle-Calédonie ;

- la délibération n° 136/CP du 1er mars 1967 portant réglementation des marchés publics ;

- la délibération n° 64/CP du 10 mai 1989 fixant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux et aux marchés publics de fournitures courantes et de services passés en application de la délibération n° l36 du 1er mars 1967 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteur public.

- et les observations de Me B... pour les sociétés Bétons équipements d'Océanie, Aspac signalétique, et entreprise Pierre F Sarl.

Considérant ce qui suit :

1. Par quatre demandes distinctes, les sociétés Bétons équipements d'Océanie (BEO), Aspac signalétique et Entreprise Pierre F Sarl ont demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, à titre principal, d'annuler le décompte général du marché passé pour la réalisation des travaux de signalisation du projet " Néobus " fixant à zéro le montant des sommes restant dues, et de condamner le SMTU à leur verser la somme totale de 157 500 000 francs CFP TTC en application du premier alinéa de l'article 10.1 du CCAP du marché et, à titre subsidiaire, de condamner le SMTU à les indemniser des préjudices subis du fait de cette résiliation.

2. Par un jugement n°1700216 du 19 octobre 2017, le tribunal administratif a partiellement fait droit à la demande présentée sous ce n° au nom des sociétés BEO, Aspac Signalétique et Entreprise Pierre F Sarl en condamnant le SMTU à leur verser la somme totale de 64 946 207 francs CFP. Le SMTU et les trois sociétés font appel de ce jugement.

3. Par un jugement n°1700285, 1700286, 1700287 du 30 janvier 2018, le tribunal a constaté un non-lieu-à-statuer sur les conclusions des demandes présentées sous chacun de ces trois numéros, respectivement par la société Entreprise Pierre F Sarl, par la société BEO et par la société Aspac Signalétique, tendant à l'annulation du décompte général du marché et à leur indemnisation et a rejeté le surplus des conclusions de ces demandes. Les trois sociétés font appel de ce jugement.

4. Les requêtes du SMTU et des sociétés BEO, Aspac Signalétique et Entreprise Pierre F Sarl concernent le même marché et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.

Sur la requête du SMTU :

S'agissant de la régularité du jugement du 19 octobre 2017 :

5. Il ressort de la demande présentée devant le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie par les sociétés BEO, Aspac signalétique et Entreprise Pierre F SARL qu'elles avaient, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, demandé au tribunal administratif, à titre principal, d'annuler le décompte général du marché et de condamner le SMTU à leur verser la somme totale de157 500 000 francs CFP TTC en application du premier alinéa de l'article 10.1 du CCAP du marché et, à titre subsidiaire, de condamner le SMTU à les indemniser des préjudices subis du fait de cette résiliation. Dans son jugement, le tribunal administratif n'a, ainsi qu'elles le font valoir devant la Cour, pas répondu à leurs conclusions principales et s'est borné à faire partiellement droit à leurs conclusions subsidiaires. Elles sont donc fondées à demander l'annulation de ce jugement.

6. Il y a lieu pour la Cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée devant le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie au nom des sociétés BEO, Aspac Signalétique et Entreprise Pierre F Sarl.

En ce qui concerne la fin de non-recevoir soulevée par le SMTU et la société d'équipement de la Nouvelle-Calédonie (SECAL) devant le tribunal administratif :

7. L'article 13.5 du CCAG Travaux applicable, relatif au " Règlement en cas d'entrepreneurs groupés ou de sous-traitants payés directement ", prévoit : " (...) 13.52. Le mandataire ou l'entrepreneur est seul habilité à présenter les projets de décomptes et à accepter le décompte général ; sont seules recevables les réclamations formulées ou transmises par ses soins (...) ". L'article 44 de ce CCAG, relatif aux " Responsabilités résultant des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ", prévoit : " Le point de départ des responsabilités résultant des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil est fixé à la date d'effet de la réception, ou pour les ouvrages ou parties d'ouvrages ayant fait l'objet d'une réception partielle en application de l'article 42, à la date d'effet de cette réception partielle ". L'article 45 de ce CCAG, relatif à la " Résiliation du marché ", prévoit : " 45.1. Il peut être mis fin à l'exécution des travaux faisant l'objet du marché avant l'achèvement de ceux-ci, par une décision de résiliation du marché qui en fixe la date d'effet. / Le règlement du marché est fait alors selon les modalités prévues aux 3 et 4 de l'article 13, sous réserve des autres stipulations du présent article. / Sauf dans les cas de résiliation prévus aux articles 47 et 49, l'entrepreneur a droit à être indemnisé, s'il y a lieu, du préjudice qu'il subit du fait de cette décision. Il doit, à cet effet, présenter une demande écrite, dûment justifiée, dans le délai de quarante-cinq jours compté à partir de la notification du décompte général. 45.2. En cas de résiliation, il est procédé, l'entrepreneur ou ses ayants droits, tuteur, curateur ou syndic, dûment convoqués, aux constatations relatives aux ouvrages et parties d'ouvrages exécutés, à l'inventaire des matériaux approvisionnés, ainsi qu'à l'inventaire descriptif du matériel et des installations de chantier. Il est dressé procès-verbal de ces opérations. / L'établissement de ce procès-verbal emporte réception des ouvrages et parties d'ouvrages exécutés, avec effet de la date d'effet de la résiliation, tant pour le point de départ du délai de garantie défini à l'article 44 que pour le point de départ du délai prévu pour le règlement final du marché au 32 de l'article 13 (...) ". L'article 49 du même CCAG, relatif aux " Règlements des différends et litiges ", prévoit : " (...) 49.3. Procédure contentieuse : 49.31. Si, dans le délai de trois mois à partir de la date de réception par la personne responsable du marché de la lettre du mémoire de l'entrepreneur mentionné aux 21 et 22 du présent article, aucune décision n'a été notifiée à l'entrepreneur, ou si celui-ci n'accepte pas la décision qui lui a été notifiée, l'entrepreneur peut saisir le tribunal administratif compétent. II ne peut porter devant cette juridiction que les chefs et motifs de réclamation énoncés dans la lettre ou le mémoire remis à la personne responsable du marché. / 49.32. Si, dans le délai de six mois à partir de la notification à l'entrepreneur de la décision prise conformément au 23 du présent article sur les réclamations auxquelles a donné lieu le décompte général du marché, l'entrepreneur n'a pas porté ses réclamations devant le tribunal administratif compétent, il est considéré comme ayant accepté ladite décision et toute réclamation est irrecevable. / 49-4. Règlement des différends et litiges en cas d'entrepreneurs groupés conjoints : Lorsque le marché est passé avec des entrepreneurs groupés conjoints, le mandataire représente chacun d'eux pour l'application des dispositions du présent article jusqu'à la date, définie au 1 de l'article 44, à laquelle prennent fin les obligations contractuelles, chaque entrepreneur étant ensuite seul habilité à poursuivre les litiges qui le concernent ".

8. Si la résiliation du marché a, en vertu de ces dispositions, mis fin en ce qui concerne les prestations du marché, aux rapports contractuels entre le maître d'ouvrage et les sociétés BEO, Aspac Signalétique et Entreprise Pierre F Sarl qui avaient formé un groupement solidaire pour l'exécution du marché, elle n'a mis fin aux obligations des parties que dans cette mesure. Elle est en revanche restée sans incidence sur les droits et obligations financiers nés de l'exécution du marché dont la détermination n'intervient définitivement que lors de l'établissement du solde du décompte définitif. Le SMTU et la SECAL ne sont donc pas fondés à soutenir que les mémoires de réclamation du 24 novembre 2016 et du 24 mars 2017 ne pouvaient être régulièrement présentés au nom du groupement par la société BEO qui en était le mandataire. Ils ne sont pas davantage fondés à soutenir que la demande introduite au nom du groupement par la société BEO devant le tribunal administratif serait irrecevable. La même demande a, d'ailleurs, été présentée aussi au nom des trois sociétés membres du groupement.

En ce qui concerne les conclusions des sociétés BEO, Aspac Signalétique et Entreprise Pierre F Sarl tendant à l'annulation du décompte et de la décision implicite de rejet du mémoire de réclamation :

9. Il n'appartient pas au juge du contrat d'annuler les mesures d'exécution du marché. Les conclusions mentionnées ci-dessus ne peuvent donc qu'être rejetées comme irrecevables.

En ce qui concerne le surplus des conclusions des sociétés BEO, Aspac Signalétique et Entreprise Pierre F Sarl :

10. En vertu des règles générales applicables aux contrats administratifs, l'étendue et les modalités de l'indemnisation due par la personne publique à son cocontractant en cas d'annulation ou de résiliation pour un motif d'intérêt général du contrat peuvent être déterminées par les stipulations du contrat, sous réserve qu'il n'en résulte pas, au détriment de la personne publique, une disproportion manifeste entre l'indemnité ainsi fixée et le montant du préjudice résultant, pour le titulaire du contrat, des dépenses qu'il a exposées et du gain dont il a été privé.

11. D'une part, aux termes de l'article 10.1 du CCAP : " Le marché peut être résilié selon les dispositions prévues à l'article 45 du CCAG applicables aux marchés publics de travaux. / 10.1 Résiliation pour motif d'intérêt général : Le titulaire a droit au règlement minimum du marché diminué du montant HT non révisé des prestations reçues. / Le marché résilié, partiellement ou totalement, au motif de l'intérêt général n'ouvre pas, au profit de l'entrepreneur, droit à indemnité ". Si, comme le soutient le SMTU, ces stipulations excluent toute indemnisation, elles prévoient expressément le règlement au titulaire du marché, du minimum du marché diminué du montant HT non révisé des prestations reçues, soit en l'absence de telles prestations, 150 000 000 francs CFP HT.

12. D'autre part, il résulte de l'instruction, notamment de l'étude menée par un cabinet d'expertise comptable produite par les trois sociétés requérantes devant le tribunal administratif que, compte tenu des taux de marge nette de 34,60 % pour la société BEO, de 38,70 % pour l'entreprise Pierre F. Sarl et de 59,70 % pour la société Aspac signalétique, établis par les tableaux annexés à cette étude, et compte tenu de la répartition des tâches au sein du groupement, établie par la convention de groupement produite devant la Cour, que la réalisation du minimum des commandes prévues par le marché aurait permis à ces sociétés de générer une marge nette de 26 571 766 francs CFP pour la société BEO, de 12 882 921 francs CFP pour l'entreprise Pierre F. Sarl et de 23 828 757 francs CFP pour la société Aspac Signalétique.

13. Les sociétés BEO, Entreprise Pierre F Sarl et Aspac Signalétique ne sont par ailleurs pas fondées à demander le remboursement, au titre des dépenses qu'elles soutiennent avoir exposées, d'une somme de 892 500 francs CFP, correspondant à des études sur les prix proposés dans le cadre du marché, et d'une somme de 142 500 francs CFP correspondant aux frais administratifs attachés à la création du groupement, ces dépenses se rapportant à l'établissement de l'offre déposée dans le cadre de l'attribution du marché et étant intégrées dans le calcul de la marge nette mentionnée ci-dessus. Elles ne sont pas davantage fondées à demander une somme de 8 146 000 francs CFP à raison du recrutement de deux salariés pour les besoins du marché, sans produire aucune pièce de nature à l'établir, et diverses autres sommes au titre des fournitures et travaux préparatoires engagés pour le marché, à propos desquels elles ne produisent qu'une facture de la société Aspac Signalétique de 1 662 763 francs CFP pour des panneaux déjà sérigraphiés, qui peut donc seule leur être remboursée hors marge. Enfin, elles n'apportent aucun élément permettant de justifier des frais d'immobilisation et du renoncement à soumissionner à d'autres marchés, dont elles font état pour demander une somme de 90 000 000 francs CFP.

14. Il résulte de ce qui vient d'être dit que le préjudice subi par les sociétés BEO, Aspac Signalétique et Entreprise Pierre F Sarl, doit, compte tenu du manque-à-gagner mentionné ci-dessus de 63 283 444 francs CFP et des dépenses qu'elles justifient avoir exposées pour un montant de 670 093,49 francs CFP correspondant au montant de la facture de la société Aspac Signalétique de 1 662 763 francs CFP diminué d'une marge de 992 669,51 francs CFP, être évalué à 63 953 537,49 francs CFP.

15. Il résulte ainsi des stipulations de l'article 10.1 du CCAP, au détriment du SMTU, une disproportion manifeste entre le règlement qu'elles prévoient et le montant du préjudice résultant, pour les sociétés BEO, Aspac Signalétique et Entreprise Pierre F Sarl, des dépenses qu'elles ont exposées et du gain dont elles ont été privées.

16. Il résulte de tout ce qui précède que les sociétés BEO, Aspac Signalétique et Entreprise Pierre F Sarl sont seulement fondées à demander que le décompte général définitif du marché en litige inclut une somme totale de 63 953 537,49 francs CFP. Elles sont également fondées à demander, compte tenu de ce décompte, la condamnation du SMTU à leur verser cette somme.

Sur les requêtes des sociétés BEO, Aspac Signalétique et Entreprise Pierre F Sarl :

17. A la date à laquelle le tribunal administratif a, par l'article 1er de son jugement du

30 janvier 2018, constaté un non-lieu à statuer sur les conclusions aux fins d'annulation des demandes de chacune des sociétés BEO, Aspac Signalétique et Entreprise Pierre F Sarl, et sur leurs conclusions aux fins d'indemnisation à hauteur de 64 946 207 francs FCP, son jugement du 19 octobre 2017 condamnant le SMTU à leur verser une somme de 64 946 207 francs CFP, n'était pas définitif, puisqu'il était susceptible d'être frappé d'appel et avait d'ailleurs été effectivement frappé d'appel. Ces trois sociétés sont donc fondées à soutenir que le tribunal qui n'a pas fait usage de la faculté dont il disposait de joindre les demandes dont il était saisi pour statuer par une même décision, ne pouvait constater ce non-lieu à statuer, et à demander l'annulation de l'article 1er de son jugement du 30 janvier 2018.

18. Il y a lieu pour la Cour d'évoquer et, compte tenu de ce qui a été dit au point 16 de constater un non-lieu à statuer sur les conclusions des demandes présentées par chacune des sociétés BEO, Aspac Signalétique et Entreprise Pierre F Sarl devant le tribunal administratif.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des sociétés BEO, Aspac Signalétique et Entreprise Pierre F Sarl qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que le SMTU demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge du SMTU une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par les sociétés BEO, Aspac Signalétique et Entreprise Pierre F Sarl.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°1700216 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie du

19 octobre 2017 est annulé.

Article 2 : Le SMTU est condamné à verser la somme de 63 953 537,49 francs CFP aux sociétés BEO, Aspac signalétique et Entreprise Pierre F. Sarl.

Article 3 : L'article 1er du jugement n° 1700285, 1700286, 1700287 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie du 30 janvier 2018 est annulé.

Article 4 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions des demandes n°1700285, 1700286, 1700287 des sociétés Entreprise Pierre F Sarl, BEO et Aspac Signalétique devant le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie.

Article 5 : Le SMTU versera aux sociétés BEO, Aspac Signalétique et Entreprise Pierre F Sarl une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié au Syndicat mixte des transports urbains du grand Nouméa et aux sociétés Bétons équipements d'Océanie, Aspac Signalétique et Entreprise Pierre F Sarl.

Copie en sera adressée pour information au ministre des outre-mer ainsi qu'au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.

Délibéré après l'audience du 6 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. C..., président-assesseur,

- M. Pagès, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 octobre 2020.

Le rapporteur,

J-C. C...Le président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°s 18PA00114-18PA01445-18PA01446-18PA01447


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA00114
Date de la décision : 20/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Fin des contrats - Résiliation.

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat.

Procédure - Incidents - Non-lieu.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : SELARL D'AVOCATS ROYANEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-10-20;18pa00114 ?
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