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15/10/2020 | FRANCE | N°20PA01267

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 15 octobre 2020, 20PA01267


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 11 avril 2019 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 1908196/3-2 du 11 mars 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 30 avril 2020, et un mémoire enregistré le 21 juillet 2020, M. C..., représenté par Me E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1908196/3

-2 du 11 mars 2020 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la déc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 11 avril 2019 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 1908196/3-2 du 11 mars 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 30 avril 2020, et un mémoire enregistré le 21 juillet 2020, M. C..., représenté par Me E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1908196/3-2 du 11 mars 2020 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 11 avril 2019 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'inspecteur du travail qui a pris la décision litigieuse était territorialement incompétent ;

- le caractère contradictoire de l'enquête menée par l'inspecteur du travail a été méconnu ;

- l'entretien préalable qui s'est déroulé le 1er février 2019 est entaché d'irrégularité ;

- la décision litigieuse de l'inspecteur du travail est entachée d'une erreur de fait ;

- il existe un lien entre la demande d'autorisation de licenciement et le mandat qu'il détenait et il a fait l'objet d'une discrimination syndicale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juillet 2020, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 10 août 2020, la société anonyme d'économie mixte d'exploitation du stationnement de la ville de Paris (SAEMES), représentée par Me F..., conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 ;

- le décret n° 2017-1819 du 29 décembre 2017 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,

- et les observations de Me E..., avocat de M. C....

Considérant ce qui suit :

1. Par un courrier du 28 février 2019, la société anonyme d'économie mixte d'exploitation du stationnement de la ville de Paris (SAEMES) a sollicité l'autorisation de licencier pour faute M. A... C..., désigné le 25 octobre 2016 représentant de la section syndicale SUD et conseiller du salarié, alors employé en qualité d'agent d'exploitation. Par une décision du 11 avril 2019, l'inspecteur du travail de l'unité de contrôle 5-6-7 de l'unité départementale de Paris a accordé cette autorisation. Par le jugement du 11 mars 2020 dont M. C... relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 2421-1 du code du travail, dans sa rédaction issue du décret susvisé du 29 décembre 2017 relatif au comité social et économique : " La demande d'autorisation de licenciement (...) d'un salarié mandaté (...) ou d'un conseiller du salarié est adressée à l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement dans les conditions définies à l'article L. 2421-3. (...) ". Aux termes du 4ème alinéa de l'article L. 2421-3 du même code, dans sa rédaction issue de l'ordonnance susvisée du 20 décembre 2017, entrée en vigueur le 21 décembre 2017 et applicable aux demandes d'autorisation de licenciement introduites à compter de sa publication : " La demande d'autorisation de licenciement est adressée à l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement dans lequel le salarié est employé. Si la demande d'autorisation de licenciement repose sur un motif personnel, l'établissement s'entend comme le lieu de travail principal du salarié. (...) ".

3. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. C... exerçait ses fonctions dans le parc de stationnement Maubert - Collège des Bernardins, situé 37, boulevard Saint-Germain à Paris (5ème arrondissement). Dès lors, en application de la combinaison des dispositions précitées du code du travail, en particulier de celles du 4ème alinéa de l'article L. 2421-3 selon lesquelles l'établissement s'entend comme le lieu de travail principal de l'intéressé lorsque, comme en l'espèce, la demande d'autorisation repose sur un motif personnel, l'inspecteur du travail de l'unité de contrôle 5-6-7 (compétente pour les 5ème, 6ème et 7ème arrondissements de Paris) de l'unité départementale de Paris était compétent pour signer, comme il l'a fait, la décision litigieuse autorisant le licenciement de M. C.... D'autre part, le requérant n'est pas fondé à se prévaloir de la circonstance que la SAEMES, employeur de M. C..., a saisi par erreur l'unité départementale de Paris, section 1-5 (UC1), de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Paris de la demande d'autorisation de le licencier, datée du 28 février 2019, dès lors qu'il incombait à l'autorité administrative saisie à tort de transmettre cette demande à l'autorité territorialement compétente, en application des dispositions de l'article L. 114-2 du code des relations entre le public et l'administration, qui disposent que " lorsqu'une demande est adressée à une administration incompétente, cette dernière la transmet à l'administration compétente et en avise l'intéressé. ", ce qu'elle a fait.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 2421-11 du code du travail : " L'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat. ".

5. Le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions de l'article R. 2421-11 du code du travail impose à l'inspecteur du travail, saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé fondée sur un motif disciplinaire, de mettre à même l'employeur et le salarié de prendre connaissance de l'ensemble des éléments déterminants qu'il a pu recueillir, y compris les témoignages, et qui sont de nature à établir ou non la matérialité des faits allégués à l'appui de la demande d'autorisation. Toutefois, lorsque la communication de ces éléments serait de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui les ont communiqués, l'inspecteur du travail doit se limiter à informer le salarié protégé et l'employeur, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur.

6. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. H..., salarié de la SAEMES et secrétaire du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, a été témoin des faits reprochés survenus le 2 janvier 2019. A ce titre, il a été auditionné par l'inspecteur du travail lors de l'enquête contradictoire effectuée le 2 avril 2019 et a confirmé les affirmations de Mme D..., comme l'indique l'inspecteur du travail dans les motifs de la décision contestée. Le témoignage de M. H... a été répété par l'inspecteur du travail le même jour à M. C..., qui en a ainsi eu connaissance, comme il ressort notamment du " mémoire en défense " rédigé par le défenseur syndical, responsable du syndicat SUD Commerce, qui a accompagné M. C... lors de l'enquête contradictoire. Si M. H..., après son audition par l'inspecteur du travail, a retranscrit par écrit son témoignage oral et a adressé à ce dernier cette attestation écrite, celle-ci ne saurait être regardée comme un élément déterminant dont M. C... aurait dû être mis à même de prendre connaissance dès lors qu'elle n'était que la retranscription par écrit du témoignage oral fait le 2 avril 2019, dont M. C... avait eu connaissance. Cette attestation écrite, postérieure au témoignage oral fait le 2 avril 2019, ne pouvait ainsi, par définition, ni être communiquée à M. C... lors de l'enquête contradictoire effectuée le même jour, ni figurer au nombre des pièces transmises par l'employeur à l'appui de la demande d'autorisation de licenciement du 28 février 2019. De même, l'inspecteur du travail, lors de l'enquête contradictoire effectuée le 2 avril 2019, a fait part à M. C..., qui en a ainsi eu connaissance, des faits exacts que Mme D... lui reprochait d'avoir commis, comme il ressort notamment du " mémoire en défense " rédigé par le défenseur syndical, responsable du syndicat SUD Commerce, qui a accompagné M. C... lors de l'enquête contradictoire.

7. D'autre part, si M. C... fait valoir qu'une confrontation entre son accusatrice et lui aurait pu être organisée, la circonstance qu'elle ne l'a pas été n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure suivie.

8. Enfin, la circonstance que la directrice des ressources humaines de la société employeur a contacté par courrier électronique l'inspection du travail le 13 février 2019, soit avant que ne soit adressée la demande d'autorisation de licenciement de M. C... datée du 28 février 2019, afin de solliciter un entretien téléphonique pour évoquer le cas de ce dernier, salarié protégé, et des faits qui seraient survenus le 25 février 2018 et le 2 janvier 2019, n'est pas de nature à porter atteinte à l'impartialité de l'inspecteur du travail ultérieurement saisi, par le courrier daté du 28 février 2019, de la demande d'autorisation de licenciement de M. C..., ni à la régularité de la procédure suivie par l'inspection du travail.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que le caractère contradictoire de l'enquête menée par l'inspecteur du travail aurait été méconnu.

10. En troisième lieu, la circonstance que la société employeur, préalablement à l'envoi à l'inspecteur du travail du courrier du 28 février 2019 de demande d'autorisation de licenciement de M. C..., a diligenté des enquêtes internes, une confrontation ayant ainsi été organisée le 11 janvier en présence de M. C..., de Mme D... et des deux chefs de parc Lagrange et Maubert, et M. C... ayant été reçu et auditionné le 16 janvier par la directrice des ressources humaines de la société employeur, est sans incidence sur la régularité de l'entretien préalable qui a eu lieu le 1er février 2019 et n'a pas été de nature à porter atteinte au respect des droits de M. C....

11. En quatrième lieu, en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

12. D'une part, la circonstance que la SAEMES, dans son courrier du 28 février 2019 sollicitant l'autorisation de licencier pour faute M. C..., a décrit les faits qui lui étaient reprochés sans les qualifier juridiquement ne faisait pas obstacle à ce que l'inspecteur du travail procède à une telle qualification, comme il l'a fait en précisant, dans les motifs de sa décision litigieuse du 11 avril 2019, " qu'il est reproché à M. C... d'avoir agressé Mme D... G... en lui touchant, notamment, à deux reprises les parties intimes les 25 décembre 2018 puis le 2 janvier 2019 sur son lieu de travail situé 37 bd Saint-Germain 75005 Paris, en se projetant sur elle, l'enveloppant tout en remontant ses mains le long de son corps jusqu'à sa poitrine ", sans toutefois qualifier ces faits d'agression sexuelle au sens de l'article 222-22 du code pénal.

13. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que, selon les dires mêmes de M. C..., tels qu'ils ont été formalisés dans le compte-rendu de la réunion du 11 janvier 2019 organisée par les chefs des parcs Lagrange et Maubert en présence des deux intéressés, et dans son courrier du 22 janvier 2019 adressé à la directrice des ressources humaines de la SAEMES, M. C..., le 2 janvier 2019, s'est approché de Mme D..., qui était assise et de dos, dans l'intention, selon lui, de " lui faire la bise pour lui présenter ses voeux " par surprise, mais que, " malheureusement, [ses] mains ont dérapé ", ce qui a eu pour conséquence que Mme D... s'est levée en hurlant. Il ressort par ailleurs de l'attestation de M. H..., salarié de la SAEMES et secrétaire du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail que, le 3 janvier 2019, Mme D... a accusé M. C..., devant M. H..., de l'avoir, le 25 décembre 2018, " surprise dans la même position, en lui tripotant le ventre et en lui touchant les seins ", M. C... n'ayant alors pas réagi aux accusations de Mme D.... Par suite, la matérialité des faits doit être regardée comme étant établie, la seule circonstance que M. H... ait appartenu, comme Mme D..., à un syndicat rival de celui auquel adhérait le requérant ne retirant pas à son attestation sa véracité, et les neuf attestations de salariés de la SAEMES produites par le requérant, certifiant que M. C... a toujours été respectueux vis-à-vis du personnel féminin et d'un grand professionnalisme et, pour certaines, laissant entendre que le comportement et la personnalité de M. H... et de Mme D... étaient sujets à caution, étant sans incidence sur l'appréciation de la matérialité des faits reprochés dès lors que ces neuf salariés n'ont pas assisté aux événements en cause. Il s'en suit que c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé qu'en l'absence de doute quant à la matérialité des faits, les dispositions de l'article L. 1235-1 du code du travail, aux termes desquelles " si un doute subsiste, il profite au salarié ", ne trouvaient pas à s'appliquer.

14. En cinquième et dernier lieu, les circonstances que, d'une part, M. H... et Mme D... aient appartenu à un syndicat rival de celui auquel adhérait le requérant, que, d'autre part, M. C... ait porté certaines revendications collectives auprès de la direction de la SAEMES et qu'enfin un litige concernant des rappels de salaire (son contrat de travail ayant été transféré en novembre 2014 d'une autre entreprise à la SAEMES) l'a opposé à son employeur, qui a été condamné par arrêt de la cour d'appel de Paris du 1er juillet 2020 à lui verser 5 222,58 euros au titre de la créance salariale, 522,26 euros au titre des congés payés y afférents et 500 euros en réparation de son préjudice moral ne révèlent, pas plus que les autres pièces du dossier, un lien avec le mandat représentatif ou une discrimination syndicale, comme l'ont à bon droit estimé les premiers juges.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 11 mars 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 11 avril 2019 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être également rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à la société anonyme d'économie mixte d'exploitation du stationnement de la ville de Paris (SAEMES) et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

Délibéré après l'audience du 24 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, président de chambre,

- M. B..., président assesseur,

- Mme Larsonnier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 octobre 2020.

Le rapporteur,

I. B...Le président,

H. VINOT

Le greffier,

C. POVSE

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 20PA01267


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA01267
Date de la décision : 15/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : MARIUS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-10-15;20pa01267 ?
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