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15/10/2020 | FRANCE | N°18PA02511

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 15 octobre 2020, 18PA02511


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) CNM a demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 28 mars 2011 au 31 décembre 2012.

Par un jugement n° 1506005/3 du 14 juin 2018 le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requê

te enregistrée le 24 juillet 2018, la société CNM, représentée par

Me B... C..., demande à la Cour :...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) CNM a demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 28 mars 2011 au 31 décembre 2012.

Par un jugement n° 1506005/3 du 14 juin 2018 le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 24 juillet 2018, la société CNM, représentée par

Me B... C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Melun du 14 juin 2018 ;

2°) de prononcer la décharge et le remboursement des impositions contestées devant ce tribunal ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de l'impropriété des termes de comparaison ;

- il n'a pas davantage répondu au moyen tiré du défaut de motivation de la proposition de rectification s'agissant du taux de réfaction de 33% retenu par l'administration ;

- l'administration a méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales en ce qui concerne l'origine de ce taux de réfaction ;

- la proposition de rectification n'est pas motivée relativement à ce taux ;

- les insuffisances relevées par l'administration ne présentent pas un degré de gravité suffisant pour justifier du rejet de sa comptabilité ;

- contrairement à ce qu'indique l'administration, elle a refusé les rectifications ;

- le ratio retenu pour reconstituer ses bases imposables manque de pertinence en raison de la grande variabilité des différents ratios retenus à titre de termes de comparaison ainsi que de l'activité et des conditions d'exploitations différentes des comparatifs ; seul le ratio de la SARL VPI doit être retenu ;

- la seconde méthode d'évaluation basée sur le nombre d'heures travaillées est inappropriée, malgré la réfaction de 33 %, en raison notamment de la faiblesse de la clientèle ;

- le taux horaire de 60 euros hors taxes retenu n'est pas pertinent ;

- elle conteste, par voie de conséquence, les intérêts et pénalités mis à sa charge.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 octobre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par la SARL CNM ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 21 février 2020, la clôture d'instruction a été fixée au

9 mars 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'une vérification de sa comptabilité qui a porté sur la période du

28 mars 2011, date de sa création, au 31 décembre 2012, la société à responsabilité limitée (SARL) CNM, qui exerce une activité de réparation et d'entretien de véhicules automobiles, a été assujettie, selon la procédure de taxation d'office, à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que, selon la procédure contradictoire à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, pour l'ensemble de la période vérifiée. Elle relève appel du jugement du 14 juin 2018 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande en décharge de ces impositions.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Devant le tribunal, la société requérante invoquait une insuffisante motivation de la proposition de rectification du 15 mai 2014, au motif qu'aucune information ne lui était fournie sur l'origine du taux de réfaction de 33% retenu par l'administration pour déterminer le nombre d'heures travaillées. Le tribunal, qui n'a d'ailleurs pas visé ce moyen, n'y a pas répondu. Il suit de là, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de régularité soulevé, que le jugement entrepris est entaché d'un défaut de réponse à moyens. Par suite, il y a lieu d'annuler ce jugement et de statuer par la voie d'évocation sur la demande de la SARL CNM devant les premiers juges et sur le surplus des conclusions de la requête.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

4. La société requérante soutient que l'administration a méconnu les dispositions des articles L. 57 et L.76 B du livre des procédures fiscales, en ne précisant pas, dans la proposition de rectification, comment avait été déterminé le taux de réfaction de 33% appliqué, dans la seconde méthode de reconstitution pour déterminer le nombre d'heures travaillées, et en ne l'informant pas de l'origine des renseignements obtenus pour déterminer ce taux. Toutefois, il ressort de la proposition de rectification du 15 mai 2014 que l'administration précisait les modalités à partir desquelles elle avait déterminé ce taux de réfaction, en déduisant 10 % des heures déclarées au titre des congés payés, 13 % au titre de la pause déjeuner, 5% au titre des absences injustifiées et 5% pour l'entretien de l'atelier. Ces précisions étaient suffisantes pour permettre à la société de faire valoir ses observations sur la pertinence de ce taux. Et, dès lors qu'il est constant que ledit taux de réfaction, déterminé par l'administration elle-même comme indiqué ci-dessus, ne résultait pas d'informations recueillies auprès de tiers, la société requérante n'invoque pas utilement une méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :

5. Il ressort du procès-verbal de rejet de la comptabilité établi le 16 avril 2014 et signé par la gérante de la société requérante qu'un grand nombre de factures, détaillées dans les tableaux joints audit procès-verbal, ne mentionnaient pas le nom complet et l'adresse de la société et de son client, ne comportaient pas le numéro individuel d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée, que les factures émises n'étaient pas numérotées selon un ordre séquentiel continu, qu'un grand nombre de factures ne comportait pas de date ou ne précisait pas le détail des prestations assurées, que onze factures n'avaient pas été comptabilisées ni présentées lors du contrôle et que le journal de caisse laissait apparaître une caisse créditrice correspondant à six factures réglées en espèces. Contrairement à ce que soutient la société CNM, ces éléments relevés par l'administration étaient suffisants pour considérer sa comptabilité comme gravement irrégulière et dépourvue de valeur probante, indépendamment de la discordance retenue par le vérificateur entre les heures facturées et les heures travaillées. La doctrine BOI-CF-IOR-10-20

n° 80 et 90 ne fait pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle dont il est fait application. C'est par suite à bon droit que l'administration a procédé à une reconstitution du chiffre d'affaires de la société CNM.

En ce qui concerne les méthodes de reconstitution du chiffre d'affaires :

6. Pour reconstituer les recettes de la société CNM, l'administration fiscale s'est fondée sur deux méthodes, dont elle a retenu le résultat moyen. Au titre de la première méthode, elle a comparé le rapport entre la masse salariale et le chiffre d'affaires de la société avec le même ratio de sept entreprises ayant une activité similaire dans la même zone géographique, dont elle a déduit un ratio moyen qui a été appliqué aux résultats de la société contrôlée. Au titre de la seconde méthode, elle a reconstitué le chiffre d'affaires de la société CNM à partir du nombre d'heures travaillées repris dans ses déclarations annuelles de données sociales, pondéré d'une réfaction de 33% pour tenir compte des absences et du temps consacré à la pause déjeuner et à l'entretien du garage, chiffre qui a ensuite été multiplié par un taux horaire de 60 euros hors taxes.

7. Concernant la méthode dite de la masse salariale, la société CNM met en doute la pertinence du choix des termes de comparaison, au motif qu'ils présentent des écarts de ratio importants et que sa propre activité, en cours de lancement sur la période considérée, se limite à des travaux de petite réparation et d'entretien automobile, dans un local ne permettant pas d'accueillir plus de deux véhicules à la fois. Toutefois, il résulte de l'instruction que l'administration a tenu compte de ses observations en retirant de l'échantillon l'entreprise ayant le ratio le plus important et en ramenant, suite au recours hiérarchique de la société, les ratios retenus de 3,25 % à 2,80 % pour l'année 2011 et de 3,50 % à 2,82 % pour l'année 2012. La société requérante ne fait état d'aucun élément de nature à démontrer que son activité, consistant en de petites réparations et en entretien courant présenterait une différence significative de ratio par rapport à l'activité exercée par les garages retenus dans l'échantillon, notamment ceux effectuant des prestations techniques sur les carrosseries. De même, elle ne fait état d'aucun élément de nature à faire penser que la faible superficie de ses locaux, qui a une incidence tant sur le chiffre d'affaires que sur la masse salariale, c'est-à-dire sur l'effectif de salariés susceptibles d'être employés, conduirait à un ratio sensiblement différent. Elle n'est dès lors pas fondée à soutenir qu'il conviendrait de retenir le ratio le plus faible de l'échantillon.

8. Concernant la seconde méthode d'évaluation, fondée sur le nombre d'heures travaillées par le personnel de l'atelier et le taux horaire applicable, il y a lieu d'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 8. du jugement attaqué, et non utilement critiqués en appel, le moyen tiré de son caractère étranger aux données propres de l'entreprise.

9. La société requérante ne contestant les intérêts de retard et pénalités qu'en conséquence du principal, sa contestation sur ce point ne peut qu'être rejetée.

10. De tout ce qui précède, il résulte que la société CNM est seulement fondée à obtenir l'annulation du jugement attaqué. En revanche, il y a lieu de rejeter sa demande présentée devant le tribunal ainsi que ses conclusions d'appel, ensemble, par voie de conséquence, celles tendant à l'application, de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'Etat n'ayant pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1506005/3 du 14 juin 2018 du Tribunal administratif de Melun en est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la SARL CNM devant le Tribunal administratif de Melun et ses conclusions en appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL CNM et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 7 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. A..., président assesseur,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Lu en audience publique le 15 octobre 2020.

Le rapporteur,

J.-E. A...Le président,

I. BROTONSLe greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 18PA02511 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA02511
Date de la décision : 15/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Jean-Eric SOYEZ
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : SELARL CHANDELLIER-CORBEL

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-10-15;18pa02511 ?
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