Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La confédération des armateurs de Polynésie française a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler l'arrêté n° 1033 CM du 5 juillet 2017 modifiant l'arrêté n° 767 CM du 20 juin 2012 fixant les tarifs maximaux de fret et de passages maritimes en Polynésie française.
Par un jugement n° 1700326 du 27 février 2018, le Tribunal administratif de la Polynésie française a annulé l'arrêté n° 1033 CM du 5 juillet 2017 en tant qu'il prévoit une application rétroactive et rejeté le surplus de la demande de la confédération des armateurs de Polynésie française.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 avril 2018 et le 26 février 2019, la confédération des armateurs de Polynésie française, représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 27 février 2018 du Tribunal administratif de la Polynésie française en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;
2°) d'annuler l'arrêté n° 1033 CM du 5 juillet 2017 modifiant l'arrêté n° 767 CM du 20 juin 2012 fixant les tarifs maximaux de fret et de passages maritimes en Polynésie française ;
3°) de mettre à la charge de la Polynésie française une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle a qualité et intérêt à agir ;
- l'arrêté n° 1033 CM du 5 juillet 2017 est entaché d'un vice de procédure dès lors que la commission d'examen des tarifs maritimes interinsulaires n'a pas été consultée dans les deux mois précédant le réajustement tarifaire ;
- l'arrêté méconnait le principe de non-rétroactivité des règlements dès lors qu'il s'applique à compter du 1er juillet 2017 ;
- en supprimant le choix de l'unité de facturation et donc la possibilité de facturer les marchandises en fonction de l'espace qu'elles occupent, l'arrêté du 5 juillet 2017 a imposé aux entreprises de navigation une limitation qui les met dans une situation financière extrêmement difficile ; ce faisant, cet arrêté méconnaît les dispositions de l'article 1er de la délibération
n° 95-118 du 24 août 1995 ;
- pour les mêmes raisons, cet arrêté est, en outre, entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 28 juillet 2018 et le 21 avril 2019, la Polynésie française, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la confédération des armateurs de Polynésie française la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- à titre principal, la confédération des armateurs de Polynésie française n'établit ni sa qualité ni son intérêt à agir ;
- à titre subsidiaire, les moyens soulevés par la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;
- la délibération n° 95-118 AT du 24 août 1995 ;
- l'arrêté n° 259 CM du 11 mars 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- et les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté n° 1033 CM du 5 juillet 2017, la Polynésie française a modifié l'arrêté
n° 767 CM du 20 juin 2012 fixant les tarifs maximaux de fret et de passages maritimes en Polynésie française en rétablissant la possibilité, supprimée par le précédent arrêté n° 1697 CM du 28 octobre 2016, d'établir une facturation au volume des marchandises transportées en réfrigérateur pour le seul fret non pris en charge par la Polynésie française. Par jugement du 27 février 2018, le Tribunal administratif de la Polynésie française a annulé l'arrêté du 5 juillet 2017 en tant qu'il prévoit une application rétroactive et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. La confédération des armateurs de Polynésie française fait appel de l'article 2 de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 2 de l'arrêté n° 259 CM du 11 mars 1991 portant création de la commission d'examen des tarifs maritimes interinsulaires : " Cette commission est compétente pour donner son avis et faire des propositions sur les tarifs de fret et de passages maritimes. A cet effet : a) elle définit et fixe les critères et les paramètres économiques nécessaires à la détermination des tarifs et à leur réajustement ;(...) ". Aux termes de l'article 4 du même arrêté : " La commission se réunit, sur convocation de son président, obligatoirement au moins une fois chaque année et, en principe, dans les deux mois qui précèdent la date prévue pour le réajustement tarifaire. ". Enfin, l'article 5 dispose : " Les tarifs sont réajustés au 1er juillet de chaque année. ". Il résulte de ces dispositions que le réajustement annuel des tarifs de fret et de passages maritimes qui intervient sous la forme d'un arrêté doit être précédé de la réunion de la commission d'examen des tarifs maritimes interinsulaires (CETMI), composée de quatre membres représentant les intérêts généraux et de quatre membres représentant les intérêts professionnels, qui donne son avis sur les critères et les paramètres économiques nécessaires au réajustement.
3. Il ressort des pièces du dossier que la CETMI a été réunie le 15 juin 2017, soit dans les deux mois précédant la date prévue pour le réajustement tarifaire, conformément aux dispositions précitées de l'article 4 de l'arrêté du 11 mars 1991. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté n° 1033 CM du 5 juillet 2017 serait entaché d'un vice de procédure doit être écarté.
4. En deuxième lieu, la confédération des armateurs de Polynésie française ne peut utilement invoquer la violation du principe de non-rétroactivité dès lors que les dispositions de l'arrêté n° 1033 CM du 5 juillet 2017 prévoyant une application rétroactive au 1er juillet 2017 du réajustement tarifaire ont été annulées par le jugement attaqué du Tribunal administratif de la Polynésie française en date du 27 février 2018.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article premier de la délibération n° 95-118 AT du 24 août 1995 relative à la prise en charge par la Polynésie française du fret du coprah, des produits de première nécessité, de l'eau embouteillée et d'autres produits contribuant au développement économique et social des îles autres que Tahiti : " Afin de favoriser le développement économique et social des îles du territoire autres que Tahiti, le territoire prend en charge les frais de transport dans les conditions fixées par la présente délibération de certains produits entre Tahiti et les autres îles du territoire ou entre les îles de la Polynésie française y compris lorsque ce transport est réparti, pour les mêmes marchandises, entre plusieurs armateurs. Les armateurs auprès desquels est réalisée cette prise en charge sont tenus d'appliquer les tarifs de fret maritime résultant de la réglementation en vigueur. ".
6. Il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire ni d'aucun principe général du droit que la prise en charge des frais de transport maritime de marchandises réfrigérées doive offrir la possibilité d'une facturation soit au poids soit au volume. La confédération des armateurs de Polynésie française n'établit pas que la suppression de la possibilité d'une facturation au volume ait une incidence néfaste sur le développement économique des entreprises de navigation et place ces derniers dans une situation financière difficile en se bornant à produire un article sur l'ancienneté de la flotte polynésienne sans apporter aucun élément chiffré précis permettant de quantifier l'impact effectif de cette mesure sur les entreprises de transport des marchandises concernées. En outre, elle n'établit pas que la prise en charge des frais de transport des marchandises non réfrigérées, pour lequel la possibilité d'une facturation au volume a été maintenue, correspondrait aux mêmes nécessités que celle de la prise en charge des frais de transport des marchandises réfrigérées. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 1er de la délibération du 24 août 1995, de la rupture d'égalité devant les charges publiques et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
7. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par la Polynésie française, que la confédération des armateurs de Polynésie française n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Polynésie française, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la confédération des armateurs de Polynésie française, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la confédération des armateurs de Polynésie française la somme demandée par la Polynésie française, au même titre.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la confédération des armateurs de Polynésie française est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la Polynésie française présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la confédération des armateurs de Polynésie française et à la Polynésie française.
Copie en sera adressée au Haut-commissaire de la République en Polynésie française.
Délibéré après l'audience du 25 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme A..., président,
- M. Mantz, premier conseiller,
- Mme D..., premier conseiller.
Lu en audience publique le 9 octobre 2020.
Le rapporteur,
C. D...La présidente,
M. A...Le greffier,
S. GASPAR
La République mande et ordonne au ministre des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 18PA01399