La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/10/2020 | FRANCE | N°20PA00249

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 07 octobre 2020, 20PA00249


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Altelios a demandé au Tribunal administratif de Paris :

1°) de prononcer la réduction, à concurrence de 14 000 euros en droits, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période correspondant à l'année 2013 par avis de mise en recouvrement du 16 novembre 2016, et des intérêts de retard correspondants, ainsi que le rétablissement de son déficit au titre de l'exercice clos en 2013 à raison de la réduction, à concurrence de 14 000 euros, du " profit su

r le Trésor " résultant de la taxe sur la valeur ajoutée éludée ;

2°) de prononcer la dé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Altelios a demandé au Tribunal administratif de Paris :

1°) de prononcer la réduction, à concurrence de 14 000 euros en droits, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période correspondant à l'année 2013 par avis de mise en recouvrement du 16 novembre 2016, et des intérêts de retard correspondants, ainsi que le rétablissement de son déficit au titre de l'exercice clos en 2013 à raison de la réduction, à concurrence de 14 000 euros, du " profit sur le Trésor " résultant de la taxe sur la valeur ajoutée éludée ;

2°) de prononcer la décharge du rappel de crédit d'impôt pour la recherche qui lui a été réclamé au titre de l'année 2012 par avis de mise en recouvrement du 13 avril 2017 pour un montant de 237 977 euros, ainsi que la réintégration de la somme de 71 222 euros dans le montant des dépenses de recherche qu'elle a déclarées au titre de l'année 2013 et dont l'administration a remis en cause l'éligibilité par proposition de rectification du

15 décembre 2015 ;

3°) mettre à la charge de l'Etat, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le remboursement des frais exposés dans l'instance, dont le montant sera indiqué " à l'issue de l'instruction ".

Par un jugement n° 1718749/1-3 du 27 novembre 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 24 janvier 2020, la société Altelios, représentée par

Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 27 novembre 2019 ;

2°) de prononcer la décharge et la restitution des impositions litigieuses ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la partie du rapport du ministre de l'enseignement supérieur et la recherche intitulée

" partie confidentielle de l'expertise " ne lui a pas été communiquée avant la mise en recouvrement des impositions, en méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure, des droits de la défense et de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;

- elle conteste le " redressement notifié et l'interprétation qui est faite par le service de la facturation OM Consulting " ;

- eu égard aux connaissances et au savoir-faire acquis par une salariée, employée depuis plusieurs années, dans des domaines valorisés par les clients de la société, elle doit être regardée comme ayant acquis dans l'entreprise la qualification d'ingénieur au sens de l'article

49 septies G de l'annexe 3 au code général des impôts et doit ainsi être considérée comme un chercheur au sens des dispositions du b du II de l'article 244 quater B du code général des impôts ;

- la charge de la preuve incombe à cet égard à l'administration ;

- c'est à l'administration qu'il appartient de prouver que les dépenses exposées ne sont pas éligibles au crédit d'impôt ;

- la société a communiqué un tableau détaillant l'activité de chaque consultant, la nature des travaux de recherche auxquels ils ont été employés, le nombre d'heures de travail total et le temps consacré par chaque agent à des activités de recherche ;

- ce tableau ne peut être sérieusement contesté dès lors qu'il a été établi à l'aide des factures adressées par la société à ses clients qui sont facturés sur une base journalière, que ces factures ont été acquittées par les clients de la société et que ces derniers sont d'ailleurs particulièrement à même de juger des travaux de recherche des consultants de la société en partie réalisés dans leurs locaux ;

- en additionnant aux temps facturés des consultants de la société le temps de recherche ayant servi de base à la détermination du crédit d'impôt, le service dénature l'activité de la société ; dès lors que la société n'était pas agréée par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche durant l'année 2013, ses clients ne pouvaient pas utiliser la facture de recherche réalisée par les salariés de la société pour la détermination de leur propre crédit d'impôt ;

- ce sont les activités de recherche réalisées par les salariés de la société chez ses clients qui sont pris en compte pour la détermination de l'assiette du crédit d'impôt ; en aucun cas, la société ne poursuit une activité de recherche pour son propre compte.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 février 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la SAS Altelios ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 7 mai 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au

22 mai 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Altelios, qui exerce une activité de conseil en systèmes et logiciels informatiques, a fait l'objet en 2015 d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle l'administration lui a notifié son intention, par une proposition de rectification du 15 décembre 2015, de lui réclamer un rappel de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période correspondant à l'année 2013, de rehausser les résultats de l'exercice clos en 2013 et de rectifier le montant des dépenses de recherche que la société avait déclarées au titre des années 2012 et 2013 pour le bénéfice du crédit d'impôt prévu à l'article 244 quater B du code général des impôts. La société relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la réduction du rappel de taxe sur la valeur ajoutée procédant de ces rehaussements, au rétablissement de son déficit au titre de l'exercice clos en 2013 à hauteur du " profit sur le Trésor " correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée éludée, à la décharge du rappel notifié au titre du crédit d'impôt pour la recherche correspondant à des dépenses engagées en 2012 et au titre de la réintégration de la somme de 71 222 euros dans le montant des dépenses de recherche qu'elle a déclarées au titre de l'année 2013.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article R. 45 B- 1 du livre des procédures fiscales : " I. - La réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt mentionné à l'article 244 quater B du code général des impôts est vérifiée soit par un agent dûment mandaté par le directeur général pour la recherche et l'innovation, soit par un délégué régional à la recherche et à la technologie ou un agent dûment mandaté par ce

dernier. /L'intervention des agents du ministère chargé de la recherche peut résulter soit d'une initiative de ce ministère, soit d'une demande de l'administration des impôts dans le cadre d'un contrôle ou d'un contentieux fiscal. /(...)/ III. - L'avis sur la réalité de l'affectation des dépenses à la recherche est émis par les agents chargés du contrôle au vu de la réponse de l'entreprise à la demande d'éléments justificatifs qui lui a été adressée, des documents mentionnés au II, et, le cas échéant, des réponses aux demandes d'informations complémentaires et des éléments recueillis à l'occasion des échanges avec l'entreprise lors de l'entretien dans les locaux de l'administration ou de la visite sur place./Lorsque l'entreprise n'a pas répondu aux demandes d'informations qui lui ont été adressées, lorsqu'elle a refusé de communiquer les pièces justificatives demandées ou lorsqu'elle n'a pas produit ces éléments en cas de visite sur place, les agents chargés du contrôle constatent que l'affectation des dépenses à la recherche n'est pas justifiée./L'avis est notifié à l'entreprise et communiqué à la direction générale des finances publiques. Il est motivé lorsque la réalité de l'affectation à la recherche de dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt est contestée. "

3. La société Altelios fait valoir que la " partie confidentielle " de l'expertise réalisée le 14 septembre 2015 par l'expert du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche ne lui a pas été communiquée avant la mise en recouvrement des impositions résultant des rectifications en cause. Il résulte toutefois de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification du 15 décembre 2015, que la réduction du montant des dépenses retenues dans l'assiette du crédit d'impôt pour la recherche au titre des années 2012 et 2013 résulte de quatre chefs de rectification principaux : l'exclusion de certaines charges sociales et fiscales au titre des années 2012 et 2013, le rejet de dépenses déclarées en 2012 à raison d'une salariée n'ayant pas de diplôme d'ingénieur, la remise en cause de l'éligibilité du projet " remplacement du plomb " et le rejet de dépenses de personnel liées au projet " banc essai pulsation " en 2012 et au projet

" atelier de production d'hydrocortisone " en 2013. Les deux autres chefs de rectification, relatifs aux frais de fonctionnement et aux frais de conseil, découlent des chefs principaux. Or, la " partie confidentielle " de l'expertise réalisée le 14 septembre 2015 par l'expert du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche ne comporte aucun renseignement sur les deux premiers chefs principaux de rectification. S'agissant des autres chefs de rehaussement, il résulte de l'instruction que l'administration s'est exclusivement et expressément fondée sur le rapport d'expertise communiqué à la société requérante. Par suite, et alors même que la partie confidentielle du rapport comporterait des considérations relatives au projet " remplacement du plomb " sans rapport identifiable avec les motifs du rehaussement ainsi que des observations relatives au fait que les projets en cause seraient présentés de manière identique dans le dossier d'une autre société, et dans la mesure où le service ne s'est pas prévalu de ces considérations et observations, la circonstance que cette partie du rapport n'a pas été communiquée au contribuable, en méconnaissance des dispositions précitées du dernier alinéa du III de l'article

R. 45 B-1 du livre des procédures fiscales, n'a privé l'intéressée d'aucune garantie susceptible d'exercer une influence sur la décision d'imposition.

4. La méconnaissance des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, aux termes duquel : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande " ne saurait pour les mêmes motifs être valablement invoquée, la garantie prévue par ces dispositions s'appliquant à tous renseignements et documents obtenus auprès de tiers que l'administration a effectivement utilisés pour établir les impositions. Au surplus, et en tout état de cause, le rapport de l'expert du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, qui est un élément de la procédure d'imposition et dont la communication est régie par des dispositions spécifiques du livre des procédures fiscales, ne saurait être regardé comme un document obtenu de tiers au sens des dispositions de l'article L. 76 B de ce livre. La société ne se trouve d'ailleurs pas dans la situation prévue par les dispositions du dernier alinéa de cet article qui prévoit une obligation de communication sur demande du contribuable.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

5. La société Altelios reprend devant la Cour les moyens, invoqués en première instance, tirés de ce qu'elle conteste le " redressement notifié et l'interprétation qui est faite par le service de la facturation OM Consulting ", de ce qu'eu eu égard aux connaissances et au savoir-faire acquis par une salariée, cette dernière doit être considérée comme un chercheur au sens des dispositions du b du II de l'article 244 quater B du code général des impôts, de ce que la charge de la preuve incombe à cet égard à l'administration, de ce que c'est à l'administration qu'il appartient de prouver que les dépenses exposées par la société ne sont pas éligibles au crédit d'impôt, de ce que la société a communiqué un tableau détaillant l'activité de chaque consultant, la nature des travaux de recherche auxquels ils ont été employés, le nombre d'heures de travail total et le temps consacré par chaque agent à des activités de recherche, de ce que ce tableau ne peut être sérieusement contesté, de ce que le service dénature l'activité de la société et de ce que ce sont les activités de recherche réalisées par les salariés de la société chez ses clients qui sont pris en compte pour la détermination de l'assiette du crédit d'impôt. Par un jugement précisément motivé, le tribunal a écarté l'argumentation développée par la requérante à l'appui de chacun de ces moyens. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter ces moyens, repris sans changement devant la Cour, la société Altelios ne faisant valoir aucune circonstance de droit ou de fait nouvelle par rapport à l'argumentation qu'elle avait développée devant le tribunal.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la société Altelios n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Altelios est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Altelios et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal d'Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 23 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Soyez, président,

- M. A..., premier conseiller,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Lu en audience publique le 7 octobre 2020.

Le rapporteur,

F. A...Le président assesseur,

En application de l'article R. 222-26 du code

de justice administrative,

J.-E. SOYEZ

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

2

N° 20PA00249


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA00249
Date de la décision : 07/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. SOYEZ
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : MBA - MOISAND BOUTIN et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-10-07;20pa00249 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award