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07/10/2020 | FRANCE | N°19PA04132

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 07 octobre 2020, 19PA04132


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... I... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris :

1°) d'annuler l'arrêté du 8 octobre 2019 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français, lui a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination ;

2°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer, sous astreinte, une autorisation provisoire de séjour.

Par un jugement n° 1922003/8 du 23 octobre 2019, le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrê

té, enjoint au préfet de police de procéder au réexamen de la situation administrative de M. B... d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... I... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris :

1°) d'annuler l'arrêté du 8 octobre 2019 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français, lui a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination ;

2°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer, sous astreinte, une autorisation provisoire de séjour.

Par un jugement n° 1922003/8 du 23 octobre 2019, le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté, enjoint au préfet de police de procéder au réexamen de la situation administrative de M. B... dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 20 décembre 2019, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1er et 2 de ce jugement n° 1922003/8 du 23 octobre 2019 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant ce tribunal.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a estimé que M. B... devait être regardé comme contribuant effectivement, à hauteur de ses moyens, à l'entretien et à l'éducation de son enfant au sens des dispositions du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; M. B..., alors même qu'il a produit cinq mandats cash pour les années 2015 et 2017, soit quatre et deux ans avant l'édiction de l'arrêté en litige, ne justifie d'aucune ressource ni d'aucun élément à la date de l'arrêté critiqué de nature à établir qu'il contribue à l'entretien et à l'éducation de son enfant ; les autres pièces produites, le certificat de scolarité de 2017, la copie du carnet de santé mentionnant les vaccinations effectuées peu après la naissance de son enfant en 2014 ainsi que l'attestation de la mère de son enfant, établie en 2015, n'établissent pas davantage qu'il contribue à l'entretien et à l'éducation de son enfant ; il ne réside pas avec son enfant ; s'il fait valoir être titulaire d'un droit de visite en vertu d'un jugement du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Troyes du 14 avril 2015, il n'apporte aucun commencement de preuve qu'il passerait effectivement deux dimanches par mois avec son enfant, qui réside dans le département de l'Aube ; il n'apporte aucun élément justifiant de relations affectives et effectives avec cet enfant ; il a fait l'objet le 15 mai 2018 d'un précédent refus de renouvellement de son titre de séjour en qualité de parent d'enfant français à défaut de démontrer qu'il participait effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination sont suffisamment motivées en droit et en fait et procèdent d'un examen circonstancié de la situation d'ensemble de M. B... ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français ne méconnaît ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- cette décision n'est entachée d'aucune erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation de M. B... ;

- cette décision étant légale, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée à l'appui des conclusions dirigées contre la décision refusant un délai de départ volontaire doit être écartée ;

- la décision refusant un délai de départ volontaire n'est entachée d'aucune erreur de droit au regard des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il existe un risque que M. B... se soustrait à l'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire ; il ne présente pas de garanties de représentation suffisantes ; il a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire et refusant un délai de départ volontaire étant légales, l'exception d'illégalité de ces décisions, invoquée à l'appui des conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination doit être écartée.

La requête a été communiquée à M. B..., qui n'a pas produit de mémoire en défense devant la Cour.

Par une ordonnance du 13 février 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 février 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention signée à New York le 26 janvier 1990, relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme H... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... qui indique être né le 31 décembre 1994 en Côte d'Ivoire, pays dont il revendique la nationalité, a fait l'objet, par un arrêté du préfet de police du 15 mai 2018, d'un refus de titre de séjour sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet de police a pris à son encontre, le 8 octobre 2019, un arrêté par lequel il l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il serait d'office renvoyé. Par un jugement n° 1922003/8 du 23 octobre 2019, le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté, enjoint au préfet de police de procéder au réexamen de la situation administrative de M. B... dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement et rejeté le surplus des conclusions de la demande. Le préfet de police demande à la Cour d'annuler les articles 1er et 2 de ce jugement.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :

2. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) ; / L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; / (...) ".

3. Pour annuler la décision portant obligation de quitter le territoire français en litige et, par voie de conséquence, les décisions refusant un délai de départ volontaire et fixant le pays de destination, le tribunal a estimé que le préfet de police avait entaché son arrêté d'une erreur de droit au regard des dispositions du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que M. B... avait établi, par des déclarations non sérieusement contestées à l'audience, qu'il participait à l'éducation de son enfant, avec lequel il a indiqué passer deux dimanches par mois ainsi qu'à son entretien dans les limites de ses possibilités, par la production de cinq mandats cash datés de 2015 et 2017, alors même que le Tribunal de grande instance (TGI) de Troyes, qui lui avait accordé l'autorité parentale conjointe sur son fils, avait reconnu son impécuniosité par un jugement du 14 avril 2015.

4. Toutefois, alors même que s'il est constant que, dans ce jugement, le juge aux affaires familiales du TGI de Troyes a constaté l'état d'impécuniosité de M. B... et l'a dispensé de toute contribution à l'entretien et à l'éducation de son fils, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé ait entretenu avec son enfant une relation affective à la date de la décision critiquée. Ainsi, l'attestation peu circonstanciée établie le 21 novembre 2015, soit près de quatre années avant la décision contestée, par la mère de son enfant de laquelle il est séparé, attestation qui n'est corroborée par aucun témoignage contemporain de cette décision, n'est pas suffisante pour établir l'existence une telle relation. Il en va de même copie du certificat de scolarité établie le

7 novembre 2017 par la directrice de l'école primaire Robespierre de Romilly-sur-Seine, dont l'enfant de M. B... a été radié des effectifs depuis le mois de décembre 2017 et de la copie des pages du carnet de santé afférentes aux vaccinations des deuxième et quatrième mois de son enfant. Par ailleurs, si le juge aux affaires familiales a accordé à l'intéressé un droit de visite s'exerçant, sauf meilleur accord des parties, un dimanche sur deux les semaines paires, le préfet de police soutient sans être contesté que M. B... ne peut justifier qu'il exercerait effectivement ce droit de visite. D'ailleurs, M. B... n'a produit, compte tenu des lieux de sa résidence et de celle de son enfant, fixée au domicile de sa mère, aucune attestation ou billets de train justifiant de ses déplacements jusqu'au domicile de la mère de son fils. Il suit de là que c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur le motif tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour annuler l'arrêté en litige.

5. Toutefois, il y a lieu pour la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... en première instance.

Sur les autres moyens soulevés par M. B... :

En ce qui concerne les moyens communs aux décisions en litige :

6. En premier lieu, l'arrêté en litige vise les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables à la situation de M. B... et les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il expose les motifs pour lesquels ce dernier est obligé de quitter le territoire français sans délai. Il mentionne également qu'eu égard aux circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale dès lors que M. B... déclare être célibataire avec un enfant à charge sans pouvoir le justifier. L'arrêté mentionne enfin que M. B... n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de renvoi dans son pays d'origine. La circonstance que le préfet de police n'ait pas précisé la durée de la résidence de M. B... en France, sa situation professionnelle, alors qu'il a déclaré à l'agent de police judiciaire lors de son audition du 8 octobre 2019 qu'il était sans ressources, ainsi que le lieu de sa résidence chez sa mère, dont il n'a pu justifier, ne saurait caractériser l'insuffisance de motivation alléguée. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'arrêté serait insuffisamment motivé ne peut qu'être écarté.

7. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, contrairement à ce que soutient M. B..., que l'arrêté critiqué n'aurait pas été précédé d'un examen individuel et approfondi de sa situation personnelle.

En ce qui concerne les moyens relatifs à la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. M. B... soutient qu'il est entré en France à l'âge de 14 ans, soit en 2009, pour y rejoindre sa mère, séjournant régulièrement sur le territoire français, ainsi que ses deux frères. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. B..., aux termes de déclarations contradictoires, a indiqué être entré en France le 5 août 2014, lors de l'instruction de sa demande de renouvellement de son titre de séjour en qualité de parent d'enfant français, puis, au cours de l'année 2017, lors de son audition du 8 octobre 2019 par un agent de police judiciaire, et, enfin, au cours de l'année 2012 et le 21 mai 2009 alors qu'il était âgé de quatorze ans dans le cadre de l'instance engagée devant le tribunal administratif. Néanmoins, ainsi que le soutient le préfet de police, M. B... n'apporte pas d'élément de nature à établir sa présence effective et continue sur le territoire français depuis l'une ou l'autre de ces dates ni, en tout état de cause, d'élément justifiant de la date et des conditions de son entrée en France ainsi que de la réalité et de l'ancienneté des liens affectifs qui l'unissent à sa mère ainsi qu'aux ressortissants français qu'il présente comme étant ses frères. M. B... ne conteste pas qu'il ne réside pas avec son père, qu'il séjourne épisodiquement avec sa mère. Si M. B... fait valoir qu'il a été scolarisé en France, il ne le justifie pas. Il ne peut davantage, alors même qu'il soutient avoir travaillé sur le territoire français pendant plusieurs années, justifier d'une insertion professionnelle à la date de la décision critiquée. Enfin, ainsi qu'il a été dit au point 4 ci-dessus, M. B... ne démontre pas entretenir de relations affectives avec son fils, né le 15 juin 2014, duquel il a toujours vécu séparé. Dans les circonstances de l'espèce, la décision contestée n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 doit être écarté.

10. En deuxième lieu, M. B... ne peut utilement invoquer la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'encontre de la décision critiquée qui ne lui refuse pas la délivrance d'un titre de séjour mais lui fait obligation de quitter le territoire français.

11. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

12. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 ci-dessus que M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée méconnaîtrait les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant.

13. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4 du présent arrêt, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait méconnu les dispositions du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

14. En cinquième lieu, M. B... ne peut utilement se prévaloir des stipulations de l'article 9 de la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990, qui crée seulement des obligations entre Etats sans ouvrir de droits à leurs ressortissants.

15. En sixième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 4 et 9, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée reposerait sur une appréciation manifestement erronée de sa situation.

16. En septième et dernier lieu, et en tout état de cause, M. B... ne peut soutenir par la voie de l'exception, pour les motifs énoncés aux points 4, 9 et 12, que la décision du 15 mai 2018 par laquelle le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour en qualité de parent d'enfant français est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne les moyens relatifs à la décision refusant un délai de départ volontaire :

17. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 16 ci-dessus que M. B... n'est pas fondé à invoquer, par la voie d'exception, l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

18. En deuxième lieu, aux termes des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / (...). / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) ; 2° Si l'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, (...) ; / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) ; / d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; / (...) ; / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au deuxième alinéa de l'article L. 611-3, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 513-4, L. 513-5, L. 552-4, L. 561-1, L. 561-2 et L. 742-2 ; / (...) ; / h) Si l'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ".

19. Pour refuser à M. B... un délai de départ volontaire, le préfet de police, qui a précisé qu'il avait fait l'objet d'une refus de renouvellement de son titre de séjour, qu'il existait un risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français dans la mesure où il s'était précédemment soustraie à une telle mesure le 15 mai 2018 et qu'il ne présentait pas de garanties de représentation suffisantes à défaut de disposer d'un document de voyage en cours de validité et d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale, et qu'il avait explicitement fait part de son intention de ne pas se conformer à l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre, s'est fondé sur les dispositions des 2° et celles des d), f) et h) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour et des étrangers et droit d'asile. La circonstance que M. B... a indiqué à l'agent de police judiciaire, lors de son audition du 8 octobre 2019, l'adresse de sa mère et a produit une attestation établie pour les besoins de la cause par celle-ci le 10 octobre 2019, soit postérieurement à la décision en litige, ne permet pas de considérer qu'il peut justifier d'une " résidence effective et permanente " en France au sens des dispositions précitées du f) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, M. B... ne peut utilement faire valoir qu'il présentait des garanties de représentation suffisantes au seul motif que son identité était connue des services de la préfecture de police.

20. En troisième et dernier lieu, pour les motifs qui viennent d'être énoncés aux points 9 et 15, le moyen tiré de ce que la décision en litige serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur la situation personnelle de M. B... ne peut qu'être écarté. Par suite, la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire n'a pas été prise en méconnaissance des dispositions du II de l'article L. 5111 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne les moyens relatifs à la décision fixant le pays de destination :

21. La décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas illégale, l'exception d'illégalité invoquée à l'appui des conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination doit être écartée.

22. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par les articles 1er et 2 du jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 8 octobre 2019 et lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation administrative de M. B... dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement. Il y a lieu, par voie de conséquence et dans cette seule mesure, d'annuler les articles 1er et 2 du jugement attaqué et de rejeter la demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Paris.

DECIDE :

Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement n° 1922003/8 du 23 octobre 2019 du Tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 2 : La demande présentée devant le Tribunal administratif de Paris par M. B... est dans cette mesure rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. D... I... B....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 23 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Soyez, président,

- M. Magnard, premier conseiller,

- Mme H..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 7 octobre 2020.

Le rapporteur,

S. H...Le président assesseur,

En application de l'article R. 222-26 du code

de justice administrative,

J.-E. SOYEZ

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19220034

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PARIS

N° 1922003/8

______

M. D... B...

______

Mme G...

Magistrat désigné

______

Jugement du 23 octobre 2019

______

335-03

C

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal administratif de Paris,

Le magistrat désigné Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire et des pièces complémentaires enregistrés respectivement les 9, 17 et 22 octobre 2019, M. D... B..., demande au Tribunal :

1°) d'annuler l'arrêté en date du 8 octobre 2019 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français, lui a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire et a fixé le pays à destination duquel il devait être éloigné ;

2°) d'enjoindre sous astreinte au préfet de police de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B... soutient que :

Sur l'ensemble des décisions attaquées, elles sont entachées d'insuffisance de motivation et n'ont pas été précédées d'un examen individuel de sa situation.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'erreur de droit au regard des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) et L. 511-4 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle viole l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Sur la décision de refus d'octroi de délai de départ volontaire :

- elle est illégale par exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnait l'article L. 511-1 II du CESEDA.

Sur la décision fixant le pays de destination, elle est illégale par exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

Le préfet de police a produit des pièces, enregistrées le 22 octobre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- le code des relations entre le public et l'administration,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G...,

- les observations de Me Slimani, avocat commis d'office, représentant M. B...,

- et les observations de Me Dussault, avocat, représentant le préfet de police, qui conclut au rejet de la requête au motif que ses moyens ne sont pas fondés.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant ivoirien né le 31 décembre 1994 à Kani (Côte d'Ivoire), a fait l'objet le 8 octobre 2019 d'un arrêté par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français, lui a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination. M. B... demande l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :

2. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ".

3. M. B..., qui soutient résider de manière continue depuis 2009 en France où il est arrivé, à l'âge de 14 ans, pour rejoindre son père, de nationalité française, et sa mère, en situation régulière, invoque les dispositions qui précèdent en soutenant qu'il est le père d'un enfant français, issu de sa relation avec Mme F... A..., à l'entretien et à l'éducation duquel il contribue effectivement depuis qu'il est né le 15 juin 2014. Il ressort des pièces du dossier que bien que le requérant habite à Paris et que l'enfant, E... B..., réside avec sa mère à Romilly sur Seine (Aube), M. B... établit, par des déclarations non sérieusement contestées à l'audience, qu'il participe à l'éducation de l'enfant, avec lequel il dit passer deux dimanches par mois. Il établit également, par la production de cinq mandats cash datés de 2015 et 2017, contribuer à l'entretien de l'enfant dans les limites de ses possibilités, alors même que le Tribunal de grande instance de Troyes, qui lui a accordé l'autorité parentale conjointe sur son fils, a reconnu son impécuniosité par un jugement du 14 avril 2015. Il résulte de ce qui précède que, au vu des circonstances de l'espèce, M. B... doit être regardé comme entrant dans le champ d'application des dispositions qui précèdent. Dès lors, l'intéressé est fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur de droit et doit être annulée. Cette annulation entraîne, par voie de conséquence, celle de la décision de refus d'octroi de délai de départ volontaire et de la décision fixant le pays de destination.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

4. Si le requérant demande au tribunal qu'il soit enjoint au préfet de police de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous astreinte, il n'y a pas lieu de faire droit à cette demande, cette délivrance étant une obligation légale en vertu de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. En revanche, il y a lieu de faire droit aux conclusions présentées à la barre par le requérant tendant à ce que le préfet de police procède, dans le délai de trois mois à compter de la date de notification du présent jugement, à un nouvel examen de la situation administrative de M. B.... Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une mesure d'astreinte.

Sur les frais liés au litige :

6. M. B... qui a été assisté par un avocat commis d'office, ne justifie pas de frais qu'il aurait exposés à l'occasion de l'instance. Il n'y a, dès lors, pas lieu de faire droit à ses conclusions tendant au versement d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E

Article 1er : L'arrêté en date du 8 octobre 2019 par lequel le préfet de police a obligé M. B... à quitter le territoire français, lui a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination est annulé.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de procéder au réexamen de la situation administrative de M. B... dans le délai de trois mois suivant la notification de la présente décision.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. D... B... et au préfet de police.

Lu en audience publique le 23 octobre 2019.

Le magistrat désigné,

N. G...Le greffier,

M. C...

La République mande et ordonne au préfet de police en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA04132


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA04132
Date de la décision : 07/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SOYEZ
Rapporteur ?: Mme Sonia BONNEAU-MATHELOT
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-10-07;19pa04132 ?
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