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07/10/2020 | FRANCE | N°19PA02625

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 07 octobre 2020, 19PA02625


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... C... ont demandé au Tribunal administratif de Melun :

1°) de prononcer la décharge du montant restant dû de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de 1'année 2010 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens de l'instance ainsi qu'une somme de 2 500 euros en application de 1'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1609689/7 du 13 juin 2019, le Tribunal administratif de

Melun a rejeté la demande de M. et Mme C....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... C... ont demandé au Tribunal administratif de Melun :

1°) de prononcer la décharge du montant restant dû de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de 1'année 2010 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens de l'instance ainsi qu'une somme de 2 500 euros en application de 1'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1609689/7 du 13 juin 2019, le Tribunal administratif de Melun a rejeté la demande de M. et Mme C....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 6 août 2019 et 2 mars 2020, M. et

Mme C..., représentés par Me A..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Melun du 13 juin 2019 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Ils soutiennent que :

- la facture Notola ne leur ayant pas été communiquée malgré leur demande, les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ont été méconnues ;

- le service ne pouvait recourir à l'assistance administrative internationale dans le cadre d'un contrôle sur pièces, qui s'effectue sans recours à des éléments extérieurs selon la doctrine administrative BOI-CF-DG-40-20-20120912, et aurait dû engager un examen contradictoire de situation fiscale personnelle ;

- aucune prestation distincte de la commercialisation des produits vendus par la société Notola n'a été effectuée en France par M. C..., la conception et le développement de ces produits n'ayant pu être effectués par ce dernier ;

- M. C... ne contrôlait pas la société Notola ;

- la société Notola avait une activité réelle ;

- la société Notola n'a pas été soumise au Luxembourg à un régime fiscal privilégié ;

- M. C... n'ayant développé en France aucune activité occulte, les dispositions du 3ème alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales ne sont pas applicables et les pénalités correspondantes ne sauraient être mises à sa charge.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 novembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme C... ne sont pas fondés.

Par deux lettres enregistrées les 5 et 10 mars 2020, le ministre de l'action et des comptes publics a produit des documents complémentaires.

Par une ordonnance du 8 juin 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au

23 juin 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme C... relèvent appel du jugement en date du 13 juin 2019 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande en décharge du montant restant en litige de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de 1'année 2010.

Sur la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " L'administration des impôts contrôle les déclarations ainsi que les actes utilisés pour l'établissement des impôts, droits, taxes et redevances. / (...) A cette fin, elle peut demander aux contribuables tous renseignements, justifications ou éclaircissements relatifs aux déclarations souscrites ou aux actes déposés. / (...) ". Contrairement à ce qui est soutenu, aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obstacle à ce que soient utilisées, dans le cadre du contrôle sur pièces d'un contribuable, des informations obtenues dans le cadre du contrôle d'un autre contribuable. L'administration était par suite en droit d'opposer à M. et Mme C..., à l'issue d'un contrôle sur pièces, les informations relatives à la société luxembourgeoise Notola obtenues auprès des autorités luxembourgeoises par le biais de l'assistance internationale dans le cadre de la vérification de comptabilité de la société Gaillac Distribution. La recherche de ces informations, qui ne révèle la mise en oeuvre d'aucune opération caractéristique d'un examen de situation fiscale personnelle à l'encontre de M. C..., ne nécessitait pas que le service engage à l'égard de l'intéressé un tel examen. La doctrine administrative référencée BOI-CF-DG-40-20-20120912 est relative à la procédure d'imposition et ne peut par suite être valablement invoquée sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

3. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article

L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". Dans le courrier du 24 février 2015, M. C... énonce avec précision les documents cités dans la proposition de rectification dont il demande communication au service. Au nombre de ces documents ne figure pas la facture émise par la société Notola. Le moyen tiré par les requérants de ce que ce document ne leur a pas été communiqué malgré leur demande, ne peut par suite qu'être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

4. En premier lieu, aux termes de l'article 155 A du code général des impôts : " I. Les sommes perçues par une personne domiciliée ou établie hors de France en rémunération de services rendus par une ou plusieurs personnes domiciliées ou établies en France sont imposables au nom de ces dernières : soit, lorsque celles-ci contrôlent directement ou indirectement la personne qui perçoit la rémunération des services ; soit, lorsqu'elles n'établissent pas que cette personne exerce, de manière prépondérante, une activité industrielle ou commerciale, autre que la prestation de services ; soit, en tout état de cause, lorsque la personne qui perçoit la rémunération des services est domiciliée ou établie dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de France où elle est soumise à un régime fiscal privilégié au sens mentionné à l'article 238 A ". Les prestations dont la rémunération est ainsi susceptible d'être imposée entre les mains de la personne qui les a effectuées correspondent à un service rendu pour l'essentiel par elle et pour lequel la facturation par une personne domiciliée ou établie hors de France ne trouve aucune contrepartie réelle dans une intervention propre de cette dernière, permettant de regarder ce service comme ayant été rendu pour son compte.

5. A la suite de la vérification de comptabilité de la société Gaillac Distribution, la somme facturée à cette dernière par la société Notola SA a été réintégrée dans les revenus imposables de M. et Mme C..., en application des dispositions de l'article 155 A du code général des impôts, au motif que les prestations ayant justifié ce paiement relevaient d'une activité personnelle de prestataire de services, assurée par M. C.... Il résulte de l'instruction, et il n'est pas sérieusement contesté, qu'ainsi que le fait valoir le ministre, la société Notola ne disposait pas de moyens matériels et humains, que le requérant a été l'unique interlocuteur de la société Gaillac Distribution et qu'il a enregistré auprès de l'INPI la marque Notola à son nom et à son adresse personnels à Saint-Mandé. M. C..., pour sa part, fait valoir qu'il s'est borné à assurer la commercialisation des produits vendus par la société Notola dont il n'était pas en mesure d'assurer la conception et le développement. S'il se prévaut à cet égard des travaux de recherche et de développement et des opérations de marketing effectués par une société serbe et produit un certain nombre de pièces, pour partie d'ailleurs en langue étrangère, de nature à établir la réalité des produits livrés à la société Gaillac Distribution ainsi que l'existence de projets industriels pour le développement de nouveaux marchés, cette argumentation n'est pas de nature à établir que les prestations facturées par la société Notola à la société Gaillac Distribution auraient été réalisées au sein de la société Notola par d'autres personnes que M. C.... Il en est de même de l'argument d'ailleurs dépourvu de toute pièce justificative tiré de l'activité de la société Notola au Gabon ou de celui tiré des sommes comptabilisées au titre des achats et des immobilisations incorporelles par la société Notola. Le moyen tiré de l'application erronée du I de l'article 155 ne peut donc qu'être écarté.

6. M. C... soutient en outre que la quasi-totalité de ses parts sociales de la société Notola a été cédée le 18 mars 2010. Il ne démontre toutefois pas le caractère effectif de cette cession en se bornant à produire un document, intitulé " cession d'actions ", dépourvu de date certaine, et des fiches d'actionnaires faisant état de cette cession mais dont l'authenticité ne peut être regardée comme établie, alors qu'il est constant que le requérant détenait auparavant

70 % desdites parts sociales, qu'au 31 décembre 2010, la base de données internationale Orbis mentionnait toujours le même pourcentage de détention du capital social par M. C... et qu'au 6 avril 2010, selon un procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire de la société Notola,

M. C... détenait à cette date 700 des 1 000 parts sociales de cette société. L'attestation établie par un notaire luxembourgeois faisant état du transfert de parts le 18 mars 2010 se borne à tirer les conséquences des documents produits par le requérant et dont l'authenticité n'est pas établie, ainsi qu'il vient d'être dit. La circonstance que M. C... ne soit plus regardé comme bénéficiaire effectif de la société au 31 juillet 2019 est sans incidence sur l'issue du litige. Il résulte en outre de l'instruction que M. C..., administrateur de la société Notola depuis son entrée dans le capital de la société en 2006, a exercé les fonctions d'administrateur délégué à la gestion journalière de la société au cours de l'année d'imposition. Il doit être en conséquence regardé comme en ayant exercé le contrôle au cours de l'année 2010.

7. Les sommes facturées par la société Notola à la société Gaillac Distribution étaient dès lors taxables entre les mains de M. C... sur le fondement des dispositions précitées de l'article 155 A du code général des impôts, sans que M. C... puisse faire valoir utilement que la société Notola n'a pas été soumise au Luxembourg à un régime fiscal privilégié.

8. En deuxième lieu, aux termes de 1'article L. 169 du livre des procédures fiscales, dans sa version applicable : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. / Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque le contribuable exerce une activité occulte. L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite ".

9. Il résulte ce qui a été dit au point 5. que les prestations facturées à la société Gaillac Distribution correspondaient à une activité exercée à titre personnel par M. C.... Le requérant n'avait ni déclaré cette activité à un centre de formalité des entreprises, ni souscrit les déclarations fiscales au titre de cette activité. M. C... n'invoquant et n'établissant à cet égard aucune erreur de sa part, le délai de reprise pouvait en conséquence s'exercer jusqu'à la fin de la dixième année qui suivait celle au titre de laquelle l'imposition était due, en application des dispositions précitées de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, soit jusqu'au

31 décembre 2020. Il s'ensuit que la proposition de rectification du 21 janvier 2015 a été notifiée à M. et Mme C... dans le respect du délai de reprise. En conséquence, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales doit être écarté.

Sur les pénalités :

10. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : (..) ; c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte ". Il résulte de ces dispositions que, dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, l'administration doit être réputée apporter la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte de l'activité professionnelle si le contribuable n'est pas lui-même en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ses obligations déclaratives.

11. Si M. et Mme C... soutiennent que le requérant n'a exercé aucune activité occulte en France, la preuve d'une telle activité a été apportée par l'administration fiscale, ainsi qu'il a été dit au point 5. Ainsi, alors qu'il n'est pas contesté que M. C... n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni déclaré son activité de prestataire informatique à un centre de formalités des entreprises, et dès lors qu'il n'établit pas qu'il aurait commis une erreur justifiant qu'il n'ait pas effectué ces formalités, l'administration fiscale était fondée à assortir l'imposition litigieuse de la majoration de 80 % définie par les dispositions précitées de l'article 1728 du code général des impôts.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que les requérants demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 23 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Soyez, président,

- M. D..., premier conseiller,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Lu en audience publique le 7 octobre 2020.

Le rapporteur,

F. D...Le président assesseur,

En application de l'article R. 222-26 du code

de justice administrative,

J.-E. SOYEZ

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

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N° 19PA02625


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA02625
Date de la décision : 07/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. SOYEZ
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : SELARL HUET et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-10-07;19pa02625 ?
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