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29/09/2020 | FRANCE | N°20PA00798

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 29 septembre 2020, 20PA00798


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme H..., en leur nom personnel et en leur qualité de représentants légaux de leur fils mineur C..., ont demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la récusation du docteur Dang Vu, désigné en qualité d'expert par ordonnance du 26 avril 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Melun, avec pour mission, notamment, de donner tous éléments utiles d'appréciation sur l'état actuel de l'enfant et les préjudices subis par celui-ci ; à titre subsidiaire, d'adjoindre au docte

ur Dang Vu un co-expert.

Par un jugement n° 1908809 du 31 décembre 2019, le tr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme H..., en leur nom personnel et en leur qualité de représentants légaux de leur fils mineur C..., ont demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la récusation du docteur Dang Vu, désigné en qualité d'expert par ordonnance du 26 avril 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Melun, avec pour mission, notamment, de donner tous éléments utiles d'appréciation sur l'état actuel de l'enfant et les préjudices subis par celui-ci ; à titre subsidiaire, d'adjoindre au docteur Dang Vu un co-expert.

Par un jugement n° 1908809 du 31 décembre 2019, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 mars 2020, M. et Mme H..., agissant en leur nom personnel et en leur qualité de représentants légaux de leur fils C..., représentée par Me

de Bary, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 31 décembre 2019 du tribunal administratif de Melun ;

2°) de prononcer la récusation du docteur Dang Vu ;

3°) de mettre à la charge de qui de droit la somme de 3 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leur demande est fondée au regard des dispositions de l'article R. 621-6 du code de justice administrative et de l'article L 721-1 du même code ; contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, les exigences du procès équitable prévues par l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales peuvent également être invoquées ; il en va de même des règles de déontologie applicables aux experts judiciaires ;

- leurs doutes quant à l'impartialité de l'expert sont légitimes compte tenu de l'attitude de ce dernier.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juillet 2020, le centre hospitalier intercommunal de Créteil et la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), représentés par Me Le Prado, concluent au rejet de la requête.

Ils font valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à M. B... A... qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par ordonnance du 23 juin 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 juillet 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jayer,

- et les conclusions de Mme Pena, rapporteur public.

Une note en délibéré présentée pour M. et Mme H... a été enregistrée le 9 septembre 2020.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 721-1 du code de justice administrative : " La récusation d'un membre de la juridiction est prononcée, à la demande d'une partie, s'il existe une raison sérieuse de mettre en doute son impartialité. ". Aux termes de l'article R. 621-6 du même code : " Les experts ou sapiteurs mentionnés à l'article R. 621-2 peuvent être récusés pour les mêmes causes que les juges (...) La partie qui entend récuser l'expert ou le sapiteur doit le faire avant le début des opérations ou dès la révélation de la cause de la récusation. Si l'expert ou le sapiteur s'estime récusable, il doit immédiatement le déclarer au président de la juridiction (...) ". Aux termes de l'article R. 621-6-4 du même code : " Si l'expert acquiesce à la demande de récusation, il est aussitôt remplacé. / Dans le cas contraire, la juridiction, par une décision non motivée, se prononce sur la demande, après audience publique dont l'expert et les parties sont avertis (...) ".

2. Il résulte des dispositions précitées du code de justice administrative que la récusation d'un expert ne peut être prononcée que s'il existe une raison sérieuse de mettre en doute son impartialité. Il appartient au juge, saisi par une partie à l'expertise demandant qu'il soit procédé à la récusation de l'expert et à son remplacement, de rechercher si les éléments et circonstances qui sont soumis à son appréciation permettent de faire douter de l'impartialité de l'expert dans la conduite des opérations qui lui ont été confiées.

3. Il ressort des pièces du dossier qu'une expertise médicale a été ordonnée le

26 avril 2019 par le juge des référés du tribunal administratif de Melun qui a désigné le docteur Dang Vu en qualité d'expert. Par le jugement du 31 décembre 2019 dont il est fait appel, le tribunal administratif de Melun a rejeté la demande de M. et Mme H... de récusation de ce dernier.

4. Pour mettre en doute l'impartialité du docteur Dang Vu, M. et Mme H... soutiennent, d'une part, que l'expert a demandé au médecin conseil du centre hospitalier et de son assureur de prendre des notes au cours de l'auscultation et de les lui adresser -sans les joindre au pré-rapport- tout en refusant d'en solliciter de la part de leur médecin-conseil, qu'il a également omis de mentionner la présence de leur médecin conseil dans son pré-rapport et de le lui adresser, qu'il a procédé à un examen médical auquel leur conseil n'a pu assister ; d'autre part, que l'expert a dénigré, minimisé ou omis de prendre en considération et d'évaluer certains préjudices subis par leur fils, a refusé d'envisager les différents préjudices subis par ce dernier dans leur globalité et s'est comporté de manière désinvolte, sans s'intéresser aux éléments mis à sa disposition ni tester les capacités de l'enfant et a affirmé, au cours de l'examen de la victime, que la perte de plusieurs doigts et les conséquences que cela impliquait était un problème mineur et qu'il n'était donc pas utile qu'il s'y attarde, a dénié le besoin de l'assistance d'une tierce personne en dehors de l'école et omis certaines dépenses de santé.

5. Ainsi que l'ont jugé à bon droit les premiers juges, les pièces du dossier n'établissent pas les circonstances invoquées, alors même que le pré-rapport de l'expert adressé aux parties, précis et détaillé, énumère et décrit les documents qui lui ont été communiqués ainsi que ceux recueillis lors de la réunion d'expertise ; il mentionne également quels justificatifs supplémentaires doivent être communiqués, fait état des amputations de phalanges des doigts constatées lors de l'examen et indique que la consolidation n'est pas acquise en raison de la poursuite de la croissance de l'enfant, qui ne pourra être constatée qu'à l'âge de 21-23 ans en fonction de l'évolution du développement des fonctions cognitives et comportementales, des acquisitions scolaires et du choix de l'orientation professionnelle de C.... Aucun des griefs, qui ont trait au contenu de l'expertise et à la pertinence et au bien-fondé de ses conclusions à intervenir ne sont ainsi de nature à révéler une cause objective de récusation de l'expert qui serait apparue au cours des opérations. L'attitude reprochée à ce dernier à l'égard des médecins conseils ne suffit par ailleurs pas à révéler une attitude suspecte de sa part vis-à-vis de l'une ou l'autre des parties et ne constitue pas une cause de récusation. Il en va de même du reproche fait à l'homme de l'art d'avoir refusé la présence du conseil des requérants lors de l'auscultation de l'enfant, réalisée en présence de son père. Si les requérants entendent, en réalité, mettre en cause la qualité et l'utilité du rapport d'expertise, de tels griefs sont, à les supposer établis, sans incidence dans le cadre d'une demande en récusation et relèvent de l'appréciation du juge statuant au fond sur la demande d'indemnisation engagée par les intéressés. Dans ces conditions, M. et Mme H... ne sont pas fondés à soutenir qu'il existe une raison sérieuse de mettre en doute l'impartialité de M. B... A... au sens de l'article L. 721-1 du code de justice administrative, ni que la désignation de cet expert les prive de la garantie d'un procès équitable au sens des stipulations de l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme qui ne peuvent être utilement invoquées dans le cadre d'une telle procédure qui ne porte ni sur des droits et obligations de caractère civil, ni sur une accusation en matière pénale, les règles de déontologie de l'expert invoquées étant, enfin, dépourvues de valeur normative.

6. Il s'en suit que M. et Mme H... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande tendant à la récusation du docteur Dang Vu. Par suite, leur requête, y compris ses conclusions tendant à la désignation d'un co-expert et à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doit être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme H... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... H... et Mme F... H..., au docteur Ban Dang Vu, au centre hospitalier intercommunal de Créteil, à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne et à la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM).

Délibéré après l'audience publique du 8 septembre 2020 à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- M. Bernier, président assesseur,

- Mme Jayer, premier conseiller.

Lu en audience publique le 29 septembre 2020.

Le rapporteur,

M-D Jayer Le président,

M. Bouleau Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N°20PA00798


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA00798
Date de la décision : 29/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-04-02-02-01-02 Procédure. Instruction. Moyens d'investigation. Expertise. Recours à l'expertise. Choix des experts.


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : SHERPA AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-09-29;20pa00798 ?
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