Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Galéa a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période du 1er janvier 2010 au 31 mai 2013, des majorations correspondantes ainsi que des amendes qui lui ont été infligées en application de l'article 1759 du code général des impôts.
Par un jugement n° 1609382/1-3 du 7 novembre 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 4 janvier 2019 et les 15, 16, 17 et 20 juillet 2020, la SARL Galéa, représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1609382/1-3 du 7 novembre 2018 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'entendre contradictoirement l'auteur du rapport d'expertise du 20 juillet 2020 en qualité de témoin ;
3°) d'ordonner avant-dire droit à l'administration de produire tout élément de nature à justifier son expérience acquise concernant le logiciel analysé ;
4°) de prononcer la décharge de ces impositions et amendes.
Elle soutient que :
- les premiers juges n'ont pas visé et tenu compte de son mémoire en réplique produit avant la clôture de l'instruction[HP1] ;
- en ne communiquant pas spontanément les sources techniques qu'elle a utilisées l'administration a violé l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales et les droits de la défense, manqué de loyauté et porté atteinte à son droit à un procès équitable garanti par l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la demande d'option qui lui a été présentée le 22 juillet 2013 ne mentionnant pas que les traitements opérés pouvaient servir à reconstituer ses recettes et lui laissant un délai insuffisant pour répondre, elle a été privée d'une garantie substantielle en méconnaissance de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales ;
- la méthode de reconstitution de son chiffre d'affaires repose sur un élément erroné, la méthode fondée sur le numéro de ticket suivant surévaluant le nombre de tickets émis ;
- il convient de retenir la méthode de reconstitution qu'elle propose, plus pertinente ;
- l'article 6-3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales lui permet de faire entendre des témoins ;
- la pénalité de 80 % n'est pas proportionnée dès lors qu'elle est assise sur des bases erronées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 avril 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 1er juillet 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 août 2020 à 12 heures.
Un mémoire, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de la relance, a été enregistré le 28 août 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La Sarl Galéa, qui exploite un restaurant à Paris, a fait l'objet en 2013 d'un contrôle inopiné, d'une vérification de comptabilité et d'une visite domiciliaire. A l'issue de ces opérations, l'administration a écarté comme non probante la comptabilité de la société à raison de recettes dissimulées, a reconstitué ces recettes et mis à sa charge des compléments d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2010 au 31 mai 2013. Ces droits supplémentaires ont été assortis de la majoration de 80 % pour manoeuvres frauduleuses et, en application de l'article 1759 du code général des impôts, des amendes correspondant à 100 % des revenus réputés distribués au cours des années 2010, 2011 et 2012. La SARL Galéa fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'ensemble de ces droits et pénalités.
Sur la régularité du jugement :
2. Il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que soutient la requérante, les premiers juges ont visé le mémoire en réplique qu'elle a produit le 19 janvier 2017 et qui a été enregistré au greffe du Tribunal le 20 janvier 2017 à 10 h 43, avant la clôture de l'instruction le même jour à midi. Ce mémoire ne soulevant aucun moyen nouveau, la circonstance qu'il n'ait pas été communiqué est en l'espèce sans incidence sur la régularité du jugement.
3. Par ailleurs, eu égard aux arguments développés à son soutien, les premiers juges ont suffisamment motivé leur réponse au moyen tiré de ce que la méthode de reconstitution alternative proposé par la requérante serait plus pertinente.
Sur le bien fondé du jugement :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". Il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressée de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Cette obligation ne s'impose que pour les seuls renseignements effectivement utilisés pour fonder les rectifications, et qui ne sont pas directement et effectivement accessibles au contribuable dans les mêmes conditions qu'à l'administration.
5. Si la requérante fait valoir que le vérificateur ne pouvait pas avoir connaissance des spécifications techniques du logiciel de caisse qu'elle utilisait, et qu'en ne lui indiquant pas l'origine des documents consultés, elle a méconnu les dispositions rappelées ci-dessus, il ne résulte toutefois pas de l'instruction que les informations contenues dans la proposition de rectification et dans ses annexes auraient été obtenues auprès de tiers. Notamment, la seule mention dans ces annexes de l'algorithme de fonctionnement des compteurs de lignes ne suffit pas à établir que l'administration ne disposait pas, comme elle le soutient, des connaissances relatives aux fonctionnalités du logiciel " PI Electronique " analysé, couramment utilisé par les entreprises de restauration, ni qu'elle aurait nécessairement eu besoin d'obtenir cette information auprès du concepteur de ce logiciel, alors que le vérificateur était assisté d'un inspecteur de la cellule de contrôle informatisé de la direction spécialisée du contrôle fiscal d'Ile-de-France Ouest. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'obligation d'information et de communication prévues par les dispositions précitées du livre des procédures fiscales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, les moyens tirés de ce que l'administration aurait méconnu les droits de la défense protégés par l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et fait preuve de déloyauté en procédant ainsi doivent être écartés.
6. En second lieu, aux termes du II de l'article L. 47-A du livre des procédures fiscales : "- En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Le contribuable formalise par écrit son choix parmi l'une des options suivantes : / a) Les agents de l'administration peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable ; / b) Celui-ci peut effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. Dans ce cas, l'administration précise par écrit au contribuable, ou à un mandataire désigné à cet effet, les travaux à réaliser ainsi que le délai accordé pour les effectuer. Les résultats des traitements sont alors remis sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget ; / c) Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. Il met alors à la disposition de l'administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle. (...) ". Il résulte de ces dispositions que le vérificateur qui envisage un traitement informatique sur une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés doit indiquer au contribuable, au plus tard au moment où il décide de procéder au traitement, par écrit et de manière suffisamment précise, la nature des traitements informatiques qu'il souhaite effectuer, eu égard aux investigations envisagées, afin de permettre au contribuable de choisir en toute connaissance de cause entre les trois options offertes par ces dispositions.
7. Il résulte de l'instruction que le service vérificateur a, par une lettre du 22 juillet 2013, remise en mains propres au gérant de la société, informé celle-ci que les traitements informatiques envisagés consistaient à " s'assurer de la cohérence et de l'exhaustivité des ventes et règlements enregistrés ", à " contrôler les taux de TVA appliqués aux articles vendus ", et à " contrôler les procédures de correction et d'annulation utilisées sur le système de caisses, notamment à partir des éléments de traçabilité intégrés ", et faisait également référence à " tout traitement destiné à valider la cohérence et l'exhaustivité des données requises pour ces différentes analyses. ". Alors même que l'éventualité d'une reconstitution des recettes n'est pas mentionnée dans ce courrier, eu égard aux caractéristiques du système informatisé dont disposait la société, en lui fournissant, à ce stade, de telles indications le vérificateur l'a, en l'espèce, suffisamment informée sur la nature des investigations souhaitées pour lui permettre d'effectuer, en toute connaissance de cause et avec un délai de réflexion suffisant, son choix entre les trois options A, B et C prévues par l'article L. 45 A et clairement exposées dans la lettre susmentionnée.
En ce qui concerne le bien fondé des impositions :
8. Il résulte de l'instruction que le service vérificateur a constaté, après analyse des bandes de caisse et des éléments obtenus lors des opérations de visite et de saisie, notamment les bandes de contrôle relatives à la période du 10 avril au 17 juillet 2012 qui se trouvaient dans une clé USB, que sur la période contrôlée un nombre important de tickets avait été supprimés, et les tickets restant renumérotés, à l'aide d'un outil logiciel externe au système des caisses. Il a ensuite reconstitué les recettes correspondant aux tickets supprimés en multipliant le nombre de " tickets manquants " par le montant du ticket moyen encaissé, déterminé pour chaque exercice.
9. Pour soutenir que la méthode de dénombrement de tickets manquants utilisée, fondée essentiellement sur l'analyse du " numéro de ticket suivant " émis par le logiciel de caisse et non modifié après suppression de certains tickets par le logiciel externe, serait " dénuée de toute fiabilité et radicalement viciée dans son principe ", la requérante reprend en appel les arguments de première instance tirés de ce que cette méthode conduit à constater dans certains cas des " tickets manquants négatifs ", de ce qu'elle présente des résultats incohérents avec l'analyse des bandes de caisse présentes sur la clé USB saisie et de ce qu'elle ne prend pas en compte les tickets " doublons " portant un numéro identique. En l'absence de tout élément de fait ou de droit nouveau, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
10. Par ailleurs si la requérante soutient à nouveau que la méthode de reconstitution de ses recettes, par matière, qu'elle propose est plus fiable et doit être substituée à celle mise en oeuvre par l'administration, elle n'apporte en appel aucun élément de fait ou de droit nouveau de nature à établir que cette méthode serait plus pertinente que celle mise en oeuvre par l'administration. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
Sur les pénalités :
11. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : (...) c. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses (...) ". Ces dispositions proportionnent les pénalités selon les agissements commis par le contribuable et prévoient des taux de majoration différents selon la qualification qui peut être donnée au comportement de celui-ci. Le juge de l'impôt, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, décide, dans chaque cas, selon les résultats de ce contrôle, soit de maintenir ou d'appliquer la majoration effectivement encourue au taux prévu par la loi, sans pouvoir moduler celui-ci pour tenir compte de la gravité de la faute commise par le contribuable, soit, s'il estime que l'administration n'établit, ni que celui-ci se serait rendu coupable de manoeuvres frauduleuses, ni qu'il aurait agi de mauvaise foi, de ne laisser à sa charge que des intérêts de retard.
12. Les opérations de contrôle, ainsi qu'il a été dit précédemment, ont révélé l'utilisation récurrente, nécessairement délibérée, d'un logiciel externe au système informatisé des caisses permettant de supprimer des tickets encaissés et, par suite, des recettes à hauteur de plus de 300 000 euros par exercice plein, tout en donnant l'apparence de sincérité et d'exactitude à la comptabilité. Dans ces conditions, l'administration, qui supporte la charge de la preuve, établit l'existence, de la part de la requérante, de manoeuvres frauduleuses destinées à l'égarer dans ses contrôles, sans que la SARL Galéa puisse utilement soutenir que la majoration de 80 % appliquée serait disproportionnée.
13. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'entendre des témoins ou d'ordonner la production de nouvelles pièces, que la SARL Galéa n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Galéa est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Galéa et au ministre de l'économie, des finances et de la relance
Délibéré après l'audience du 15 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- Mme A..., président assesseur,
- M. Segretain, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 29 septembre 2020.
Le rapporteur,
P. A...Le président,
C. JARDINLe greffier,
C. BUOT La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
[HP1]Si l'on accepte de voir le moyen...
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N° 19PA00026