Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 17 janvier 2018 par lequel le ministre de l'éducation nationale et la ministre des sports ont prononcé sa révocation de la fonction publique ainsi que la décision du 19 juillet 2018 confirmant le maintien de cette sanction après l'avis de la commission de recours du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat.
Par un jugement n° 1816579/5-3 du 27 mars 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 24 mai 2019 et 5 mai 2020, M. D..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1816579/5-3 du 27 mars 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
2°) d'annuler l'arrêté du 17 janvier 2018 par lequel le ministre de l'éducation nationale et la ministre des sports ont prononcé sa révocation de la fonction publique ainsi que la décision du 19 juillet 2018 confirmant le maintien de cette sanction après l'avis de la commission de recours du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat.
Il soutient que :
- le jugement attaqué n'est pas signé en méconnaissance des articles R. 741-7 et R. 741-8 du code de justice administrative ;
- la décision contestée est entachée d'un vice de procédure dès lors que l'ensemble des pièces du dossier disciplinaire et notamment les pièces transmises par le procureur de la République sur la base desquelles a été établi le pré-rapport disciplinaire ne lui ont pas été communiquées ;
- la décision contestée a été prise avant que le procès-verbal de la commission administrative paritaire n'ait été communiqué aux parties ;
- la décision contestée est entachée d'un vice de procédure dès lors que les membres suppléants de la commission administrative paritaire ont pris part irrégulièrement au vote du conseil de discipline ;
- la sanction prononcée de révocation est disproportionnée.
Par un mémoire enregistré le 29 juillet 2019, la ministre des sports conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 2004-697 du 12 juillet 2004 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mach, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., inspecteur de la jeunesse et des sports de classe exceptionnelle exerçant les fonctions de directeur technique national de la fédération française de tennis de table, a été condamné par jugement du 8 juin 2017 du tribunal correctionnel de Versailles à une peine d'emprisonnement de six mois avec sursis pour atteinte à la vie privée par enregistrement. Nommé pour ordre au sein de l'administration centrale à compter de juillet 2017 suite à sa démission des fonctions de directeur technique, M. D... a été suspendu de ses fonctions par arrêté du 8 septembre 2017. Par décision du 17 janvier 2018, le ministre de l'éducation nationale et le ministre des sports ont prononcé à son encontre la sanction disciplinaire de la révocation. A la suite du recours formé par l'intéressé contre cette décision, examiné par la commission de recours du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat lors de sa séance du 12 juin 2018, le directeur des ressources humaines du secrétariat général des ministères chargés des affaires sociales a maintenu la sanction de révocation par courriel en date du 19 juillet 2018. M. D... relève appel du jugement du 27 mars 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 17 janvier 2018 et du 19 juillet 2018.
2. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
3. Il ressort des pièces du dossier que M. D... a été condamné, par jugement du tribunal correctionnel de Versailles en date du 8 juin 2017, à six mois d'emprisonnement avec sursis avec obligation de se soumettre à des mesures d'examen, de contrôle, de traitement et de soins médicaux pour des faits d'atteinte à l'intimité de la vie privée par fixation, enregistrement ou transmission de l'image d'une personne, l'intéressé ayant filmé avec son téléphone portable et à leur insu onze personnes féminines identifiées ainsi que d'autres victimes non identifiées alors qu'elles se trouvaient dans les vestiaires d'une piscine municipale. Les faits reprochés à M. D... et ayant donné lieu à une condamnation pénale constituent de graves manquements au devoir d'exemplarité et de dignité, notamment exigé dans un corps d'inspection et pour un agent exerçant des fonctions d'autorité et d'encadrement et doivent être regardés comme ayant porté atteinte à l'image et à la réputation de son administration. Ces graves manquements sont de nature à justifier une sanction disciplinaire.
4. Toutefois, ces agissements, bien que commis dans un établissement d'activités physiques et sportives, ont été commis en dehors de tout cadre professionnel et ont été reconnus par l'intéressé, lequel a exprimé des regrets et a fait part de sa volonté de respecter son obligation de soins imposée par le tribunal correctionnel. Si les attestations médicales produites ne permettent pas de regarder M. D... comme non responsable de ses actes au moment des faits commis, elles font état de troubles cognitifs en lien avec ses troubles comportementaux. Il ressort en outre des pièces du dossier, et notamment de la motivation de la sanction, que les agissements de M. D..., s'ils sont incompatibles avec certaines fonctions statutaires du corps des inspecteurs de la jeunesse et des sports et avec l'exercice des missions de conseiller technique sportif auprès d'une fédération sportive, ne sont pas incompatibles avec tout emploi correspondant au grade de l'intéressé et que le tribunal correctionnel n'a pas inscrit la condamnation au bulletin n° 2 de son casier judiciaire. Au surplus, et alors même qu'un tel avis ne lie pas l'administration, la commission de recours du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat a, dans son avis en date du 12 juin 2018, proposé de substituer à la mesure de révocation la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pendant deux ans. Dans ces conditions, en dépit de la nature et de la gravité des faits qui lui sont reprochés, qui justifiaient une sanction sévère, et compte tenu de la manière de servir de l'intéressé ainsi que de son absence d'antécédents judiciaires ou disciplinaires, la sanction de la révocation prononcée à l'encontre de M. D... est disproportionnée.
5. Il résulte de ce qui précède et, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens, que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 janvier 2018 et de la décision du 19 juillet 2018.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1816579/5-3 du 27 mars 2019 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 17 janvier 2018 par lequel le ministre de l'éducation nationale et la ministre des sports ont prononcé la révocation de M. D... ainsi que la décision du 19 juillet 2018 confirmant le maintien de cette sanction après l'avis de la commission de recours du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat sont annulés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Délibéré après l'audience du 11 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme A..., président de chambre,
- Mme E..., présidente assesseure,
- Mme Mach, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 25 septembre 2020.
Le rapporteur,
A-S MACHLe président,
M. A...Le greffier,
A. BENZERGUALa République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA01719