Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le centre hospitalier d'Arles a demandé à la commission départementale d'aide sociale des Bouches-du-Rhône d'annuler la décision du 18 septembre 2017 par laquelle le directeur de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône lui a indiqué qu'il ne bénéficiait de l'aide médicale de l'Etat qu'à compter du 1er septembre 2017.
Par une décision du 4 décembre 2017, la commission départementale d'aide sociale des Bouches-du-Rhône a constaté que sa demande était sans objet et a rejeté son recours.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 15 avril 2019, et deux nouveaux mémoires, enregistrés le 19 juin 2020 et le 27 août 2020, le centre hospitalier d'Arles, représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler la décision du 4 décembre 2017 par laquelle la commission départementale d'aide sociale des Bouches-du-Rhône a constaté que sa demande était sans objet et a rejeté son recours ;
2°) d'admettre au bénéfice de l'aide médicale de l'Etat à M. D... C... à compter du dépôt de sa première demande, le 2 mai 2017 ;
3°) de mettre à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à tort que les droits à l'aide médicale d'Etat de M. C... n'ont pas été ouverts à compter de sa première demande déposée le 2 mai 2017 ; M. C... a bien produit les pièces réclamées, qui établissaient qu'il satisfaisait aux conditions de résidence et de ressources exigées pour bénéficier de l'aide médicale de l'Etat ;
- la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône ne pouvait indiquer par courrier du 14 juin 2017 à M. C... que, faute de production des documents réclamés dans un délai expirant le 26 juin suivant, sa demande serait classée sans suite, le privant ainsi de la possibilité de produire les pièces qui lui étaient réclamées ;
- c'est à tort que la commission départementale d'aide sociale a estimé que la demande était sans objet au motif que, par une décision du 17 septembre 2017, l'aide médicale de l'Etat avait été octroyée à M. C..., alors que le recours du centre hospitalier d'Arles était dirigé contre la décision de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône du 14 juin 2017 refusant l'attribution de l'AME à compter du jour du dépôt de la première demande, soit le 2 mai 2017.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 17 février 2020 et le 3 juillet 2020, la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 2 500 euros soit mis à la charge du centre hospitalier d'Arles sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la requête est irrecevable faute de qualité pour agir du requérant et qu'en outre les moyens soulevés par le centre hospitalier d'Arles ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 ;
- le décret n° 54-883 du 2 septembre 1954 modifié ;
- le décret n° 2005-860 du 28 juillet 2005 ;
- le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., avocat du centre hospitalier d'Arles.
Considérant ce qui suit :
Sur la recevabilité de la requête :
1. D'une part, aux termes de l'article L. 134-4 du code de l'action sociale et des familles dans sa rédaction applicable à la date d'enregistrement de la requête : " Tant les recours devant la commission départementale que les recours et les appels devant la commission centrale peuvent être formés par (...) l'établissement ou le service qui fournit les prestations (...) ayant un intérêt direct à la réformation de la décision. " ; le centre hospitalier d'Arles, dans lequel M. D... C... a été hospitalisé du 15 au 28 juin 2017 disposait ainsi d'un intérêt lui donnant qualité pour agir. D'autre part, la requête présentée le 30 janvier 2018 par un agent du centre hospitalier d'Arles a été régularisée par un mémoire, enregistré le 19 juin 2020, présenté pour le centre hospitalier d'Arles par un avocat, qui n'a pas à justifier d'un mandat pour produire au nom de son client. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, tirée de l'absence de qualité pour agir du requérant, doit être écartée.
Sur le bien-fondé de la décision de la commission départementale d'aide sociale des Bouches-du-Rhône du 4 décembre 2017 :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 252-3 du code de l'action sociale et des familles : " L'admission à l'aide médicale de l'Etat des personnes relevant des trois premiers alinéas de l'article L. 251-1 est prononcée, dans des conditions définies par décret, par le représentant de l'Etat dans le département, qui peut déléguer ce pouvoir au directeur de la caisse primaire d'assurance maladie des travailleurs salariés. / Cette admission est accordée pour une période d'un an. Toutefois le service des prestations est conditionné au respect de la stabilité de la résidence en France, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. / Les organismes mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 752-4 du code de la sécurité sociale peuvent obtenir le remboursement des prestations qu'ils ont versées à tort. En cas de précarité de la situation du demandeur, la dette peut être remise ou réduite. " ; aux termes de l'article 44 du décret susvisé du 2 septembre 1954 : " Toute personne demandant le bénéfice de l'aide médicale de l'Etat est tenue de faire connaître à l'autorité mentionnée à l'article L. 252-3 du code de l'action sociale et des familles toutes informations relatives à son identité, à sa résidence, à sa situation de famille, à ses ressources, à ses biens et à ses charges, ainsi qu'à ses droits au regard d'un régime de base ou complémentaire d'assurance maladie. / La liste des pièces justificatives et des documents, au vu desquels sont appréciées l'identité du demandeur et des personnes à charge, la présence ininterrompue depuis plus de trois mois sur le territoire français et leurs ressources, est fixée par le décret prévu par le premier alinéa de l'article L. 252-3 de ce même code. / (...) " ; aux termes de l'article 4 du décret susvisé du 28 juillet 2005 : " Conformément à l'article 44 du décret du 2 septembre 1954 susvisé, le demandeur de l'aide médicale de l'Etat doit, préalablement à la décision d'admission, fournir un dossier de demande comportant, pour la vérification de son identité et des conditions légales de résidence en France et de ressources, les pièces justificatives respectivement indiquées ci-après : / 1° Pour la justification de son identité et de celle des personnes à sa charge, l'un des documents énumérés ci-après : / a) Le passeport ; / b) La carte nationale d'identité ; / c) Une traduction d'un extrait d'acte de naissance effectuée par un traducteur assermenté auprès des tribunaux français ou par le consul, en France, du pays rédacteur de l'acte ou du pays dont l'intéressé a la nationalité ; / d) Une traduction du livret de famille effectuée par un traducteur assermenté auprès des tribunaux français ou par le consul, en France, du pays rédacteur de l'acte ou du pays dont l'intéressé a la nationalité ; / e) Une copie d'un titre de séjour antérieurement détenu ; / f) Tout autre document de nature à attester l'identité du demandeur et celle des personnes à sa charge. / 2° Pour la justification de la présence ininterrompue depuis trois mois sur le territoire français du demandeur, le visa ou le tampon comportant la date d'entrée en France figurant sur son passeport ou, à défaut : / a) Une copie du contrat de location ou d'une quittance de loyer datant de plus de trois mois ou d'une facture d'électricité, de gaz, d'eau ou de téléphone datant de plus de trois mois ; / b) Un avis d'imposition ou de non-imposition à l'impôt sur le revenu des personnes physiques, à la taxe foncière ou à la taxe d'habitation ; / c) Une facture d'hôtellerie datant de plus de trois mois ; / d) Une quittance de loyer ou une facture d'électricité, de gaz, d'eau ou de téléphone établie au nom de l'hébergeant, datant de plus de trois mois, lorsque le demandeur est hébergé à titre gratuit par une personne physique ; / e) Une attestation d'hébergement établie par un centre d'hébergement et de réinsertion sociale datant de plus de trois mois ; / f) Si la personne est sans domicile fixe, une attestation de domiciliation établie par un organisme agréé en application de l'article L. 252-2 du code de l'action sociale et des familles et datant de plus de trois mois ; / g) Tout autre document de nature à prouver que cette condition est remplie. / 3° Pour la justification de ses ressources et, le cas échéant, de celles des personnes à charge, y compris les ressources venant d'un pays étranger, un document retraçant les moyens d'existence du demandeur et leur estimation chiffrée. / (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 44-1 du décret susvisé du 2 septembre 1954 : " La décision d'admission à l'aide médicale de l'Etat prend effet à la date du dépôt de la demande. (...) ". Il résulte de ces dispositions réglementaires que la date d'effet de l'admission à l'aide médicale de l'Etat est celle du dépôt du dossier de demande, quand bien même ce dernier ne serait pas complet, pourvu qu'il soit ultérieurement complété.
4. M. D... C..., de nationalité comorienne, a déposé le 2 mai 2017 une demande tendant à bénéficier de l'aide médicale de l'Etat ; la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône lui a demandé, par un courrier du 15 mai 2017, de produire certains documents afin de compléter son dossier de demande ; des documents ont été produits par l'intéressé le 1er juin 2017 mais ont été estimés " non conformes " par la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône dans son courrier du 14 juin 2017 ; enfin, M. C... a déposé le 1er septembre 2017 une nouvelle demande tendant à bénéficier de l'aide médicale de l'Etat, qui, celle-là, a été regardée comme complète par la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône.
5. Il résulte de l'instruction que M. C..., qui était en situation irrégulière sur le territoire français, a produit le 1er juin 2017 une photocopie de la première page de son passeport et de celle portant son visa d'entrée en France, valable du 22 mai au 6 juillet 2014, a justifié, par la production de plusieurs documents, qu'il était présent, de manière ininterrompue, en France depuis au moins trois mois à la date de sa demande, le 2 mai 2017, et a justifié, par la production d'une attestation sur l'honneur en date du 10 avril 2017 de la personne qui l'hébergeait en Arles, que celle-ci lui donnait 150 euros par mois pour ses besoins depuis le 30 mai 2014 jusqu'au jour de cette attestation. L'intéressé répondait ainsi, certes de manière minimale, aux exigences de l'article 4 du décret susvisé du 28 juillet 2005 relative à la composition du dossier de demande de l'aide médicale de l'Etat. S'il était le cas échéant loisible à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône de demander à M. C... des pièces complémentaires afin d'instruire son dossier de demande, dans la limite des pièces énumérées par les dispositions précitées de l'article 4 du décret susvisé du 28 juillet 2005, elle ne pouvait, comme elle l'a fait, d'une part classer sans suite, le 14 juin 2017, sa demande initiale et, d'autre part, par la décision du 18 septembre 2017 de son directeur, lui indiquer qu'il ne bénéficiait de l'aide médicale de l'Etat qu'à compter du 1er septembre 2017. Par suite, la décision du 18 septembre 2017 du directeur de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône et la décision du 4 décembre 2017 de la commission départementale d'aide sociale des Bouches-du-Rhône doivent être annulées, et M. C... doit être admis à l'aide médicale de l'Etat à compter du 2 mai 2017, date du dépôt initial de la demande qui a été ultérieurement régularisée le 1er juin 2017.
6. Il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier d'Arles est fondé à soutenir que c'est à tort que, par sa décision attaquée du 4 décembre 2017, la commission départementale d'aide sociale des Bouches-du-Rhône a constaté que sa demande était sans objet et a rejeté son recours.
Sur les frais liés à l'instance :
7. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais liés à l'instance ; dès lors, les conclusions présentées à ce titre par la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône doivent être rejetées.
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône le paiement au centre hospitalier d'Arles de la somme de 1 500 euros au titre des frais liés à l'instance en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La décision du 4 décembre 2017 de la commission départementale d'aide sociale des Bouches-du-Rhône et la décision du 18 septembre 2017 du directeur de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône sont annulées.
Article 2 : M. D... C... est admis au bénéfice de l'aide médicale de l'Etat à compter du 2 mai 2017.
Article 3 : La caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône versera au centre hospitalier d'Arles une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier d'Arles, à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, à M. D... C... et au ministre des solidarités et de la santé.
Délibéré après l'audience du 3 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, président de chambre,
- M. B..., président assesseur,
- Mme Larsonnier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 septembre 2020.
Le rapporteur,
I. B...Le président,
H. VINOT
Le greffier,
Y. HERBERLa République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA01242