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24/09/2020 | FRANCE | N°19PA00591

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 24 septembre 2020, 19PA00591


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'union départementale des associations familiales de l'Aveyron agissant au nom de Mme C... A... sous curatelle renforcée a demandé à la commission départementale d'aide sociale de l'Aveyron d'annuler la décision du 7 juillet 2017 par laquelle le conseil départemental de l'Aveyron a refusé l'admission de Mme A... au bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement à compter du 1er janvier 2017.

Par une décision du 5 octobre 2018, la commission départementale d'aide sociale de l'Aveyron a admis sa de

mande à compter du 1er septembre 2018.

Procédure devant la Cour :

Par une requête...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'union départementale des associations familiales de l'Aveyron agissant au nom de Mme C... A... sous curatelle renforcée a demandé à la commission départementale d'aide sociale de l'Aveyron d'annuler la décision du 7 juillet 2017 par laquelle le conseil départemental de l'Aveyron a refusé l'admission de Mme A... au bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement à compter du 1er janvier 2017.

Par une décision du 5 octobre 2018, la commission départementale d'aide sociale de l'Aveyron a admis sa demande à compter du 1er septembre 2018.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 1er février et 9 juillet 2019, l'union départementale des associations familiales de l'Aveyron agissant au nom de Mme A..., demande à la Cour dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler la décision du 5 octobre 2018 de la commission départementale d'aide sociale de l'Aveyron en tant qu'elle n'admet pas Mme A... au bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement uniquement pour la période du 16 mai 2017 au 23 juillet 2017 ;

2°) d'annuler la décision du 7 juillet 2017 en tant que le conseil départemental de l'Aveyron a refusé l'admission de Mme A... au bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement au titre de la période du 16 mai 2017 au 23 juillet 2017.

Elle soutient que Mme A... remplit les conditions pour bénéficier de la prise en charge de ses frais d'hébergement du 16 mai 2017 au 31 août 2018 sous déduction des dépenses exclusives de tout choix de gestion, à savoir la cotisation mutuelle, les frais de mesure de protection et l'impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juin 2019, le département de l'Aveyron, représenté par son président, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête est tardive ;

- le contentieux n'est pas lié en l'absence de décision attaquée ;

- la requête est dépourvue de conclusions ;

- Mme A... dispose de ressources personnelles suffisantes pour couvrir ses frais d'hébergement ;

- si le bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement " personne âgée " lui était accordé, l'ouverture de ses droits ne pourrait intervenir qu'à compter du 16 mai 2017 en application des articles L. 131-4 et R. 131-2 du code de l'action sociale et des familles.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 ;

- le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... est hébergée depuis le 19 novembre 2013 au sein de l'EHPAD " résidence parc de La Corette " à Mur-de-Barrez. L'union départementale des associations familiales de l'Aveyron (UDAF 12) agissant en son nom en tant que curatrice a demandé au département de l'Aveyron la prise en charge au titre de l'aide sociale des frais d'hébergement de l'intéressée en qualité de personne âgée à compter du 1er janvier 2017. Une décision de rejet assortie d'une invitation à déposer un nouveau dossier dans trois ans lui a été opposée le 7 juillet 2017 au motif qu'elle " dispose de liquidités lui permettant de financer ses frais pendant 3 ans ". Le 27 novembre 2017, l'UDAF 12, agissant au nom de Mme A..., a présenté une nouvelle demande au département de l'Aveyron, tendant à la prise en charge au titre de l'aide sociale des frais d'hébergement de l'intéressée en qualité de personne handicapée. Le 26 janvier 2018, le conseil départemental de l'Aveyron a accepté la prise en charge au titre de l'aide sociale des frais d'hébergement de l'intéressée en qualité de personne handicapée pour la période du 24 juillet 2017 au 23 juillet 2019. Le recours formé le 8 août 2017 par l'UDAF 12 contre la décision du 7 juillet 2017 devant la commission départementale d'aide sociale de l'Aveyron a été accueilli à compter du 1er septembre 2018 par une décision du 5 octobre 2018 de la commission départementale d'aide sociale de l'Aveyron, dont l'UDAF 12, agissant au nom de Mme A... doit être regardée dans le dernier état de ses écritures comme en relevant appel en tant qu'elle concerne la période du 16 mai 2017 au 23 juillet 2017.

Sur les fins de non-recevoir opposées en défense par le département de l'Aveyron :

2. En premier lieu, dès lors qu'aucune pièce ne permet de déterminer la date de réception de la notification à l'UDAF 12 de la décision devant la commission départementale d'aide sociale de l'Aveyron qui seule constitue le point de départ du délai de recours contentieux, la fin de non-recevoir opposée par le département de l'Aveyron tirée de la tardiveté de la requête d'appel ne peut qu'être écartée.

3. En second lieu, dès lors que la requête de l'UDAF 12 est dirigée contre la décision du 5 octobre 2018 de la commission départementale d'aide sociale de l'Aveyron qu'elle produit et dont elle demande l'annulation, les fins de non-recevoir opposées par le département de l'Aveyron tirées de l'absence de décision attaquée et de l'absence de conclusions ne peuvent qu'être écartées.

Sur le bien-fondé de la demande d'admission à l'aide sociale :

4. Aux termes de l'article L. 131-4 du code de l'action sociale et des familles : " Les décisions attribuant une aide sous la forme d'une prise en charge de frais d'hébergement peuvent prendre effet à compter de la date d'entrée dans l'établissement à condition que l'aide ait été demandée dans un délai fixé par voie réglementaire ". L'article R. 131-2 du même code précise que " Sauf dispositions contraires, les demandes tendant à obtenir le bénéfice de l'aide sociale prévue aux titres III et IV du livre II prennent effet au premier jour de la quinzaine suivant la date à laquelle elles ont été présentées. / Toutefois, pour la prise en charge des frais d'hébergement des personnes accueillies dans un établissement social ou médico-social, habilité à recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale ou dans un établissement de santé dispensant des soins de longue durée, la décision d'attribution de l'aide sociale peut prendre effet à compter du jour d'entrée dans l'établissement si la demande a été déposée dans les deux mois qui suivent ce jour. Ce délai peut être prolongé une fois, dans la limite de deux mois, par le président du conseil départemental ou le préfet (...) ". Selon l'article L. 132-1 du même code : " Il est tenu compte, pour l'appréciation des ressources des postulants à l'aide sociale, des revenus professionnels et autres et de la valeur en capital des biens non productifs de revenu, qui est évaluée dans les conditions fixées par voie réglementaire ". Selon l'article L. 132-3 du même code : " Les ressources de quelque nature qu'elles soient à l'exception des prestations familiales, dont sont bénéficiaires les personnes placées dans un établissement au titre de l'aide aux personnes âgées ou de l'aide aux personnes handicapées, sont affectées au remboursement de leurs frais d'hébergement et d'entretien dans la limite de 90 %. Toutefois les modalités de calcul de la somme mensuelle minimum laissée à la disposition du bénéficiaire de l'aide sociale sont déterminées par décret. La retraite du combattant et les pensions attachées aux distinctions honorifiques dont le bénéficiaire de l'aide sociale peut être titulaire s'ajoutent à cette somme ". Selon l'article R. 132-1 du même code : " Pour l'appréciation des ressources des postulants prévue à l'article L. 132-1, les biens non productifs de revenu, à l'exclusion de ceux constituant l'habitation principale du demandeur, sont considérés comme procurant un revenu annuel égal à 50 % de leur valeur locative s'il s'agit d'immeubles bâtis, à 80 % de cette valeur s'il s'agit de terrains non bâtis et à 3 % du montant des capitaux ". Aux termes de l'article R. 231-6 du même code : " La somme minimale laissée mensuellement à la disposition des personnes placées dans un établissement au titre de l'aide sociale aux personnes âgées, par application des dispositions des articles L. 132-3 et L. 132-4 est fixée, lorsque l'accueil comporte l'entretien, à un centième du montant annuel des prestations minimales de vieillesse, arrondi à l'euro le plus proche. Dans le cas contraire, l'arrêté fixant le prix de journée de l'établissement détermine la somme au-delà de laquelle est opéré le prélèvement de 90 % prévu audit article L. 132-3. Cette somme ne peut être inférieure au montant des prestations minimales de vieillesse. ".

5. D'une part, il résulte de ces dispositions que les ressources à prendre en compte pour accorder ou refuser le bénéfice de l'aide sociale comprennent les revenus perçus par le demandeur, notamment ceux tirés du placement des capitaux qu'il détient. A défaut pour lui de faire fructifier ces derniers, l'administration calcule un revenu forfaitaire, représentant les intérêts susceptibles d'être perçus, qui s'ajoute aux revenus effectivement perçus. En revanche, n'a pas à être pris en compte le montant des capitaux eux-mêmes, tant mobiliers qu'immobiliers, pour décider de l'admission ou non à l'aide sociale.

6. D'autre part, il résulte de ces dispositions que les personnes âgées hébergées en établissement au titre de l'aide sociale doivent pouvoir disposer librement de 10 % de leurs ressources et que la somme ainsi laissée à leur disposition ne peut être inférieure à 1 % du minimum vieillesse. Ces dispositions doivent être interprétées comme devant permettre à ces personnes de subvenir aux dépenses qui sont mises à leur charge par la loi et sont exclusives de tout choix de gestion, telles que les sommes dont elles seraient redevables au titre de l'impôt sur le revenu. Il suit de là que la contribution de 90 % prévue à l'article L. 132-3 du code de l'action sociale et des familles doit être appliquée sur une assiette de ressources diminuée de ces dépenses. En outre, eu égard aux exigences résultant du onzième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel se réfère le Préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 en vertu duquel la nation garantit à tous la protection de la santé, les dispositions du code de l'action sociale et des familles doivent être interprétées comme imposant également de déduire de cette assiette soit la part des tarifs de sécurité sociale restant à la charge des assurés sociaux du fait des dispositions législatives et réglementaires et le forfait journalier prévu par l'article L. 174-4 du code de la sécurité sociale soit les cotisations d'assurance maladie complémentaire nécessaires à la couverture de ces dépenses.

7. Enfin, il résulte des dispositions combinées des articles L. 132-3 et R. 231-6 du code de l'action sociale et des familles que les établissements qui assurent à la fois l'hébergement et l'entretien des personnes âgées doivent fournir à ce titre l'ensemble des prestations d'administration générale, d'accueil hôtelier, de restauration, d'animation de la vie sociale de l'établissement et les autres prestations et fournitures nécessaires au bien-être de la personne dans l'établissement, dès lors qu'elles ne sont pas liées à son état de santé ou à son état de dépendance. Lorsqu'une personne âgée se voit demander d'acquitter elle-même des dépenses d'entretien qui devraient trouver leur contrepartie dans le tarif de l'établissement, il y a lieu, par suite, de déduire ces dépenses de l'assiette de la contribution exigée de l'intéressée en application des dispositions précitées.

8. Il résulte de l'instruction que le coût de l'hébergement de Mme A... au sein de l'EHPAD est de 1 545,30 euros par mois à la date de sa demande en prenant une base de calcul de 30 jours et un tarif journalier hébergement à 45,89 euros et dépendance à 5,62 euros. Quant à ses ressources, il résulte de ce qui précède que la contribution de 90 % prévue à l'article L. 132-3 du code de l'action sociale et des familles doit être appliquée sur une assiette de ressources diminuée des dépenses exclusives de tout choix de gestion, telles qu'en application des principes précités les sommes mensuelles dont Mme A... était redevable au titre de ses frais de mutuelle 88,17 euros, de protection 4,84 euros et d'impôt sur le revenus et prélèvements sociaux 9,16 euros soit un total de 102,17 euros. Les ressources mensuelles de Mme A... composées de sa retraite pour un montant de 737,65 euros et des intérêts sur ses différents placements à hauteur de 120,22 euros s'élèvent donc à 857,87 euros mensuels. Ses ressources doivent être diminuées des dépenses exclusives de tout choix de gestion précitées correspondant à 102,17 euros, soit 755,70 euros. Après déduction de la somme laissée à disposition en application des dispositions précitées de l'article L. 132-3 du code de l'action sociale et des familles, les ressources de Mme A... au titre de l'aide sociale sont ainsi de 680,13 euros. Par suite, dès lors qu'il résulte de l'instruction que les frais d'hébergement de Mme A... qui s'élèvent à 1 809,60 euros par mois dans l'établissement précité ne sont pas couverts par ses ressources propres de 1 545,30 euros après déduction du minimum légal laissé à disposition, son état de besoin pour régler ses frais d'hébergement est établi. Par suite, l'UDAF 12 est fondée à soutenir que Mme A... devait être admise à l'aide sociale à l'hébergement en qualité de personne âgée à hauteur du déficit de ressources constaté par rapport à ses frais d'hébergement pour la période du 16 mai 2017 au 23 juillet 2017, déficit qui devra être pris en charge par le département de l'Aveyron après calcul par ce dernier du montant de ce déficit en fonction de l'ensemble des éléments dont il dispose et sur la base des motifs du présent arrêt.

9. Il suit de là que l'UDAF 12 agissant au nom de Mme C... A... est fondée à demander l'annulation de la décision contestée du 5 octobre 2018 de la commission départementale d'aide sociale de l'Aveyron en tant qu'elle n'a admis sa demande qu'à compter du 1er septembre 2018 et celle du 7 juillet 2017 en tant que le conseil départemental de l'Aveyron a refusé l'admission de Mme A... au bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement pour la période du 16 mai 2017 au 23 juillet 2017.

DÉCIDE :

Article 1er : La décision du 5 octobre 2018 de la commission départementale d'aide sociale de l'Aveyron et la décision du 7 juillet 2017 du conseil départemental de l'Aveyron sont annulées en tant qu'elles refusent d'admettre Mme A... à l'aide sociale à l'hébergement pour la période du 16 mai au 23 juillet 2017.

Article 2 : Mme A... est admise au bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement en qualité de personne âgée au titre de la période du 16 mai 2017 au 23 juillet 2017. Les ayants droit de Mme A... sont renvoyés devant le président du conseil départemental de l'Aveyron afin qu'il procède au calcul et au paiement de la somme due à ce titre.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié aux ayants droit de Mme A..., au département de l'Aveyron et au ministre des solidarités et de la santé.

Copie du présent arrêt sera adressée à l'union départementale des associations familiales de l'Aveyron.

Délibéré après l'audience du 3 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, président de chambre,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 septembre 2020.

Le rapporteur,

A. B...Le président,

H. VINOT

Le greffier,

Y. HERBERLa République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

N° 19PA00591


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA00591
Date de la décision : 24/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

04-02-04-02 Aide sociale. Différentes formes d'aide sociale. Aide sociale aux personnes handicapées. Accueil et hébergement.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-09-24;19pa00591 ?
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