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31/07/2020 | FRANCE | N°20PA00033

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 31 juillet 2020, 20PA00033


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Holdel a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice 2011 pour un montant de 5 990 822 euros.

Par un jugement n° 1716926 du 6 novembre 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 6 janvier 2020 et 3 juillet 202

0, la société Holdel, représentée par Me E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Holdel a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice 2011 pour un montant de 5 990 822 euros.

Par un jugement n° 1716926 du 6 novembre 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 6 janvier 2020 et 3 juillet 2020, la société Holdel, représentée par Me E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1716926 du 6 novembre 2019 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice 2011 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que l'administration fiscale a remis en cause le bénéfice du régime d'imposition au taux de 0 % prévu au a quinquies du I de l'article 219 du code général des impôts des titres qu'elle a cédés et qu'elle avait comptabilisés comme des titres de participation ;

- les titres qu'elle détenait au sein des sociétés Sogrepar et F... étaient des titres de participation au sens comptable, dès lors qu'ils lui permettaient d'exercer une influence sur la société ;

- elle était représentée au conseil d'administration de la société Sogrepar par son dirigeant social, M. C... F..., qui détenait avec sa famille 100 % du capital de la société Holdel, et c'est à la date d'acquisition des titres qu'il convient de se placer pour établir si elle entendait exercer une influence sur la société émettrice ou en assurer le contrôle ;

- le contrôle du groupe F... était exercé conjointement avec les sociétés holding des autres branches familiales comme le prévoit le paragraphe n° 100 de la documentation administrative BOI-BIC-PVMV-30-10-20 du 12 septembre 2012 qui indique que lorsqu'une société appartient à un ensemble de sociétés qui, conjointement, exercent une influence sur la société émettrice ou assurent son contrôle, les titres détenus dans cette dernière société peuvent revêtir le caractère de titres de participation même si cette influence, ou ce contrôle, n'est pas exercé personnellement et uniquement par la société détentrice des titres, cet ensemble de sociétés pouvant être caractérisé par des liens en capital suffisants pour présumer l'existence d'une communauté d'intérêts à l'égard de la société émettrice, ou par des conventions entre chacune des sociétés en cause ayant pour objet de déléguer à l'une d'entre elles l'exercice de l'influence ou du contrôle dans la société émettrice ;

- l'administration a la charge de la preuve ;

- l'instruction du 4 avril 2008 reprise au BOI-BIC-PVMV-30-10-20 du 12 septembre 2012 qui précise dans son paragraphe 30 que " La qualification fiscale des titres est avant tout déterminée par leur classement en comptabilité à un compte " titres de participation " ou à un autre compte du bilan. L'administration ne remettra en cause cette inscription que si l'entreprise commet une erreur manifeste dans l'affectation comptable des titres " est opposable à l'administration sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 avril 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Holdel ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public ;

- et les observations de Me E... et Me B..., représentants la société Holdel.

Considérant ce qui suit :

1. La société Holdel, société de holding ayant une activité de prestataire de services en matière de gestion et de comptabilité et dont les actifs sont principalement composés de participations dans des sociétés françaises, est détenue à 99,99 % par M. C... F.... Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2011, 2012 et 2013, à l'issue de laquelle le service a notamment remis en cause l'imposition au taux de 0 % de la

plus-value à long terme résultant de la cession en 2011 des titres des sociétés F... et Sogrepar, au motif que les actions cédées ne constituaient pas des titres de participation et relevaient du taux de droit commun. La société Holdel relève appel du jugement du 6 novembre 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle, a en conséquence, été assujettie au titre de l'exercice clos en 2011.

Sur la régularité du jugement :

2. Si la société Holdel reproche aux premiers juges d'avoir inversé la charge de la preuve, en procédant à une confusion entre la présomption comptable et la présomption fiscale, un tel moyen se rapporte au bien-fondé du jugement qu'il n'appartient pas à la Cour de censurer.

3. La société requérante soutient également que le Tribunal a omis de lui répondre sur la doctrine invoquée dans ses écritures de première instance. Toutefois, en indiquant au point 5 du jugement que " la société requérante n'invoquant pas le bénéfice de la garantie prévue par l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales elle ne peut utilement demander le bénéfice de l'article 30 de la doctrine BOI-BIC-PVMV-30-10-20 du 12 septembre 2012 qui, en tout état de cause, n'ajoute rien à la loi fiscale ", les premiers juges n'ont ni omis de lui répondre à son moyen ni commis d'erreur dans cette réponse.

Sur les conclusions à fin de décharge :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

4. Aux termes de l'article 219 du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : " I. Pour le calcul de l'impôt, le bénéfice imposable est arrondi à l'euro le plus proche. La fraction d'euro égale à 0,50 est comptée pour 1. / Le taux normal de l'impôt est fixé à 33,1/3 %. / Toutefois : (...) / a quinquies. Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2006, le montant net des plus-values à long terme afférentes à des titres de participation fait l'objet d'une imposition séparée au taux de 8 %. Ce taux est fixé à 0 % pour les exercices ouverts à compter du

1er janvier 2007. / Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2007, une quote-part de frais et charges égale à 5 % du résultat net des plus-values de cession est prise en compte pour la détermination du résultat imposable. / Les titres de participation mentionnés au premier alinéa sont les titres de participation revêtant ce caractère sur le plan comptable, les actions acquises en exécution d'une offre publique d'achat ou d'échange par l'entreprise qui en est l'initiatrice et les titres ouvrant droit au régime des sociétés mères si ces actions ou titres sont inscrits en comptabilité au compte titres de participation ou à une subdivision spéciale d'un autre compte du bilan correspondant à leur qualification comptable, à l'exception des titres des sociétés à prépondérance immobilière définis au troisième alinéa du a. ". Aux termes de l'article R. 123-184 du code de commerce : " Constituent des participations les droits dans le capital d'autres personnes morales, matérialisés ou non par des titres, qui, en créant un lien durable avec celles-ci, sont destinés à contribuer à l'activité de la société détentrice ".

5. Le plan comptable général précise que les titres de participation sont ceux dont la possession durable est estimée utile à l'activité de l'entreprise, notamment parce qu'elle permet d'exercer une influence sur la société émettrice des titres ou d'en assurer le contrôle, une telle utilité pouvant notamment être caractérisée si les conditions d'achat des titres en cause révèlent l'intention de l'acquéreur d'exercer une influence sur la société émettrice et lui donnent les moyens d'exercer une telle influence.

6. La société Holdel, holding de gestion de portefeuille, dont le capital était entièrement détenu par M. et Mme C... F... et leurs enfants, a été constituée par apport des titres Sogrepar, Sodelho, et F..., inscrits comptablement en tant que titres de participation, la société ayant été constituée afin de regrouper les participations détenues par M. et Mme C... F... et leurs enfants dans les différentes sociétés du Groupe familial F.... La société Holdel détenait directement 159 actions de la société Sogrepar correspondant à 3,58 % du capital social de cette société, et 15 000 actions de la SA F... représentant 0,001149 % de son capital social. Elle détenait, en outre, indirectement une partie du capital de la société SA F... à travers des titres détenus à hauteur de 11,27 % du capital de la

société Sodelho, lui conférant 3,44 % des droits de vote de la SA F.... La société Holden a cédé le 7 septembre 2011 à la société Sodelho sa participation dans le capital de la société Sogrepar pour un prix de vente de 22 399 633,80 euros, et le même jour à la société Financière Danube les 24 000 actions qu'elle détenait dans le capital de la société Sodelho pour un prix de vente de 37 915 680 euros. Elle a, par ailleurs, cédé le 7 septembre 2011 les 15 000 actions qu'elle détenait dans le capital de la société F..., après avoir vendu 2 000 de ces actions les 21 janvier et 3 avril 2011. La plus-value réalisée lors de la cession des titres F..., Sogrepar et Sodelho a fait l'objet d'une déduction extracomptable pour un montant de 54 419 054 euros en plus-value à long terme imposé au taux de 0 %, après réintégration au résultat de l'exercice clos en 2011, d'une quote-part de frais et charges d'un montant de 5 441 905 euros. La société Holdel a, en effet, estimé que la plus-value de cession relevait du régime des plus-values à long terme prévu par l'article 39 duodecies du code général des impôts en tant qu'elle se rapportait à des titres de participation, de sorte qu'elle l'a placée sous le régime d'imposition au taux de 0 % prévu par les dispositions du a quinquies du I de l'article 219 du même code, applicables aux plus-values à long terme constatées au titre d'exercices ouverts à compter du 1er janvier 2007. Au terme d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2011, 2012 et 2013, le service a remis en cause la qualification de titres de participation des titres détenus par la société Holdel dans les sociétés Sogrepar et F..., et a en conséquence assujetti la plus-value réalisée à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2011.

7. La société requérante soutient que l'utilité de la détention des titres des sociétés Sogrepar et F... cédés était justifiée par le contrôle et l'influence sur les décisions et la gestion de la société Sogrepar qu'elle souhaitait exercer par l'intermédiaire de son actionnaire principal, membre en sa qualité de mandataire social du conseil d'administration de cette société. Si les apports des titres Sogrepar, Sodelho, et F... au profit de la société Holdel ont été effectués afin de regrouper les participations détenues par la famille de M. C... F... dans les différentes sociétés du groupe familial F..., l'acquisition et la détention des titres des sociétés Sogrepar et F... dans le but d'exercer une influence sur l'activité de ces deux sociétés n'est pas établie par les pièces du dossier. Il est à cet égard constant que la société Holdel n'était pas représentée dans les instances dirigeantes de la société F..., et si elle était représentée au conseil d'administration de la société Sogrepar par l'intermédiaire de son dirigeant social, l'influence ou le rôle de blocage allégué dans les opérations de restructuration du groupe F... ne résultent ni des procès-verbaux des assemblées générales versés au dossier, ni des courriels des 13 et

25 octobre 2010 produits par la société Holdel qui font simplement état des dates prévues pour la réunion d'un comité de pilotage et d'une réunion fixée au 26 octobre 2010 destinée notamment à valider la répartition des actions du groupe, en vue des accords de réorganisation de l'actionnariat familial de la SA F... et de l'entrée au capital des fonds gérés par le fonds CVC European Partners qui, à l'issue des acquisitions des titres des sociétés Sodelho, Sogrepar et F... par la société Financière Danube, et des restructurations des participations de la famille A... F... et de l'offre publique d'achat, ont conduit au contrôle de la SA F... par cette branche de la famille F..., au travers de la société Ande Investissements SA, et à la vente des actions Sogrepar et F... détenues par la société Holdel. La société requérante ne peut ainsi soutenir que le contrôle sur le groupe F... s'exerçait conjointement avec les sociétés holding des autres branches familiales de la famille F..., alors que ni les courriels susmentionnés, ni l'étude sur les rapports capitalistiques entre les sociétés F..., Sogrepar et Sodelho ne démontrent l'existence d'un tel contrôle ou d'une influence concertée entre l'ensemble des actionnaires familiaux, le rapport produit en date du 14 décembre 2001 faisant au contraire mention de divergences entres les différentes branches familiales. Dans ces conditions, l'administration établit que l'inscription comptable des titres litigieux par la société requérante dans un compte de titres de participation était erronée au regard de leur qualification fiscale. C'est, dès lors, à bon droit que l'administration a remis en cause la qualification de titres de participation des titres détenus par la société Holdel dans le capital des sociétés Sogrepar et F....

8. La société Holdel ne peut, pour les motifs exposés au point précédent, soutenir que la cession des titres Sogrepar et F... devait nécessairement être inscrite dans un compte de titres de participation, dès lors que si la qualification de titres de participations des titres de la société Sodelho cédés a été admise par le service, cette société constituait une entité distincte des sociétés Sogrepar et F....

En ce qui concerne l'interprétation de la loi fiscale :

9. D'une part, la société requérante n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe 30 de l'instruction figurant au

BOI-BIC-PVMV-30-10-20, dès lors qu'elle ne fait pas de la loi fiscale une interprétation différente de ce qui précède, la rectification par l'administration étant possible lorsque des indices permettent d'établir que l'affectation comptable des titres ne correspond pas à leur qualification réelle.

10. D'autre part, le paragraphe n° 100 de la documentation administrative BOI-BIC- PVMV-30-10-20 du 12 septembre 2012, qui indique que " lorsqu'une société appartient à un ensemble de sociétés qui, conjointement, exercent une influence sur la société émettrice ou assurent son contrôle, les titres détenus dans cette dernière société peuvent revêtir le caractère de titres de participation même si cette influence, ou ce contrôle, n'est pas exercé personnellement et uniquement par la société détentrice des titres, cet ensemble de sociétés peut être caractérisé par des liens en capital suffisants pour présumer l'existence d'une communauté d'intérêts à l'égard de la société émettrice, ou par des conventions entre chacune des sociétés en cause ayant pour objet de déléguer à l'une d'entre elles l'exercice de l'influence ou du contrôle dans la société émettrice ", ne fait pas de la loi une interprétation différente de ce qui a été dit au point 7.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la société Holdel n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par suite, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Holdel est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Holdel et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction générale des finances publiques - direction nationale des vérifications de situations fiscales (DNVSF) - division du contentieux.

Délibéré après l'audience du 9 juillet 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- Mme D..., premier conseiller,

- M. Doré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 31 juillet 2020.

Le rapporteur,

C. D...Le président,

S.-L. FORMERY

Le greffier,

F. DUBUY

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA00033


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA00033
Date de la décision : 31/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-03-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. Plus-values de cession de droits sociaux, boni de liquidation.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: Mme Christine LESCAUT
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : CABINET CHARLES RUSSELL SPEECHLYS FRANCE

Origine de la décision
Date de l'import : 11/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-07-31;20pa00033 ?
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