Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... E... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la restitution, assortie des intérêts moratoires, des prélèvements sociaux qu'il a acquittés au titre de l'année 2014.
Par un jugement n° 1707594 du 28 mai 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 27 septembre 2019 et un mémoire enregistré le 9 juin 2020, M. E... D..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1707594 du Tribunal administratif de Paris en date du 28 mai 2019 ;
2°) de prononcer la restitution, assortie des intérêts moratoires, des prélèvements sociaux qu'il a acquittés au titre de l'année 2014 ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le Tribunal administratif de Paris a entaché son jugement d'irrégularité en ne reconnaissant pas l'erreur de droit que commet l'administration fiscale en refusant de lui accorder la restitution des prélèvements sociaux qu'il a acquittés à tort ;
- affilié au régime de sécurité sociale de la Grande-Bretagne au moment du fait générateur de l'imposition, le principe de l'unicité de la législation applicable en matière de sécurité sociale posé par le Règlement (CE) n° 883/2004 du 29 avril 2004 s'opposait à ce qu'il fut soumis au financement des régimes obligatoires français de sécurité sociale ;
- par un courrier du 1er septembre 2019, il a sollicité la délivrance d'un certificat d'affiliation auprès de la sécurité sociale anglaise ;
- il produit le certificat délivré le 8 juin 2020 par les autorités britanniques, qui établit qu'il était affilié au régime obligatoire de sécurité sociale britannique entre le 6 avril 2013 et le
5 avril 2015.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 février 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. E... D... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- le règlement (CE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 ;
- le règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale ;
- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 26 février 2015, Ministre de l'économie et des finances contre de Ruyter (C-623/13) ;
- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 18 janvier 2018, Frédéric Jahin contre le Ministre de l'économie et des finances, Ministre des affaires sociales et de la santé,
C- 45/17 ;
- la décision du Conseil d'État n° 395065 du 18 octobre 2017 ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code du travail ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., avocat de M. E... D....
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant canadien établi en Suisse, a cédé le 29 août 2014 un bien immobilier situé à Paris. Il relève appel du jugement en date du 28 mai 2019, par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la restitution des prélèvements sociaux qu'il a acquittés au titre de l'année 2014 à raison de la plus-value de cession qu'il a réalisée lors de cette vente.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. M. E... D... fait grief aux premiers juges de ne pas avoir sanctionné l'erreur de droit commise par l'administration, qui a refusé de lui accorder la restitution des prélèvements sociaux qu'il a acquittés à tort. Toutefois, cette critique, qui se rapporte au bien-fondé du jugement attaqué, est sans incidence sur sa régularité.
Sur l'application des prélèvements sociaux à l'exclusion du prélèvement de solidarité sur les revenus du patrimoine prévu à l'article 1600 0-S du code général des impôts :
3. En vertu de l'article 13 du règlement du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) nº 118/97 du Conseil du 2 décembre 1996, tel que modifié par le règlement (CE) nº 1606/98 du Conseil du 29 juin 1998, et dont les dispositions sont reprises à l'article 11 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, les personnes auxquelles le règlement est applicable ne sont soumises qu'à la législation d'un seul État membre.
4. Par un arrêt du 26 février 2015, Ministre de l'économie et des finances contre
Gérard de Ruyter, C-623/13, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que le règlement du Conseil du 14 juin 1971, dans sa version mentionnée au point 2, devait être interprété en ce sens que des prélèvements sur les revenus du patrimoine, tels que la contribution sociale sur les revenus du patrimoine, la contribution pour le remboursement de la dette sociale assise sur ces mêmes revenus, le prélèvement social de 2 % et la contribution additionnelle à ce prélèvement présentaient, lorsqu'ils participaient au financement des régimes obligatoires de sécurité sociale, un lien direct et pertinent avec certaines des branches de sécurité sociale énumérées à l'article 4 de ce règlement et relevaient donc du champ d'application de ce règlement, alors même qu'ils étaient assis sur les revenus du patrimoine des personnes assujetties, indépendamment de l'exercice par ces dernières de toute activité professionnelle. Ces prélèvements sur les revenus du patrimoine étaient alors soumis au principe d'unicité de législation.
5. Aux termes de l'article 2 du règlement précité du Conseil du 14 juin 1971, dont la substance a été reprise à l'article 2 du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 : " 1. Le présent règlement s'applique aux travailleurs salariés ou non salariés et aux étudiants qui sont ou ont été soumis à la législation d'un ou de plusieurs États membres et qui sont des ressortissants de l'un des États membres (...) ".
6. Il résulte clairement de ces dispositions, ainsi que l'a d'ailleurs jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans l'arrêt du 18 janvier 2018, Frédéric Jahin contre Ministre de l'économie et des finances, Ministre des affaires sociales et de la santé, C-45/17, que le règlement ne s'applique qu'à des personnes qui sont ou ont été soumises à la législation de sécurité sociale d'un ou de plusieurs États membres de l'Union européenne sans que le fait d'être un ressortissant ou un résident fiscal d'un État membre, non affilié au régime de sécurité sociale de cet État, suffise à faire entrer dans le champ du règlement. Il résulte également clairement de ces dispositions, qui s'inscrivent dans le cadre de la libre circulation des personnes au sein de l'Union européenne, que le règlement ne s'applique pas à des personnes qui sont affiliées à un régime de sécurité sociale dans un État tiers à l'Union européenne, autre que les États membres de l'Espace économique européen ou la Suisse, États auxquels l'application du règlement a été étendue par voie d'accords internationaux, alors même que ces personnes auraient été, antérieurement à leur affiliation dans cet État tiers, affiliées à un régime de sécurité sociale dans un État membre de l'Union européenne.
7. Il résulte de l'instruction, et en particulier de l'acte de cession en date du 29 août 2014 de l'appartement dont M. E... D... était propriétaire à Paris, qu'à la date de cette cession, qui constitue le fait générateur de l'imposition aux prélèvements sociaux de la plus-value réalisée à cette occasion, M. E... D... résidait en Suisse et n'était pas affilié au régime légal de sécurité social de cet État. S'il soutient qu'il était affilié au régime obligatoire de sécurité sociale britannique, les pièces qu'il produit au soutien de ses allégations consistant en un document daté du 6 avril 2014 émanant de l'administration fiscale anglaise, valant déclaration d'impôt pour la période allant du 6 avril 2013 au 5 avril 2014, et sur lequel figure un numéro national d'assurance, une demande de certificat d'affiliation en date du 1er septembre 2019, qui n'a pas abouti et une lettre datée du
8 juin 2020 de l'administration fiscale anglaise, qui indique uniquement que l'intéressé résidait au Royaume-Uni entre le 6 avril 2013 et le 5 avril 2015 et que " de ce fait, les droits primaires de perception de l'impôt et des cotisations sociales nationales incombaient aux autorités fiscales et douanières du Royaume-Uni pendant la période en question ", n'établissent pas la réalité de cette affiliation. Il ne peut, dès lors, se prévaloir de l'interprétation qui a été faite du règlement du
14 juin 1971 par l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 26 février 2015, Ministre de l'économie et des finances contre Gérard de Ruyter, C-623/13.
Sur le prélèvement de solidarité sur les revenus du patrimoine prévu à l'article
1600 0-S du code général des impôts, dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2015 :
8. Aux termes de l'article 1600-0 S du code général des impôts : " I. - Il est institué : / 1º Un prélèvement de solidarité sur les revenus du patrimoine mentionnés à l'article L. 136-6 du Code de la sécurité sociale ; / 2º Un prélèvement de solidarité sur les produits de placement mentionnés à l'article L. 136-7 du même Code. / (...) / III. - Le taux des prélèvements de solidarité mentionnés au I est fixé à 2 % (...) ". Dans sa rédaction antérieure à celle applicable à compter du 1er janvier 2015 résultant de la loi du 29 décembre 2014 de finances pour 2015, le IV du même article prévoyait que le produit de ces prélèvements de solidarité était affecté, pour partie, " au fonds mentionné à l'article L. 262-24 du Code de l'action sociale et des familles ", pour partie " au fonds mentionné à l'article L. 351-6 du Code de la construction et de l'habitation " et enfin, pour partie, " au fonds mentionné à l'article L. 5423-24 du Code du travail ". Aux termes de l'article L. 262-24 du code de l'action sociale et des familles dans sa rédaction alors applicable : " I. / (...) Le Fonds national des solidarités actives finance l'allocation de revenu de solidarité active (...) ". Aux termes de l'article L. 351-6 du code de la construction et de l'habitation dans sa rédaction alors applicable : " Le Fonds national d'aide au logement finance : / 1° L'aide personnalisée au logement (...) / 2° L'allocation de logement (...) / 3° L'allocation de logement familiale (...) et la prime de déménagement (...) / 4° Les dépenses du Conseil national de l'habitat (...) ". Aux termes de l'article L. 5423-24 du code du travail : " Le fonds de solidarité gère les moyens de financement : / (...) / 3° De l'allocation de solidarité spécifique (...) / 5° De l'allocation équivalent retraite (...) / 6° De la prime forfaitaire (...) / 7° De l'aide prévue au II de l'article 136 de la loi de finances pour 1997 n° 96-1181 du 30 décembre 1996. ".
9. Aux termes de l'article 3, paragraphe 1, du règlement du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 : " Le présent règlement s'applique à toutes les législations relatives aux branches de sécurité sociale qui concernent : / a) les prestations de maladie ; / b) les prestations de maternité et de paternité assimilées ; / c) les prestations d'invalidité ; / d) les prestations de vieillesse ; / e) les prestations de survivant ; / f) les prestations en cas d'accidents du travail et de maladies professionnelles ; / g) les allocations de décès ; / h) les prestations de chômage ; / i) les prestations de préretraite ; / j) les prestations familiales ". Aux termes du paragraphe 3 du même article : " Le présent règlement s'applique également aux prestations spéciales en espèces à caractère non contributif visées à l'article 70 ". Aux termes de l'article 70 du même règlement : " 1. Le présent article s'applique aux prestations spéciales en espèces à caractère non contributif relevant d'une législation qui, de par son champ d'application personnel, ses objectifs et/ou ses conditions d'éligibilité, possède les caractéristiques à la fois de la législation en matière de sécurité sociale visée à l'article 3, paragraphe 1, et d'une assistance sociale. / 2. Aux fins du présent chapitre, on entend par " prestations spéciales en espèces à caractère non contributif " les prestations / a) qui sont destinées : / i) soit à couvrir à titre complémentaire, subsidiaire ou de remplacement, les risques correspondant aux branches de sécurité sociale visées à l'article 3, paragraphe 1, et à garantir aux intéressés un revenu minimum de subsistance eu égard à l'environnement économique et social dans l'État membre concerné ; / ii) soit uniquement à assurer la protection spécifique des personnes handicapées, étroitement liées à l'environnement social de ces personnes dans l'État membre concerné ; / et / b) qui sont financées exclusivement par des contributions fiscales obligatoires destinées à couvrir des dépenses publiques générales et dont les conditions d'attribution et modalités de calcul ne sont pas fonction d'une quelconque contribution pour ce qui concerne leurs bénéficiaires. Les prestations versées à titre de complément d'une prestation contributive ne sont toutefois pas considérées, pour ce seul motif, comme des prestations contributives ; / et / c) qui sont énumérées à l'annexe X ".
10. Par une décision n° 395065 du 18 octobre 2017, le Conseil d'État a jugé, pour les motifs exposés aux points 4 à 11 de sa décision, qu'aucune des prestations financées par les trois fonds mentionnés au point 11 auxquels est spécifiquement affecté le prélèvement de solidarité prévu à l'article 1600-0 S du code général des impôts dans sa rédaction applicable avant le 1er janvier 2015 n'entrait dans le champ d'application du règlement du 29 avril 2004. Par suite, l'application du prélèvement de solidarité à la plus-value de cession en litige ne méconnaît ni le principe d'unicité de législation posé par l'article 11 du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004, ni le principe prohibant les doubles cotisations qui en découle.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions tendant au versement des intérêts moratoires prévus par l'article L. 208 du livre des procédures fiscales tout comme celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. E... D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Île-de-France et de Paris (Service du contentieux d'appel déconcentré - SCAD).
Délibéré après l'audience du 9 juillet 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme C..., président,
- Mme Lescaut, premier conseiller,
- M. Doré, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 31 juillet 2020.
L'assesseur le plus ancien,
C. LESCAUTLe président,
V. C...
Le greffier,
F. DUBUY
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA03063