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31/07/2020 | FRANCE | N°19PA02740

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 31 juillet 2020, 19PA02740


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 3 avril 2019 par lequel le préfet de police a refusé de lui renouveler son titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français en fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1907215/5-3 du 12 juillet 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 août et le 18 octobre 2019, M. D..., représent

par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 12 juillet 2019 du Tribunal admin...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 3 avril 2019 par lequel le préfet de police a refusé de lui renouveler son titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français en fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1907215/5-3 du 12 juillet 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 août et le 18 octobre 2019, M. D..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 12 juillet 2019 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 3 avril 2019 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) d'enjoindre au préfet de police, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation, en lui délivrant dans cette attente une autorisation de séjour assortie d'une autorisation de travail, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision de refus de renouvellement de titre de séjour :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux et particulier ;

- elle méconnaît les dispositions des articles L. 313-10, L. 313-11, 6° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision portant obligation à quitter le territoire français :

- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

En ce qui concernant la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation à quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mai 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Un mémoire a été produit pour M. D... le 6 juillet 2020, postérieurement à la clôture de l'instruction, fixée au 18 juin 2020 à 12h00 par ordonnance du 2 juin 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les observations de Me A..., pour M. D....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... D..., ressortissant congolais (RDC), entré en France mineur en novembre 2010 selon ses déclarations, a été pris en charge par les services du conseil général de l'Ariège à compter du 18 novembre 2010 jusqu'à sa majorité, le 23 septembre 2011 et été placé dans un foyer de l'association départementale pour la sauvegarde de l'enfance, de l'adolescence et de l'adulte de l'Ariège. En novembre 2011, il s'est présenté à la préfecture de l'Ariège pour solliciter son admission au séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 313-14 et L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il a été placé sous récépissé de demande de carte de séjour puis il lui a été délivré une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " valable du 8 février 2012 au 7 février 2013. Son titre a ensuite été renouvelé continument par la préfecture de l'Ariège en 2013, 2014, 2015 et 2016. Le requérant ayant transféré son domicile à Paris a sollicité auprès des services de la préfecture de police, le 4 novembre 2016, avant l'expiration de son titre venant à échéance le 27 février 2017, le renouvellement de celui-ci. A l'issue d'une instruction de plus de deux ans pendant laquelle l'administration lui a remis et a renouvelé des récépissés de demande de renouvellement de titre de séjour, M. D... s'est vu refuser le renouvellement demandé, ce refus étant assorti d'une obligation de quitter le territoire français, par arrêté du 3 avril 2019. M. D... relève appel du jugement du 12 juillet 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fins d'annulation :

2. Il ressort des pièces du dossier que M. D... est entré en France en décembre 2010, qu'il a été regardé à son entrée comme étant un ressortissant angolais mineur âgé de 17 ans et a été pris en charge à ce titre par l'aide sociale à l'enfance. Il a dans ce cadre suivi une formation professionnelle de plâtrier-plaquiste, puis a travaillé en tant que vendeur de juin 2011 à juillet 2017, notamment dans le cadre d'un contrat à durée déterminée durant quatre années dans la même entreprise, tout en reprenant des études de stylisme de mode à distance. Il en ressort également qu'il est père d'une fille mineure de nationalité française vivant en France, née le 4 septembre 2018 de son ancienne compagne, à l'entretien et à l'éducation de laquelle il justifie participer.

3. Par ailleurs, d'une part, si le préfet de police fait valoir, ce qui est au demeurant constant, qu'il est entré en France dans le cadre d'une filière frauduleuse, à laquelle il a ensuite participé, sous couvert d'une nationalité angolaise alors qu'il était en réalité de nationalité congolaise et qu'il a été condamné par le tribunal correctionnel de Foix le 23 juillet 2013 pour des faits commis en 2011 et 2012 de détention de faux documents d'identité et de participation à un circuit frauduleux d'entrée en France d'étrangers, il ressort des pièces du dossier, et il est au demeurant également constant, que la préfecture de l'Ariège a renouvelé le titre de séjour de M. D... en toute connaissance de cause de cette condamnation en 2015, puis en 2016. De même, si le préfet de police soutient que le requérant n'aurait bénéficié d'un titre de séjour qu'en conséquence de sa fausse nationalité angolaise, il ressort des termes du titre de séjour de M. D... que les renouvellements accordés en 2015 et 2016 l'ont été en connaissance de sa nationalité congolaise, mentionnée sur son titre par la préfecture de l'Ariège. En outre, il ressort des pièces du dossier que depuis cette condamnation, limitée à une peine d'emprisonnement d'un an avec sursis en 2013, M. D... n'a fait l'objet d'aucune autre condamnation, et qu'il justifie d'une bonne insertion professionnelle dans le domaine du prêt-à-porter et du stylisme.

4. D'autre part, si le préfet fait valoir que M. D... est sans emploi depuis l'année 2017, il ressort du dossier qu'il était employé jusqu'en 2017 dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée qui a pris fin en juillet 2017, en cours à la date de sa demande de renouvellement, et que l'instruction de sa demande de renouvellement a duré plus deux années.

5. Enfin, contrairement à ce que soutient le préfet de police, il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté qu'il a examiné le droit au renouvellement du titre de séjour de M. D... non seulement en sa qualité de salarié mais également sous l'angle de la vie privée en relevant que " l'ensemble de sa situation ne révèle aucun motif exceptionnel ni de considérations humanitaires de nature à fonder son admission au séjour au titre de la vie privée et familiale ".

6. Dans ces conditions, eu égard notamment à la durée de présence en France du requérant, qui a résidé régulièrement en France, où il est entré en 2010 en tant qu'étranger mineur, sous couvert de titres de séjour régulièrement renouvelés depuis l'année 2011, à la présence en France de sa fille mineure de nationalité française, à l'entretien et à l'éducation de laquelle il justifie participer, et à son intégration sociale et professionnelle, le préfet de police a entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de ne pas renouveler le titre de séjour de M. D.... Par voie de conséquence de cette illégalité, les autres décisions contestées sont également illégales.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur ses autres moyens, que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 3 avril 2019.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté contesté ci-dessus retenu, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de police délivre à M. D... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " l'autorisant à travailler. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de police de délivrer ce titre dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à M. D....

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1907215/5-3 du 12 juillet 2019 du Tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 3 avril 2019 du préfet de police sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à M. D... un titre de séjour " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. D... une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., au préfet de police et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 10 juillet 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme C..., premier conseiller,

- Mme Mielnik-Meddah, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 31 juillet 2020.

Le rapporteur,

L. C...Le président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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19PA02740


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA02740
Date de la décision : 31/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-01-02 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Légalité externe. Motivation.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Laurence NOTARIANNI
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : BOZIZE

Origine de la décision
Date de l'import : 11/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-07-31;19pa02740 ?
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