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31/07/2020 | FRANCE | N°19PA02570

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 31 juillet 2020, 19PA02570


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a, dans le dernier état de ses écritures, demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 13 décembre 2018 du préfet de Seine-et-Marne en tant que, par cet arrêté, le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français.

Par un jugement n° 1810868 du 29 mai 2019, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Procédure devant la Cour :

Par une requête

et un mémoire, enregistrés le 2 août 2019 et le 8 octobre 2019, M. B..., représenté par la SELARL Jove ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a, dans le dernier état de ses écritures, demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 13 décembre 2018 du préfet de Seine-et-Marne en tant que, par cet arrêté, le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français.

Par un jugement n° 1810868 du 29 mai 2019, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 2 août 2019 et le 8 octobre 2019, M. B..., représenté par la SELARL Jove Langagne Boissavy, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1810868 du 29 mai 2019 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler l' arrêté du 13 décembre 2018 du préfet de Seine-et-Marne ;

3°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation administrative et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 80 euros par jour de retard ;

4°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne, à titre subsidiaire, de l'assigner à résidence sur le fondement de l'article L 513-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne l'arrêté pris dans son ensemble :

- l'arrêté litigieux est entaché d'incompétence de son signataire ;

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du 11° de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il justifie d'un risque de conséquences d'une exceptionnelle gravité en cas d'interruption du traitement, que le médicament qui lui est prescrit n'est pas disponible dans son pays d'origine et que l'accès effectif aux soins n'y est pas garanti en raison du coût des soins et des discriminations liées au fait qu'il est kurde ;

- elle est entachée d'une erreur de fait en ce qu'elle se fonde à tort sur le fait que l'avis des médecins de l'OFII mentionnerait qu'il a accès à un traitement approprié dans son pays d'origine ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est entachée d'une absence de motivation ;

- elle a été rendue à l'issue d'une procédure irrégulière faute de respect des dispositions de l'article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 et de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration.

La requête a été communiquée le 9 septembre 2019 au préfet de Seine-et-Marne, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., de nationalité turque, né le 27 janvier 1986, entré en France le 10 avril 2015, a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Sa demande a été refusée par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) à trois reprises, par des décisions des 30 novembre 2015, 28 juillet 2016 et 31 mai 2017, qui ont été confirmées par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) les 9 mai 2016, 18 mars et 12 octobre 2017. Il a ensuite sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 13 décembre 2018, le préfet de Seine-et-Marne a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Il relève appel du jugement du 29 mai 2019 par lequel Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur le moyen commun à l'ensemble des décisions contenues dans l'arrêté attaqué :

2. M. B... reprend en appel son moyen pris de ce que la décision serait entachée d'incompétence en l'absence de délégation consentie par le préfet de Seine-et-Marne à son signataire, sans apporter aucun élément de fait ou de droit nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation portée par les premiers juges. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ". Selon l'article R. 313-22 de ce code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". L'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du CESEDA dispose que : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays (...) ".

4. Pour rejeter la demande de M. B... présentée au titre du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de Seine-et- Marne a relevé par la décision contestée que le médecin de l'OFII avait émis " un avis défavorable au maintien de l'intéressé sur le territoire français ", dont il a indiqué ensuite la teneur avec toutefois une erreur de fait quant à son contenu, avant de rejeter, au vu de cet avis négatif et des circonstances particulières de l'espèce, la demande de titre de séjour de M. B....

5. Il ressort des pièces du dossier que, par son avis du 20 novembre 2018, le collège de médecins de l'OFII a considéré que l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale mais dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que son état de santé lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine. Pour contester cette appréciation, M. B... soutient qu'il est atteint depuis 2014 d'une pathologie psychiatrique pour laquelle il est régulièrement suivi par des consultations mensuelles en hôpital et un traitement médicamenteux et que cette pathologie est évolutive et nécessite, pour rester stabilisée, une prise en charge adaptée, qui nécessite notamment la prescription de Zyprexa, médicament qui n'est pas disponible en Turquie et qu'il ne pourra pas bénéficier d'une prise en charge effective dans son pays d'origine, en raison du coût des médicaments et consultations et de discriminations envers la communauté kurde.

6. Toutefois, d'une part, s'il verse au dossier divers justificatifs, et notamment des certificats médicaux détaillés, antérieurs pour les uns et postérieurs pour les autres à la décision attaquée, il ne résulte pas de leurs termes qu'à la date de la décision attaquée la pathologie dont il souffre présentait, contrairement à ce qu'a retenu le collège de médecins de l'OFII par son avis, une sévérité telle que l'interruption de son traitement aurait été de nature à entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité.

7. D'autre part, dès lors que M. B... ne justifie ainsi pas qu'à la date de la décision attaquée son état de santé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il ne peut utilement soutenir qu'il n'aurait pas accès dans son pays d'origine au traitement dont il bénéficiait en France ou à un autre traitement approprié.

8. Enfin, s'il est constant que l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur de fait en ce qu'il mentionne à tort que l'avis rendu par le collège de médecins de l'OFII précisait qu'un traitement approprié était disponible dans son pays d'origine, alors que la case correspondante de l'avis n'était pas cochée, il résulte des pièces du dossier et de ce qui a été dit au point 5 que le préfet aurait pris la même décision sans se fonder sur ce motif erroné, en se fondant sur les seuls motifs pris des circonstances de l'espèce et de ce qu'il résultait de l'avis de l'OFII que le défaut de prise en charge médicale ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité.

9. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

10. Il ressort des pièces du dossier que le requérant, arrivé en avril 2015, ne présentait qu'une ancienneté de séjour de trois ans, qu'il est célibataire et sans charge de famille en France où il se prévaut seulement de la présence d'un frère et de divers " proches ", dont le lien avec lui n'est pas précisé, tous en situation régulière. Par ailleurs, s'il fait valoir être dépourvu de liens personnels et familiaux dans son pays d'origine, il y a vécu au moins jusqu'à l'âge de trente-neuf ans et il ressort au contraire des attestations même qu'il produit que sa femme et ses enfants se trouvent en Turquie.

11. Enfin, et pour les mêmes motifs que ceux qui viennent d'être exposés, la décision litigieuse n'est pas entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle et familiale du requérant.

12. Il résulte de ce qui précède que le refus de délivrer à M. B... un titre de séjour n'est pas entaché d'illégalité.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

13. En premier lieu, le refus de délivrance du titre de séjour n'étant pas illégal, ainsi qu'il a été dit au point 12 du présent arrêt, M. B... n'est pas fondé à en invoquer l'illégalité à l'encontre de l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire.

14. En second lieu, et pour les mêmes motifs que précédemment, cette décision n'est pas entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle et familiale du requérant.

Sur la décision fixant le pays de destination :

15. M. B... reprend en appel ses moyens pris de ce que cette décision serait entachée d'une absence de motivation et d'une violation des dispositions de l'article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 et de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, sans apporter d'élément nouveau utile. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.

Délibéré après l'audience du 10 juillet 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Mielnick-Meddah, premier conseiller,

- Mme C..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 31 juillet 2020.

Le rapporteur,

L. C...Le président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

19PA02570


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA02570
Date de la décision : 31/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-01-02 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Légalité externe. Motivation.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Laurence NOTARIANNI
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : SELARL JOVE-LANGAGNE-BOISSAVY

Origine de la décision
Date de l'import : 11/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-07-31;19pa02570 ?
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