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31/07/2020 | FRANCE | N°18PA02654

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 31 juillet 2020, 18PA02654


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 10 janvier 2016 par laquelle la procureure de la République près le Tribunal de grande instance de Créteil a refusé de lui délivrer un agrément pour participer aux visites de sûreté sur les aérodromes.

Par un jugement n° 1604745-1608046 du 22 juin 2018, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 2 août 2018 e

t le 5 mars 2020, Mme B... A..., représentée par Me Slupowski demande à la Cour :

1°) d'annuler l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 10 janvier 2016 par laquelle la procureure de la République près le Tribunal de grande instance de Créteil a refusé de lui délivrer un agrément pour participer aux visites de sûreté sur les aérodromes.

Par un jugement n° 1604745-1608046 du 22 juin 2018, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 2 août 2018 et le 5 mars 2020, Mme B... A..., représentée par Me Slupowski demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1604745-1608046 du 22 juin 2018 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 10 janvier 2016 par laquelle la procureure de la République près le Tribunal de grande instance de Créteil a refusé de lui délivrer un agrément pour participer aux visites de sûreté sur les aérodromes ;

2°) d'annuler cette décision, ainsi que la décision implicite rejetant son recours hiérarchique.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation ;

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il a statué sur des conclusions à fin d'injonction alors qu'elle n'avait jamais présenté une telle demande ;

- la décision du 10 janvier 2016 est insuffisamment motivée ;

- cette décision a été prise en méconnaissance du principe du contradictoire dès lors qu'elle n'a pas été en mesure de présenter ses observations ;

- cette décision a été prise en violation de la présomption d'innocence ;

- cette décision est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 6342-4 du code des transports et de l'article 230-8 du code de procédure pénale ;

- cette décision est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 février 2020, la garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des transports ;

- le code de l'aviation civile ;

- le code de procédure pénale ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Portes,

- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,

- et les observations de Me F... représentant Mme A....

Une note en délibéré présentée pour Mme A... a été enregistrée le 2 juillet 2020.

Considérant ce qui suit :

1. La société Securitas a sollicité, auprès de la procureure de la République près le Tribunal de grande instance de Créteil, la délivrance d'un agrément afin que Mme A..., salariée de l'entreprise, puisse participer aux visites de sûreté au sein de l'aérodrome de Paris-Orly. La procureure a refusé de lui délivrer l'agrément sollicité par une décision du 10 janvier 2016 au motif que les faits de vol commis par Mme A... en 2013 étaient incompatibles avec les missions d'agent de sûreté aéroportuaire. A la suite du rejet de son recours hiérarchique du 3 juin 2016, Mme A... a présenté une requête en annulation de la décision du 10 janvier 2016. Par un jugement du 22 juin 2018, dont elle relève appel, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, il ressort du jugement attaqué que le Tribunal administratif de Melun s'est prononcé sur le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation en son point 16. Par suite, le moyen tiré de l'omission à statuer doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 9 du code de justice administrative : " les jugements sont motivés ".

4. En constatant que les faits de vol commis par Mme A... le 26 septembre 2013, soit moins de trois avant la décision contestée, alors même qu'ils étaient isolés, justifiaient le refus de délivrance de l'agrément sollicité " compte tenu de la spécificité des fonctions pour lesquelles l'agrément litigieux est délivré qui consistent en la fouille des voyageurs ainsi que de leurs effets ", le tribunal a suffisamment répondu au moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation. Dès lors, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation du jugement attaqué doit être écarté.

5. En troisième lieu, si, dans sa requête devant le Tribunal administratif de Melun, Mme A... n'avait pas demandé à ce qu'il soit enjoint à la garde des sceaux, ministre de la justice, la délivrance d'un agrément, les premiers juges ont, en tout état de cause, rejeté les conclusions à fin d'injonction. Ils n'ont, par suite, pas statué au-delà du litige qui leur était soumis.

6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

7. En premier lieu, en vertu des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, les décisions administratives défavorables doivent être motivées et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. La décision de la procureure de la République près le Tribunal de grande instance de Créteil en date du 10 janvier 2016 vise les articles L. 6332-1 à L. 6332-4, L. 6341-2, L. 6342-4 du code des transports et l'article R. 213-5 du code de l'aviation civile sur lesquels elle se fonde et mentionne les éléments de fait propres à la situation de Mme A..., à savoir les faits de vols commis le 26 septembre 2013 et indique qu'ils ne sont pas compatibles avec les fonctions pour lesquelles elle sollicite un agrément. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

8. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que par un courrier du 28 novembre 2015, la procureure de la République a fait part à Mme A... de son intention de rejeter sa demande d'agrément en raison de l'incompatibilité des faits de vols qu'elle avait commis avec les fonctions qu'elle souhaitait exercer et l'a informée de son droit de faire valoir des observations. Bien que Mme A... ait été avisée de la mise à disposition du pli contenant ce courrier en bureau de poste le 30 octobre 2015, il ressort de la lecture de l'accusé de réception qu'elle n'a pas réclamé ledit pli auprès des services postaux. Dès lors, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la procureure de la République aurait méconnu le principe du contradictoire en ne l'informant pas de son droit de présenter ses observations.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 6342-4 du code des transports, dans sa version applicable au présent litige : " II. _ Les opérations d'inspection-filtrage des personnes, des objets qu'elles transportent et des bagages ainsi que les opérations d'inspection des véhicules peuvent être réalisées, sous le contrôle des officiers de police judiciaire et des agents des douanes, par des agents de nationalité française ou ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, désignés par les entreprises ou organismes mentionnés à l'article L. 6341-2 ou les entreprises qui leur sont liées par contrat. Ces agents doivent avoir été préalablement agréés par le représentant de l'Etat dans le département et le procureur de la République. Ils ne procèdent à la fouille des bagages à main et des autres objets transportés qu'avec le consentement de leur propriétaire et à des palpations de sûreté qu'avec le consentement de la personne. La palpation de sûreté est faite par une personne du même sexe que la personne qui en fait l'objet. (...) IV. _ Les agréments prévus au II sont précédés d'une enquête administrative donnant lieu, le cas échéant, à consultation du bulletin n° 2 du casier judiciaire et des traitements automatisés de données à caractère personnel gérés par les services de police et de gendarmerie nationales relevant des dispositions de l'article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, à l'exception des fichiers d'identification. (...) Les agréments sont refusés ou retirés lorsque la moralité de la personne ou son comportement ne présentent pas les garanties requises au regard de la sûreté de l'Etat, de la sécurité publique, de la sécurité des personnes ou de l'ordre public ou sont incompatibles avec l'exercice des missions susmentionnées. ".

10. Il ressort des pièces du dossier que la société Mango a déposé une plainte indiquant que, le 26 septembre 2013, Mme A... avait été interpelée à la sortie d'un magasin, après avoir franchi les antennes de détection et les limites de la surface de vente en possession d'un article qu'elle n'avait pas payé. Ce document, précisant que l'intéressée avait été informée qu'elle pouvait refuser de signer et demander l'intervention des services de police, a été signé par Mme A.... Dès lors, la matérialité des faits doit être regardée comme établie. La décision du 10 janvier 2016 de la procureure de la République étant fondée sur ces faits et non, contrairement aux allégations de la requérante, sur la condamnation de cette dernière pour vol, le moyen tiré de l'erreur de fait doit être écarté.

11. En quatrième lieu, la décision par laquelle la procureure de la République refuse l'agrément prévu par le II de l'article L. 6342-4 du code des transports ne présente pas le caractère d'une sanction. En outre, la circonstance que la plainte de la société Mango ait fait l'objet d'un classement sans suite au motif que le préjudice causé par l'infraction était peu important, ne faisait pas obstacle à ce que la procureure de la République se fonde sur les faits dénoncés dans la plainte, dont la prise en compte ne saurait porter en elle-même atteinte à la présomption d'innocence, pour refuser à Mme A... l'agrément prévu par le II de l'article L. 6342-4 du code des transports dès lors que ces faits sont matériellement établis. Par suite, la requérante ne saurait utilement se prévaloir à l'encontre de la décision du 10 janvier 2016 des moyens tirés de la méconnaissance de la présomption d'innocence, des règles de protection de la vie privée, du droit à l'oubli, du droit au recours effectif et du principe de la séparation des pouvoirs.

12. En cinquième lieu, aux termes de l'article 230-8 du code de procédure pénale : " Le traitement des données à caractère personnel est opéré sous le contrôle du procureur de la République territorialement compétent qui demande qu'elles soient effacées (...) Les autres décisions de classement sans suite font l'objet d'une mention. Lorsqu'une décision fait l'objet d'une mention, les données relatives à la personne concernée ne peuvent faire l'objet d'une consultation dans le cadre des enquêtes administratives prévues aux articles L. 114-1, L. 234-1 à L. 234-3 du code de la sécurité intérieure et à l'article 17-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité (...) ".

13. Ainsi qu'il a été dit au point 10, la procureure de la République s'est fondée sur les faits dénoncés par la plainte de la société Mango figurant dans son dossier de classement sans suite de l'infraction. Il n'est pas établi qu'elle ait eu recours au traitement dénommé " traitement d'antécédents judiciaires ". De plus, la circonstance, à la supposer établie, que la mention de ce classement sans suite aurait dû être effacée du " traitement d'antécédents judiciaires " ne faisait pas obstacle à la prise en compte de ces faits dès lors qu'ils étaient matériellement établis. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 6342-4 du code des transports et de l'article 230-8 du code de procédure pénale doit être écarté.

14. En sixième lieu, l'agrément prévu au II de l'article L. 6342-4 du code des transports a pour effet d'autoriser l'agent qui en bénéficie à participer aux visites de sûreté des aérodromes et notamment à procéder à la fouille des bagages à main et des autres objets transportés et à des palpations de sûreté. Au regard des responsabilités conférées par cet agrément et à la nature des faits en cause, la procureure de la République a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, estimer que le vol commis par Mme A..., malgré son caractère isolé, n'était pas compatible avec l'exercice des missions d'agent de sûreté aéroportuaire.

15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme B... A... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 26 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Julliard, présidente,

- M. Mantz, premier conseiller,

- Mme Portes, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 31 juillet 2020.

Le rapporteur,

C. PortesLa présidente,

M. JulliardLe greffier,

S. GASPAR

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 18PA02654 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA02654
Date de la décision : 31/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05 Police. Polices spéciales.


Composition du Tribunal
Président : Mme JULLIARD
Rapporteur ?: Mme Celine PORTES
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : SLUPOWSKI

Origine de la décision
Date de l'import : 15/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-07-31;18pa02654 ?
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