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21/07/2020 | FRANCE | N°18PA02774

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 21 juillet 2020, 18PA02774


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. I... E... a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du ministre de l'intérieur du 29 avril 2016 relatif au tableau d'avancement au grade de major de la police nationale au titre de l'année 2016, ensemble la décision du ministre de l'intérieur du 12 août 2016 rejetant son recours gracieux, ainsi que des arrêtés de promotion et de nomination dans ce grade de M. D... F..., M. G... C... et M. H... B... en date du 17 mai 2016, outre des conclusions à fin d'

injonction, des conclusions indemnitaires et des conclusions au titre de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. I... E... a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du ministre de l'intérieur du 29 avril 2016 relatif au tableau d'avancement au grade de major de la police nationale au titre de l'année 2016, ensemble la décision du ministre de l'intérieur du 12 août 2016 rejetant son recours gracieux, ainsi que des arrêtés de promotion et de nomination dans ce grade de M. D... F..., M. G... C... et M. H... B... en date du 17 mai 2016, outre des conclusions à fin d'injonction, des conclusions indemnitaires et des conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1617106/5-1 du 11 juin 2018, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du ministre de l'intérieur du 29 avril 2016 relatif au tableau d'avancement au grade de major de la police nationale au titre de l'année 2016, ensemble la décision du ministre de l'intérieur du 12 août 2016 rejetant son recours gracieux, ainsi que les arrêtés de promotion et de nomination dans ce grade de M. D... F..., M. G... C... et M. H... B... en date du 17 mai 2016, a enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer la candidature de M. E... au grade de major au titre de l'année 2016, a condamné l'Etat à verser à ce dernier une indemnité de 2 000 euros, tous intérêts compris, a mis à la charge de l'Etat une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire, enregistrée le 10 août 2018, et un mémoire ampliatif, enregistré le 7 janvier 2019, le ministre de l'intérieur demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 11 juin 2018 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a partiellement fait droit à la demande de M. E... ;

2°) de rejeter la demande de M. E... devant le Tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'insuffisance de motivation ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'absence d'inscription de M. E... au tableau d'avancement au grade de major de police au titre de l'année 2016 était entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- les autres moyens soulevés en première instance par M. E... examinés par l'effet dévolutif de l'appel sont infondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mars 2019, M. E..., représenté par Me J..., conclut au rejet de la requête et demande, en outre, qu'une somme de 1 200 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par le ministre de l'intérieur sont infondés.

Par une ordonnance du 6 mars 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 12 avril 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 ;

- le décret n° 2004-1439 du 23 décembre 2004 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,

- et les observations de Me J... pour M. E....

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., brigadier-chef de la police nationale affecté à la compagnie républicaine de sécurité n° 15, n'a pas été inscrit au tableau d'avancement au grade de major au titre de l'année 2016, arrêté le 29 avril 2016 par le ministre de l'intérieur. Il a alors formé un recours administratif contre ce tableau d'avancement mais ce recours a été rejeté par décision du ministre de l'intérieur du 12 août 2016. M. E... a ensuite saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation du tableau d'avancement au grade de major au titre de l'année 2016, à l'annulation des arrêtés individuels de promotion de MM. F..., C... et B... et à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 20 000 euros au titre des préjudices subis. Par un jugement du 11 juin 2018, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du ministre de l'intérieur du 29 avril 2016 relatif au tableau d'avancement au grade de major de la police nationale au titre de l'année 2016, ensemble la décision du ministre de l'intérieur du 12 août 2016 rejetant son recours gracieux, ainsi que les arrêtés de promotion et de nomination dans ce grade de M. D... F..., M. G... C... et M. H... B... en date du 17 mai 2016, a enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer la candidature de M. E... au grade de major au titre de l'année 2016, a condamné l'Etat à verser à ce dernier une indemnité de 2 000 euros, tous intérêts compris, a mis à la charge de l'Etat une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Le ministre de l'intérieur relève appel de ce jugement en tant qu'il a partiellement fait droit à la demande de M. E....

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Contrairement à ce que soutient le ministre de l'intérieur, les premiers juges ont explicité de façon circonstanciée l'ensemble des éléments qui les amenaient à estimer que l'absence d'inscription de M. E... au tableau d'avancement litigieux était entachée d'erreur manifeste d'appréciation. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement pour insuffisance de sa motivation ne peut donc qu'être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article 58 de la loi visée ci-dessus du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " L'avancement de grade a lieu de façon continue d'un grade au grade immédiatement supérieur. Il peut être dérogé à cette règle dans les cas où l'avancement est subordonné à une sélection professionnelle. (...) Sauf pour les emplois laissés à la décision du Gouvernement, l'avancement de grade a lieu, selon les proportions définies par les statuts particuliers, suivant l'une ou plusieurs des modalités ci-après : 1° Soit au choix, par voie d'inscription à un tableau annuel d'avancement, établi après avis de la commission administrative paritaire, par appréciation de la valeur professionnelle et des acquis de l'expérience professionnelle des agents ,· 2° Soit par voie d'inscription à un tableau annuel d'avancement, établi après avis de la commission administrative paritaire, après une sélection par voie d'examen professionnel. (...) Les promotions doivent avoir lieu dans l'ordre du tableau ou de la liste de classement. (...) ". Aux termes de l'article 17 du décret du 9 mai 1995 visé ci-dessus : " Pour l'établissement du tableau d'avancement de grade qui est soumis à l'avis des commissions administratives paritaires, il est procédé à un examen approfondi de la valeur professionnelle des agents susceptibles d'être promus compte tenu des notes obtenues par les intéressés, des propositions motivées formulées par les chefs de service et de l'appréciation portée sur leur manière de servir. Cette appréciation prend en compte les difficultés des emplois occupés et les responsabilités particulières qui s'y attachent ainsi que, le cas échéant, les actions de formation continue suivies ou dispensées par le fonctionnaire et l'ancienneté ". Enfin, aux termes de l'article 18 du décret du 23 décembre 2004 visé ci-dessus : " Peuvent être inscrits au tableau d'avancement pour l'accès au grade de major de police : 1. Après avoir satisfait aux obligations d'un examen des capacités professionnelles dont le contenu et les modalités sont fixés par arrêté du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de la fonction publique: 1-1. Les brigadiers-chefs de police qui, au 1er janvier de l'année pour laquelle le tableau d'avancement a été arrêté, comptent dix-sept ans au moins de services effectifs depuis leur titularisation dans le corps, dont quatre ans au moins dans leur grade ; (...) 2. Dans la limite du douzième de l'ensemble des promotions de grade de l'année à réaliser au titre du présent article, les brigadiers-chefs de police qui, au 1er janvier de l'année pour laquelle le tableau d'avancement a été arrêté, comptent vingt ans de services effectifs depuis leur titularisation dans le corps, dont huit ans dans le grade de brigadier-chef ".

4. Il résulte de ces dispositions que l'inscription au tableau d'avancement au grade de major de la police nationale a lieu au choix et qu'à cette fin l'administration doit, pour apprécier la valeur professionnelle d'un agent, analyser les mérites comparés de cet agent et ceux des autres agents candidats à ce même grade, remplissant les conditions statutaires pour prétendre au même avancement. Lorsqu'il est saisi d'un recours tendant à l'annulation d'un arrêté portant inscription à un tableau d'avancement, il appartient donc au juge de l'excès de pouvoir, qui ne saurait se borner, dans le cadre de son contrôle restreint, à apprécier la valeur professionnelle d'un candidat écarté, d'analyser à son tour, les mérites comparés de cet agent et de ceux des autres agents candidats à ce même grade.

5. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que, si les notations de M. C... sont supérieures à celles de M. E... pour les années 2013, 2014 et 2015, M. E... a bénéficié des notations 6, 7 et 7 pour les années 2013, 2014 et 2015 alors que celles de M. F... se sont élevées à 6, 6 et 6, soit donc des notes inférieures pour les deux dernières années 2014 et 2015. Les appréciations littérales portées sur les mérites de M. E... sont toutes très élogieuses soulignant qu'il " fournit une prestation de niveau supérieur ", qu'il " s'impose par sa compétence et son charisme " et qu'il est un " élément moteur de l'unité dans le domaine opérationnel ". En outre, sa hiérarchie a émis un avis favorable au recours hiérarchique qu'il avait formé à l'encontre du tableau d'avancement au titre de l'année 2016, notant qu'il faisait preuve " de professionnalisme et d'investissement pour le métier " et que " les arguments présentés par le brigadier-chef E... ne peuvent que retenir l'attention ". Par ailleurs si l'administration fait valoir que M. F... a été nommé cadre intendant d'un mess, il est constant que M. E... occupe les fonctions de chef de groupe et, ponctuellement, de chef de section, à l'occasion desquelles il est le responsable hiérarchique de vingt-trois fonctionnaires dont quatre brigadiers-chefs, soit une expérience du management comparable à celle de M. F... qui n'exerçait ces fonctions de cadre intendant d'un mess que depuis quelques mois à la date de l'arrêté contesté et qui d'ailleurs n'avait pas encore fait l'objet d'une évaluation professionnelle pour ce poste. Par ailleurs, M. E... a suivi avec succès plusieurs formations professionnelles qualifiantes et a reçu de nombreux témoignages de satisfaction et de félicitations, en particulier pour un acte de bravoure le 12 novembre 2015. Dans ces conditions, la seule justification avancée par l'administration relative à la nature du poste occupé par M. F... depuis juillet 2015 alors que l'analyse comparée des mérites de M. E... et de M. F... pour les trois années de référence devant être prises en compte pour établir le tableau d'avancement litigieux, révèle que la manière de servir de M. E... est jugée supérieure à celle de M. F..., ne peut suffire à établir que la comparaison des mérites de M. E... avec ceux des autres agents candidats ne justifiait pas son inscription au tableau d'avancement litigieux. Par suite, le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont accueilli le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entaché le tableau contesté.

6. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 29 avril 2016 relatif au tableau d'avancement au grade de major de la police nationale au titre de l'année 2016, ensemble la décision du 12 août 2016 rejetant le recours gracieux de M. E..., ainsi que les arrêtés de promotion et de nomination dans ce grade de M. D... F..., M. G... C... et M. H... B... en date du 17 mai 2016, a enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer la candidature de M. E... au grade de major au titre de l'année 2016, a condamné l'Etat à verser à ce dernier une indemnité de 2 000 euros, tous intérêts compris et a mis à la charge de l'Etat une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Enfin, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros que M. E... demande au titre du même article.

DECIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera une somme de 1 200 euros à M. E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. I... E....

Délibéré après l'audience du 7 juillet 2020 à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- M. A..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 juillet 2020.

Le rapporteur,

D. PAGES

Le président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

T. C...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 18PA02774 6


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-06 Fonctionnaires et agents publics. Notation et avancement.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : INGELAERE BENJAMIN

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Date de la décision : 21/07/2020
Date de l'import : 28/07/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18PA02774
Numéro NOR : CETATEXT000042142636 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-07-21;18pa02774 ?
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