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10/07/2020 | FRANCE | N°20PA00997,20PA01311

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 10 juillet 2020, 20PA00997,20PA01311


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Paris de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle et d'annuler l'arrêté en date du 31 octobre 2019 par lequel le préfet de police a décidé son transfert vers les autorités italiennes, responsables de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1925288/8 du 20 décembre 2019, le tribunal administratif de Paris a admis M. D... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, a annulé l'arrêté du 31 octobre 2019 du préfet d

e police, a enjoint au préfet de police de procéder à un nouvel examen de la situatio...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Paris de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle et d'annuler l'arrêté en date du 31 octobre 2019 par lequel le préfet de police a décidé son transfert vers les autorités italiennes, responsables de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1925288/8 du 20 décembre 2019, le tribunal administratif de Paris a admis M. D... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, a annulé l'arrêté du 31 octobre 2019 du préfet de police, a enjoint au préfet de police de procéder à un nouvel examen de la situation de M. D... et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de

M. D....

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête enregistrée le 17 mars 2020 sous le n° 20PA00997, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 1925288/8 du 20 décembre 2019 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- c'est à tort que le premier juge a considéré que l'entretien individuel de M. D... n'avait pas été conduit par une personne qualifiée en vertu du droit national ;

- les autres moyens soulevés par M. D... en première instance ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juin 2020, M. D..., représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête et demande à la Cour :

à titre subsidiaire,

1°) d'annuler l'arrêté en date du 31 octobre 2019 par lequel le préfet de police a décidé son transfert vers les autorités italiennes ;

en toute hypothèse,

2°) d'enjoindre au préfet de police d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à Me A... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le moyen soulevé par le préfet de police doit être écarté ;

- les services de la préfecture n'établissent pas les raisons ayant justifié un interprétariat par téléphone ;

- en édictant l'arrêté de transfert vers l'Italie, le préfet de police a commis une erreur de droit dès lors qu'il est dans l'impossibilité de l'exécuter, l'Italie ayant suspendu toutes les procédures de transfert depuis le 26 février 2020 compte tenu de l'état sanitaire dû à l'épidémie de coronavirus ;

- compte tenu de la situation sanitaire actuelle en Italie et de l'accueil des demandeurs d'asile dans ce pays, sa demande d'asile ne sera pas examinée et les conditions de son accueil ne seront pas dignes ; en outre, l'Italie lui a notifié une décision portant obligation de quitter le territoire italien dès son arrivée en Italie.

II. Par une requête, enregistrée le 13 mai 2020 sous le n° 20PA01311, le préfet de police demande à la Cour d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, le sursis à exécution des articles 2, 3 et 4 du jugement n° 1925288/8 du 20 décembre 2019 du tribunal administratif de Paris.

Il soutient que les conditions fixées par l'article R. 811-15 du code de justice administrative sont en l'espèce remplies.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juin 2020, M. D..., représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête et demande à la Cour :

à titre subsidiaire,

1°) d'annuler l'arrêté du 31 octobre 2019 par lequel le préfet de police a décidé son transfert vers les autorités italiennes ;

en toute hypothèse,

2°) d'enjoindre au préfet de police d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale ou à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à Me A... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il reprend les moyens soulevés dans l'instance n° 20PA00997.

Par des décisions en date du 19 mai 2020, le président du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris a accordé à M. D... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant afghan, a été reçu en préfecture le 12 août 2019 afin de solliciter son admission au séjour au titre de l'asile. La consultation du système " Eurodac " ayant fait apparaître que M. D... avait franchi irrégulièrement les frontières italiennes le 28 juin 2019, le préfet de police a saisi les autorités de ce pays le 19 août 2019 d'une demande de prise en charge. A la suite d'une décision implicite d'acceptation de prise en charge des autorités italiennes née le 19 octobre 2019, le préfet de police a ordonné le transfert de M. D... aux autorités italiennes par l'arrêté contesté du 31 octobre 2019. Le préfet de police relève appel du jugement du 20 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé, à la demande de M. D..., son arrêté du 31 octobre 2019.

2. Les requêtes susvisées n° 20PA00997 et n° 20PA01311, présentées par le préfet de police tendent respectivement à l'annulation et au sursis à exécution du même jugement du 20 décembre 2019 du tribunal administratif de Paris et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Paris :

3. Aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. (...) ". De même, aux termes de l'article R. 741 1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. Lorsqu'un étranger, se trouvant à l'intérieur du territoire français, demande à bénéficier de l'asile, l'enregistrement de sa demande relève du préfet de département et, à Paris, du préfet de police (...) ".

4. Pour annuler l'arrêté portant transfert de M. D... aux autorités italiennes, le premier juge a relevé que si l'intéressé avait bénéficié d'un entretien individuel le 14 août 2019, le résumé de cet entretien était dépourvu des mentions et cachets permettant d'établir qu'il avait été conduit par une personne qualifiée en vertu du droit national. Toutefois, pour regrettable que soit l'apposition illisible du cachet de la préfecture de police de Paris sur le document intitulé " résumé de l'entretien individuel " de M. D..., il ressort des mentions de ce document que cet entretien a été " conduit par un agent qualifié de la Préfecture de Police par le biais d'ISM interprétariat " et que la personne qui a conduit cet entretien a demandé à M. D... des informations nécessaires à la détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile. Aucune disposition n'impose la mention sur le compte rendu de l'entretien individuel prévu à l'article 5 précité du règlement (UE) n° 604/2013 de l'identité de l'agent qui a mené l'entretien. La circonstance que ni le nom, ni la signature de l'agent ne figure sur le compte rendu de l'entretien n'est pas de nature à démontrer que celui-ci n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. Dès lors que le préfet de police était compétent pour enregistrer la demande d'asile de M. D... et procéder à la détermination de l'Etat responsable de cette demande, les services de la préfecture de police de Paris, et en particulier les agents recevant les demandeurs d'asile, doivent être regardés comme ayant la qualité, au sens de l'article 5 précité du règlement n° 604/2013, de " personne qualifiée en vertu du droit national " pour mener l'entretien prévu à cet article. Au demeurant, dès lors que le requérant a eu la possibilité, lors de cet entretien, de faire part utilement de toute information pertinente relative à la détermination de l'Etat responsable, l'absence d'indication de l'identité et de la qualité de l'agent qui a mené l'entretien individuel n'a, en tout état de cause, pas privé l'intéressé d'une garantie et n'a pas été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise. Par ailleurs, il ne résulte ni des dispositions du règlement (UE) du 26 juin 201, ni d'aucune autre disposition législative ou règlementaire que l'agent chargé de mener l'entretien individuel en vue de déterminer l'Etat membre responsable de l'examen de la demande d'asile, qui revêt le caractère d'une mesure préparatoire, devrait bénéficier d'une délégation de signature du préfet de police. Par suite, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a annulé, au motif qu'il n'était pas établi que l'entretien individuel de M. D... aurait été conduit par une personne qualifiée en vertu du droit national, son arrêté du 31 octobre 2019.

5. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... devant le tribunal administratif de Paris et devant la Cour.

Sur les autres moyens soulevés par M. D... :

6. En premier lieu, si M. D... soutient que l'arrêté contesté a été signé par une autorité incompétente, il ressort des pièces du dossier que Mme F... C..., signataire de cet arrêté, bénéficiait d'une délégation à cet effet consentie par un arrêté n° 2019-00832 du 18 octobre 2019 du préfet de police, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de Paris du même jour et produit au dossier par le préfet de police. Par suite, le moyen doit être écarté comme manquant en fait.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. (...). ".

8. Il ressort des pièces du dossier que M. D... s'est vu remettre contre signature, les 12 et 13 août 2019, la brochure intitulée " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " (brochure A), la brochure intitulée " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' " (brochure B) et le guide du demandeur d'asile, rédigés en langue pachto, langue que l'intéressé a déclaré comprendre. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit à l'information du demandeur d'asile énoncé à l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.

9. En troisième lieu, il ressort des dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 citées au point 3 que l'entretien individuel avec le demandeur d'asile a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Aux termes de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'il est prévu aux livres II, V et VI et à l'article L. 742-3 du présent code qu'une décision ou qu'une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire. / En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur l'une des listes mentionnées à l'article L. 111-9 ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger ".

10. Il ressort des pièces du dossier que M. D... a bénéficié lors de son entretien individuel le 14 août 2019, ainsi que le permettent les dispositions précitées, des services téléphoniques d'un interprète en langue pachto, langue que l'intéressé a déclaré comprendre, appartenant à l'organisme d'interprétariat ISM, agréé par l'administration et que ce moyen de communication a été retenu en raison du nombre important de personnes à auditionner. Le nom et les coordonnées de l'interprète ont été indiqués par écrit à l'intéressé qui n'allègue ni n'établit que celui-ci n'a pas assuré une bonne communication entre lui et l'agent ayant mené l'entretien. Dans ces conditions, et alors que M. D... ne fait état d'aucun élément laissant supposer que cet entretien ne se serait pas déroulé dans les conditions prévues par les dispositions de l'article 5 du règlement n° 604-2013 du 26 juin 2013, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions et de celles de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

11. En quatrième lieu, aux termes de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Lorsqu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, du présent règlement, notamment des données visées au règlement (UE) no 603/2013, que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un État membre dans lequel il est entré en venant d'un État tiers, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière. ". Aux termes de l'article 14 du règlement (UE) n° 603/2013 : " 1. Chaque Etat membre relève sans tarder l'empreinte digitale de tous les doigts de chaque ressortissant de pays tiers ou apatride, âgé de 14 ans au moins, qui, à l'occasion du franchissement irrégulier de sa frontière terrestre, maritime ou aérienne en provenance d'un pays tiers, a été interpellé par les autorités de ce contrôle compétentes (...) ".

12. Aux termes de l'article 21 du règlement n° 604/2013 : " L'Etat membre auprès duquel une demande de protection internationale a été introduite et qui estime qu'un autre Etat membre est responsable de l'examen de cette demande peut, dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois à compter de la date d'introduction de la demande au sens de l'article 20, paragraphe 2, requérir cet autre Etat membre aux fins de prise en charge du demandeur. Nonobstant le premier alinéa, en cas de résultat positif (" hit ") Eurodac (...), la requête est envoyée dans un délai de deux mois à compter de la réception de ce résultat positif (...). Si la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur n'est pas formulée dans les délais fixés par le premier et le deuxième alinéa, la responsabilité de l'examen de la demande de protection internationale incombe à l'Etat membre auprès duquel la demande a été introduite. (...) ". Aux termes de l'article 22 du même règlement : " 1. L'État membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur dans un délai de deux mois à compter de la réception de la requête. (...) / 7. L'absence de réponse à l'expiration du délai de deux mois mentionné au paragraphe 1 et du délai d'un mois prévu au paragraphe 6 équivaut à l'acceptation de la requête et entraîne l'obligation de prendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée. ".

13. Il ressort des pièces du dossier que la consultation du fichier " Eurodac " faisant apparaître que M. D... avait franchi de manière irrégulière les frontières italiennes le 28 juin 2019 a été effectuée par le préfet de police le 13 août 2019. Le préfet de police verse au dossier la requête destinée aux autorités italiennes aux fins de prise en charge du requérant ainsi que l'accusé de réception permettant d'établir que la saisine des autorités italiennes a été effectuée le 19 août 2019, soit dans le délai de deux mois prescrit par les dispositions de l'article 21 du règlement n° 604/2013. Ainsi, en application des dispositions précitées de l'article 22 du même règlement, les autorités italiennes sont réputées avoir accepté implicitement la reprise en charge de M. D... deux mois plus tard, soit le 19 octobre 2019. Dans ces conditions, M. D... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté de transfert aurait été pris à l'issue d'une procédure irrégulière.

14. En cinquième lieu, M. D... ne saurait utilement invoquer que l'arrêté contesté méconnaît les dispositions des articles 23 et 25 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 dès lors que ces dispositions ont pour objet d'encadrer la procédure de reprise en charge et non la procédure de prise en charge dont fait l'objet l'intéressé.

15. En sixième lieu, d'une part, aux termes du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable ".

16. D'autre part, aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. ".

17. L'Italie est un Etat membre de l'Union européenne partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il appartient néanmoins à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités de ce pays répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile.

18. En l'espèce, si M. D... soutient qu'il a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire prises par les autorités italiennes et produit des articles de presse faisant état d'un durcissement de la politique d'immigration en Italie, ces éléments ne sont pas de nature à établir qu'il existerait des raisons sérieuses de croire à l'existence de défaillances systémiques en Italie dans la procédure d'asile ou que sa demande d'asile ne sera pas traitée dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Par suite, le préfet de police n'a pas méconnu les dispositions du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et n'a pas non plus commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de mettre en oeuvre au profit de l'intéressé la clause discrétionnaire prévue à l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013.

19. En dernier lieu, les procédures de transfert n'étant pas suspendues par les autorités italiennes à la date de l'arrêté en litige, M. D... ne peut, en tout état de cause, utilement soutenir que le préfet de police aurait commis une erreur de droit en décidant le 31 octobre 2019 son transfert vers les autorités italiennes.

Sur l'exécution de la décision de transfert vers l'Italie :

20. Si le requérant soutient que le préfet de police est dans l'impossibilité d'exécuter la décision en litige dès lors que l'Italie a suspendu toutes les procédures de transfert depuis le 26 février 2020 compte tenu de la crise sanitaire, les conditions d'exécution de la décision de transfert en litige sont sans incidence sur sa légalité.

21. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 31 octobre 2019 décidant du transfert de M. D... aux autorités italiennes. Il y a lieu, par suite, d'annuler les articles 2, 3 et 4 du jugement attaqué et de rejeter les conclusions à fins d'annulation, d'injonction et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 présentées par M. D... devant le tribunal ainsi que les conclusions qu'il a présentées sur le même fondement devant la Cour.

Sur les conclusions aux fins de sursis à exécution du jugement :

22. La Cour se prononçant, par le présent arrêt, sur la requête n° 20PA00997 du préfet de police tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Paris du 20 décembre 2019, il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 20PA01311 par laquelle le préfet de police sollicite de la Cour le sursis à exécution du jugement.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 20PA01311.

Article 2 : Les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 1925288/8 du 20 décembre 2019 du tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 3 : Les conclusions à fins d'annulation, d'injonction et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 présentées par M. D... devant le tribunal administratif de Paris ainsi que les conclusions présentées sur le même fondement devant la Cour sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 22 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme E..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 juillet 2020.

Le président de la formation de jugement,

J. LAPOUZADE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

9

N°s 20PA00997, 20PA01311


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA00997,20PA01311
Date de la décision : 10/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : CABINET HUG et ABOUKHATER

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-07-10;20pa00997.20pa01311 ?
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