La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/07/2020 | FRANCE | N°19PA03671

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 10 juillet 2020, 19PA03671


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 7 mars 2019 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné.

Par un jugement n° 1914227 du 19 septembre 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et d

es pièces complémentaires, enregistrées le 20 novembre 2019 et le 26 novembre 2019, M. D..., repr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 7 mars 2019 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné.

Par un jugement n° 1914227 du 19 septembre 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées le 20 novembre 2019 et le 26 novembre 2019, M. D..., représenté par Me A... E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1914227 du 19 septembre 2019 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 7 mars 2019 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jours de retard et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. D... de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les premiers juges ont insuffisamment motivé leur jugement dès lors qu'ils n'ont pas précisé les raisons pour lesquelles les certificats médicaux produits et tendant à démontrer l'indisponibilité du traitement dans son pays d'origine n'étaient pas suffisants pour remettre en cause le sens de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

- les premiers juges, qui ont rejeté le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien au motif notamment qu'un certificat médical dont il était fait référence n'était pas produit à l'instance, ont méconnu leur office en s'abstenant de prescrire une mesure d'instruction tendant à sa production ;

S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien et les dispositions des articles 3 et 4 de l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration de leurs missions prévues au 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le traitement qu'implique son état de santé n'est pas disponible dans son pays d'origine ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision contestée est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- la décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juin 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

Par une décision du 15 octobre 2019, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris a admis M. D... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les observations de Me A... E..., avocate de M. D....

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant algérien, né le 2 mars 1986 à Oran, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des stipulations de l'article 6-7° de l'accord franco-algérien. Par un arrêté du 7 mars 2019, le préfet de police a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné. M. D... relève appel du jugement du 19 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté contesté, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête et de statuer sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : / (...) 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ". Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'avis du collège de médecins de l'OFII est établi sur la base du rapport médical élaboré par un médecin de l'office selon le modèle figurant dans l'arrêté du 27 décembre 2016 mentionné à l'article 2 ainsi que des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays dont le demandeur d'un titre de séjour pour raison de santé est originaire. / Les possibilités de prise en charge dans ce pays des pathologies graves sont évaluées, comme pour toute maladie, individuellement, en s'appuyant sur une combinaison de sources d'informations sanitaires. / L'offre de soins s'apprécie notamment au regard de l'existence de structures, d'équipements, de médicaments et de dispositifs médicaux, ainsi que de personnels compétents nécessaires pour assurer une prise en charge appropriée de l'affection en cause. / L'appréciation des caractéristiques du système de santé doit permettre de déterminer la possibilité ou non d'accéder effectivement à l'offre de soins et donc au traitement approprié. / Afin de contribuer à l'harmonisation des pratiques suivies au plan national, des outils d'aide à l'émission des avis et des références documentaires présentés en annexe II et III sont mis à disposition des médecins de l'office ".

3. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser à M. D..., la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article 6-7° de l'accord franco-algérien, le préfet de police s'est notamment fondé sur l'avis du 27 décembre 2018 du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui a estimé que si l'état de santé de M. D... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

4. Il ressort des certificats médicaux produits par M. D... que celui-ci souffre d'une pathologie psychiatrique nécessitant un traitement médicamenteux à base notamment de Tercian, neuroleptique dont la substance active est la cyamémazine, et qu'une rupture du traitement pourrait entrainer une mise en danger de sa vie ou un handicap sévère. En outre, le requérant produit en appel deux certificats médicaux établis respectivement le 24 juin 2019 et le 20 novembre 2019 par des médecins généralistes algériens attestant que le " Tercian (cyamémazine) et Theralene (alimémazine) ainsi que leurs génériques sont indisponibles sur le marché pharmaceutique algérien ", la circonstance que ces deux certificats médicaux sont postérieurs à la décision contestée ne faisant pas obstacle à ce qu'ils soient pris en considération dès lors qu'ils décrivent un état de fait préexistant et contemporain de cette décision. Le préfet de police n'établit pas que la cyamémazine ou toute autre molécule de substitution seraient disponibles en Algérie. Dans ces conditions, et dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. D... pourrait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, ce dernier est fondé à soutenir que la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 6-7° de l'accord franco-algérien modifié et des dispositions de l'article 3 de l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté attaqué ci-dessus retenu et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus, le présent arrêt implique nécessairement que cette autorité délivre à M. D... le titre de séjour sollicité. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de police de délivrer ce titre dans un délai de trois mois à compter de la notification qui lui sera faite du présent arrêt.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. D'une part, M. D... n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée. D'autre part, l'avocat de M. D... n'a pas demandé que lui soit versée par l'Etat la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à son client si ce dernier n'avait bénéficié d'une aide juridictionnelle totale. Dans ces conditions, les conclusions de la requête tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1914227 du 19 septembre 2019 du tribunal administratif de Paris et l'arrêté en date du 7 mars 2019 par lequel le préfet de police a refusé de délivrer à M. D... un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays de destination, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à M. D... un certificat de résident portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D..., au ministre de l'intérieur et au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 22 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président,

- M. B..., président assesseur,

- Mme Larsonnier, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 juillet 2020.

Le président de la 8ème Chambre,

J. LAPOUZADE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N° 19PA03671


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA03671
Date de la décision : 10/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-02-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Autorisation de séjour. Refus de renouvellement.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SELARL BAMC AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-07-10;19pa03671 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award